2.1.1 L’opposition sociale du monde ouvrier

Les travailleurs -plus largement les couches sociales défavorisées- se montraient habituellement réticents au discours prônant le désengagement de l’Etat. La crainte des licenciements, des conséquences de la disparition de la politique sociale de l’Etat poussaient souvent les classes ouvrières à résister aux changements économiques qui les exposeraient aux impitoyables lois du marché. Ces oppositions étaient une conséquence logique des recompositions sociales que provoquait le changement du mode de régulation. C’est pourquoi, il était toujours recommandé d’accompagner les réformes économiques par des plans sociaux afin d’atténuer le choc du changement sur les classes fragiles de la société.

A l’instar de ce qui s’est passé en Europe de l’Est et dans plusieurs pays anciennement socialistes, les réformes engagées par le gouvernement de M. Hamrouche étaient impopulaires. Depuis l’ouverture politique, les grèves ouvrières, les manifestations de rue, les occupations des locaux d’entreprises, etc., avaient augmentées considérablement. A titre d’exemple, pour le seul premier semestre 1989, l’on recensait 1095 grèves228, sans compter les autres formes de manifestation d’hostilité. Mais malgré ce fait -somme toute normal en période de transition- les réformateurs ne souffraient pas des oppositions sociales. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation.

Premièrement, la classe ouvrière algérienne n’est pas suffisamment organisée. Après trois décennies d’interdiction du droit de grève et de la représentation syndicale unique assurée par l’UGTA, la classe ouvrière a perdu les traditions de lutte. Elle ne formait pas un corps homogène et puissant susceptible de mettre en difficultés le gouvernement.

Deuxièmement, le gouvernement réformateur se montrait très prudent sur la question sociale. Il empruntait la voie gradualiste en matière de réformes, en évitant les mesures trop impopulaires à l’exemple de la libéralisation partielle et graduelle des prix.

Enfin, le gouvernement restait attentif au monde ouvrier. Il instaurait le système de tripartite regroupant le gouvernement, le syndicat et le patronat, pour un dialogue social régulier, tout en ajustant sa politique sociale à chaque fois que des revendications étaient exprimées. À titre d’exemple, le gouvernement revoyait à la hausse ses prévisions de dépenses sociales de 47% en 1991 par rapport à l’année précédente, pour répondre aux engagements pris à la fin 1990 pour une augmentation de salaire avec effet rétroactif. En effet, la masse salariale augmentait de 33 % en 1991 par rapport à 1990229.

Notes
228.

M. Harbi, L’Algérie et son destin…Op.cit. p. 207.

229.

S. Gouméziane, le Fils de novembre, Op.cit.p. 231.