1.6 La démonopolisation du commerce extérieur

Conformément au système de planification centralisée, l’Algérie avait opté pour la monopolisation des circuits du commerce extérieur. Depuis 1970, le contrôle étatique sur ce secteur est total : les importations et les exportations étaient du ressort exclusif des entreprises publiques. Les opérations du commerce extérieur étaient sévèrement réglementées et surveillées par l’administration publique. Le système des Autorisations Globales d’Importation (AGI) était instauré, conditionnant toute opération d’importation par l’aval de deux ministères, celui des Finances et celui du Commerce. A partir de 1978, le système s'était compliqué davantage avec l’instauration de la loi 78-02 qui interdisait toute intermédiation entre l’entreprise publique et son fournisseur.

D’autres mesures furent prises avec l’amenuisement des moyens extérieurs de l’Etat au milieu des années 1980. Dans une ultime bataille contre l’augmentation des importations, le Premier ministre A. Brahimi avait instauré le Comité d’ « équilibres extérieurs » qu’il présidait plusieurs fois par semaine afin de contrôler la conformité et « l’utilité » des opérations d’importation. Il n’est certainement pas opportun de rappeler, ici, les multiples conséquences, aussi néfastes les unes que les autres, à la tête desquelles l’on trouve le phénomène de corruption par voie de  commissions  sur les marchés. Plusieurs travaux ont été consacrés à ce sujet, y compris dans le cadre de la présente étude226. Notre objectif est de savoir quelle stratégie a adopté le gouvernement réformateur pour la démonopolisation d’un secteur qui recélait des intérêts financiers colossaux.

La libéralisation du commerce extérieur a été parmi les chantiers les plus difficiles de la réforme. Entre 1988 et 1990, quatre tentatives ont été entreprises. D’abord la loi de juillet 1988 qui stipulait que l’Etat n’était pas directement responsable du commerce extérieur, c'est-à-dire qu’il n’avait fait qu’accorder des concessions aux entreprises et organismes publics. Une manière « douce » de ne pas effrayer les « caciques du parti unique » et leurs clients avant d’introduire de nouvelles dispositions. Ce style était familier aux réformateurs.

En effet, quelques mois après, soit en septembre de la même année, le système d’Autorisation Globales d’Importation a été remplacé par le système de budgets-devises annuels. Ce dernier consistait à allouer des budgets en devises pour une année d’importation renouvelable avec conditions227. Mais un mois plus tard (Octobre 1988) un nouveau décret (décret 88-201) supprimait formellement le monopole étatique sur le commerce extérieur. Cependant, pour de multiples raisons dont la plus importante restait la Constitution indiquant toujours le caractère socialiste de l’Etat, ces mesures n’ont pas apportée les changements nécessaires.

C’est la Loi sur la Monnaie et le Crédit, et celle de finance complémentaire de 1990, qui ont brisé définitivement le monopole étatique sur le commerce extérieur. La Banque d’Algérie, conformément à la nouvelle législation, autorisait l’installation des concessionnaires et grossistes étrangers. Cette action était d’autant plus surprenante que le gouvernement avait pris toutes les précautions pour -ne pas susciter les critiques des conservateurs- de sauvegarde de l’intérêt national. Il imposait aux concessionnaires désireux de s’installer sur le sol national, trois conditions : premièrement, couvrir les frais d’installation par un apport en devises en provenance de l’étranger, deuxièmement, les opérations d’importations de marchandises destinées à la revente ne pouvaient se faire que par prélèvement sur le compte devise de l’opérateur, troisièmement, l’engagement par l’opérateur de promouvoir en Algérie des investissements de biens et services à base d’un cahier de charge avec un calendrier préétabli -on parlait alors du « commerce industrialisant ».

En réaction au manque d’engouement des opérateurs étrangers, le gouvernement promulgua un autre décret en février 1991, autorisant tout opérateur public ou privé à accéder au marché des importations. La seule condition maintenue était l’obligation de la domiciliation bancaire en Algérie.

Cet acharnement du gouvernement réformateur à mettre fin au monopole étatique sur le commerce extérieur est justifié par la nécessité de sauvegarde de l’intérêt national face aux rentiers de tous bords qui bradent les richesses nationales au nom de l’étatisme. Les déclarations publiques du chef du Gouvernement sont en effet nombreuses à ce sujet. Nous reviendrons en détail sur cette question dans les pages qui suivent et qui sont consacrées aux oppositions suscitées par les différentes réformes entamées sous le gouvernement de M. Hamrouche.

Notes
226.

Voir chapitre 3 de la présente étude, Cahiers de la réforme, etc.

227.

Voir le décret 88/67 du 06/09/88.