2.2. Ouverture tous azimuts sur l’extérieur

Après avoir été longtemps protectionniste, l’économie algérienne opéra une ouverture brutale de son commerce extérieur299. En effet, l’Algérie ratifia en 2002 un accord d’association avec l’Union Européenne, adhéra en 2009 à la Zone Arabe de Libre Echange et envisage aujourd'hui d’adhérer à l’OMC, livrant ainsi totalement son économie à la concurrence internationale. Or, tout indique que l’adhésion à ces différents accords est porteuse de risques imminents sur ce qui subsiste encore du tissu productif local. A ce propos, plusieurs observateurs se demandent pourquoi l’Algérie, après plusieurs années d’hésitation, décida subitement de signer l’Accord d’Association avec l’Union Européenne, bien qu’il n’y ait pas eu d’évolution significative dans le pays du point de vue économique, si ce n’est une forte accumulation de réserves de change provenant de la fiscalité pétrolière. En guise de réponse à cette question nous pensons une fois encore que les motivations politiques et diplomatiques ont primé sur les raisons économiques pour la ratification d’accords aussi engageants.

  L’Algérie est le dernier pays maghrébin à avoir accepté l’accord d’association avec l’UE, pourtant elle avait entamé les négociations en 1996, soit moins d’une année après l’adoption de la déclaration de Barcelone. Il lui avait fallu donc plus de 5 années pour prendre la décision de ratifier son accord d’association. La correspondance des grandes lignes de ce dernier avec ceux de la déclaration de Barcelone n’a pas accéléré le processus de ratification. Dès lors, il est légitime de s’interroger sur les véritables raisons de ce retard. Est-il motivé, comme veut le faire croire le discours officiel, par des raisons économiques relatives à la revendication par l’Algérie de faire reconnaître sa « spécificité » comme pays mono-exportateur de pétrole ? Ou bien existerait-t-il d’autres raisons « invisibles » relatives au contexte politico-sécuritaire vécu par l’Algérie durant les années 1990 ? (…) Notre thèse est que le pouvoir algérien utilisait l’accord d’association pour exercer une « sorte de chantage » sur l’Union et la communauté internationale : en échange de l’acceptation des exigences européennes en matière d’ouverture économique, le pouvoir d’Alger cherchait l’obtention d’un soutien clair de l’Union de sa politique du « tout sécuritaire » engagée après l’arrêt du processus démocratique l intervenu en janvier 1992 

Eu égard le contexte de l’époque, cette thèse est fortement crédible. Rappelons que l’article II des accords d’association conditionne la coopération entre l’Union et ses partenaires au respect des droits de l’homme et que le pouvoir algérien était menacé d'isolement politique sur le plan national et international pour son non respect des règles démocratiques. A présent, le pouvoir d’Alger n’échappe d’ailleurs pas aux critiques de l’Union pour son autoritarisme. La relative amélioration de la situation sécuritaire algérienne, et les résultats « satisfaisants » de l’application du Plan d’Ajustement Structurel avec le FMI ont encouragé la reprise des négociations qui se sont clôturées en décembre 2001. L’accord a été paraphé par les deux parties le 19 décembre de la même année et signé en Avril 2002.

Cependant, une donnée fondamentale devrait être rajoutée, car ignorée au moment d’écrire les lignes précédemment citées300 : celle relative la volonté de l’Etat algérien de marquer son retour sur la scène internationale. Rappelons, à ce propos, que l’un des objectifs de A. Bouteflika était de « réconcilier » l’Etat algérien avec ses partenaires traditionnels, c'est-à-dire les Etats-Unis d’Amérique et l’Union Européenne. Ces derniers, sous la pression de leurs opinions publiques respectives, s’étaient en effet considérablement éloignés du pouvoir d’Alger, suite à l’arrêt en 1992 du processus démocratique et de la guerre civile qui s’en est suivie. En effet, les violations massives des droits de l’homme commises par l’Etat algérien durant la décennie 1990, avec son lot de morts et de disparus301, ont fini par provoquer l’indignation tant au plan national qu’international.C’est en ce sens que la signature d’un Accord d’association, avec la zone régionale dont la construction est la plus achevée de la planète, constitue pour le régime algérien un gage indispensable pour se réhabiliter et redorer son image sur le plan international. Conclusion : la signature de l’Accord d’Association avec l’UE obéissait plus à des impératifs politiques, qu’économiques. A ce propos, il est significatif de constater que le régime algérien commença, dès que son objectif politique fut atteint, a dénoncé l’Accord d’association qu’il avait lui-même ratifié quelques années auparavant302. Par ailleurs il est important de constater que cette adhésion « politique » de l’Algérie à l’Accord d’Association a conduit vers une explosion sans précédent des importations en provenance de l’UE. Selon le Ministère Algérien du Commerce, l’Algérie importe de l’Union l’équivalent de 20$ pour chaque Dollar exporté.2.3. Les résultats économiques d’une décennie de contradictions Les résultats économiques de cette décennie 2000, durant laquelle l’essentiel de l’effort étatique est dédié à la « réforme » des réformes  initiées auparavant, sont nombreux. Ils vont tous dans le sens du renforcement du caractère rentier de l’économie nationale. Ceci se reflète à travers l’analyse des contreperformances du secteur réel, de la politique monétaire permissive, et enfin de l’analyse des résultats du commerce extérieur.

Notes
299.

Par ouverture brutale, nous ne désignons pas la fin des monopoles étatiques sur l’importation et l’exportation car cette action est justifiée à plus d’un titre eu égard aux conséquences perverses de la mise sous la coupe de l’Etat du commerce extérieur (voir chapitres 3 et 4).

300.

J’ai développé cet aspect dans, M. Ouchichi. Contribution à la définition des conditions de succès des Accords d’Association Euro –méditerranéens, Mémoire de Magistère, Bejaïa 2004. pp. 55-57

301.

200 000 morts et 4000disparus selon le président A. Bouteflika, 400 000 morts et 16 000 disparus selon les ONG.

302.

Voir les différentes déclarations des officiels rapportées par la presse nationale sur ce sujet, notamment celles de H. Djaboub Ministre du Commerce, El Watan du 19 mai 2010.