La notion d’ajustement structurel, appliquée aux pays sous-développés, est étroitement liée à la spirale infernale de l’endettement international, ainsi qu'à la crise de paiement qui l’a suivie au début des années 1980. Limité, au départ, à certains pays de l’Amérique latine, le phénomène de cessation de paiement s'était généralisé pour toucher plusieurs pays producteurs de pétrole, notamment après le contrechoc pétrolier de 1986. Face à l’ampleur du phénomène d’insolvabilité, les bailleurs de fonds internationaux, notamment le FMI et la Banque Mondiale, avaient décidé d’exiger des pays emprunteurs de s’engager à prendre des mesures économiques et financières radicales, pour parvenir à dégager des excédents financiers et rembourser leur dette extérieure. Ces mesures étaient consignées dans des programmes annuels ou pluriannuels appelés « Plans d’Ajustement Structurel ».
Après un début d’application limité, les Plans d’Ajustement Structurel ont pris un essor particulier depuis le début des années 1990. En effet, l’effondrement de l’URSS et la chute du Mur de Berlin ont conféré aux Institutions Financières Internationales le statut de « parrain » de la transition vers le marché. La thérapie de choc, issue du consensus de Washington, fut partout imposée au début des années 1990, comme un « mal nécessaire » pour réussir la transition vers le marché260.
La notion d’ajustement structurel peut être appréhendée de plusieurs façons. Elle oscille de la recherche d’équilibre de la balance des paiements à la soumission des économies en difficultés aux lois du marché en passant par la recherche de la gestion rationnelle des ressources monétaires et financières publiques. Malgré leurs légères divergences, ces définitions se complètent et convergent sur au moins deux faits :
Premièrement, le Plan d’ajustement structurel est un programme dicté de l’extérieur par le FMI à un pays donné pour rétablir ses équilibres économiques globaux. Les pays exposés au P.A.S éprouvent généralement des difficultés pour s’acquitter de leur dette extérieure261.
Deuxièmement, au-delà de son rôle de garant du paiement des dettes rééchelonnées, le FMI a pour objectif de généraliser les règles du marché à l’échelle planétaire. Le P.A.S, qualifié généralement de thérapie de choc, est un ensemble de mesures d’ordre monétaire, budgétaire, fiscal et commercial. Son objectif est double : le rétablissement des équilibres macro-économiques, dans un premiers temps, celui des mécanismes du marché et de la vérité des prix par le désengagement de l’Etat de la sphère économique, dans un deuxième temps. La stabilisation, la libéralisation et la privatisation sont les maîtres mots qui synthétisent les différentes conditions et critères de performances du FMI.
La doctrine du FMI est inspirée des théories économiques néolibérales nées dans le sillage de la crise des pays occidentaux des années 1970 et les difficultés de l’Etat providence à juguler le chômage et l’inflation selon les mécanismes keynésiens. Le fondement principal de ces théories est le rôle assigné à l’Etat dans l’économie. Selon cette doctrine, l’intervention de l’Etat doit être limitée et les équilibres monétaire et budgétaire doivent être dans tout les cas respectés. La privatisation est en outre une des solutions préconisée pour alléger le poids des dépenses publiques et des charges fiscales. Après un début d’application en Angleterre et aux Etats Unis, ce courant de pensée, appelé monétarisme, s'est généralise pour devenir actuellement une pensée dominante au sein de la science économique. Le Plan d’ajustement et le FMI obéissent donc à une logique d’ensemble visant la généralisation de la doctrine libérale à l’ensemble de la planète.
En revanche, si les motivations du FMI sont facilement identifiables, celles des pays le sollicitant le sont moins. En effet, l’histoire des plans d’Ajustement Structurel montre des exemples de pays ayant bénéficié de l’aide du FMI en appliquant scrupuleusement ses recommandations, mais qui, une fois la « tempête » de la crise financière passée, reviennent sur toutes les décisions qu’ils avaient prises. L’exemple algérien est à ce propos édifiant. L’Algérie a accepté, pour les raisons évoquées plus haut et sans conditions, le Plan d’ajustement structurel du FMI au milieu des années 1990, mais dès que ses recettes pétrolières augmentèrent, et son engagement avec le FMI expira, elle revint sur plusieurs des décisions qu’elle avait prises auparavant. L’histoire économique ultérieure de l’Algérie le montre amplement262.
Cependant, on assiste, depuis les années 2000, à un recul net de cette « doctrine ». Cette situation va être exploitée par plusieurs pays, dont l’Algérie pour remettre en cause les engagements qu’ils avaient pris au moment ou ils étaient en difficulté.
Il y a lieu de souligner que la notion d’Ajustement Structurel n’est pas exclusivement propre aux pays endettés et sous développés. L’Ajustement Structurel est appliqué en permanence dans les pays capitalistes pour rééquilibrer leur balance de paiement. Mais cette notion, transposée mécaniquement aux pays du tiers monde, prend une toute autre signification. Eu égard des conditions historiques dans lesquelles évoluent ces pays, le rétablissement de l’équilibre de la balance des paiements au moyen de restrictions monétaires et budgétairen’implique pas uniquement une austérité limitée et le sacrifice de certains aspects de la politique sociale, c’est tout le sens de la notion de l’Etat, des frontières entre le public et le privé, en bref, ce sont l’ensemble des rapports de force, du pouvoir et d’autorité au sein de l’Etat et entre ce dernier et la société civile qui se trouvent bouleversés, d’où les difficultés du P-A-S. En fait, les catégories d’analyses qu’utilisent les concepteurs du P-A-S perdent leur pertinence analytique devant les réalités marchandes évoluant dans des aires historiques différentes de ceux qui ont fait naitre le système de marché.
A contrario, quand l’Ajustement Structurel est appliqué dans des conditions politiques favorables il peut donner des résultats probants. Sur cet aspect voir, C. Chavagneux, Ghana une révolution de bon sens, économie politique d’un ajustement structurel, Karthala, 1997.