Sociologie de la clinique et ethnographie combinatoire

Si ce travail de thèse analyse une politique publique (l’accès à la prévention et aux soins des personnes en situation de précarité), nous avons choisi de l’attaquer par un angle bien particulier, celui du traitement clinique, c'est-à-dire par l’angle des processus d’individuation tels qu’ils sont donnés à voir dans le lieu que constituent les pratiques ordinaires des agents chargés de la mettre en œuvre, d’en traduire les énoncés en action auprès d’autrui. Plus spécifiquement, il s’agit de procéder à l’analyse sociologique des cadres de l’action, des caractéristiques organisationnelles et temporelles de cette traduction, des références théoriques et cliniques mobilisées (les corpus doctrinaux de référence) et des parcours d’engagement des acteurs qui agissent cette politique. Nous ne focalisons donc pas notre attention sur le point de vue du législateur, du décideur, ou encore celui du bénéficiaire, mais privilégions celui de l’agent, clinicien qui se situe au chevet des personnes en situation de précarité. Plutôt que de centrer notre analyse sur les mesures des politiques publiques, nous procéderons à une analyse de l’action publique centrée sur les agents locaux qui les mettent en œuvre afin d’observer comment ces politiques sont traduites, comment elles sont pratiquées, ou, comme le dirait GUATTARI85, comment les « productions polyphoniques de subjectivité » sont générées. Il s’agit pour nous d’interroger les conditions concrètes de l’agir des agents (au sens où ils agissent la politique), leurs ouvertures à des capacités nouvelles et les ajustements auxquels ils doivent se livrer de fait dans le cours détaillé de leurs actions.

En région Rhône-Alpes, la mise en œuvre de cette politique nationale s’est traduite par la création en 2000 d’un premier Programme Régional d’Accès à la Prévention et aux Soins (PRAPS86), suivi d’une seconde mouture en 2003 (PRAPS 2), pour être finalement intégrée au Programme Régional de Santé Publique (PRSP) au début de l’année 200687. Dans le département de l’Ain, la mise en œuvre du PRAPS a permis de consolider un « dispositif-réseau », alors naissant, appelé « Carrefour Santé Mentale Précarité » (CSMP).

Notes
85.

GUATTARI F., (1992), Chaosmose, Paris, Galilée.

86.

Circulaire DGS/SP2/99/110 du 23 février 1999 relative à la mise en place de programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins pour les personnes en situation de précarité.

87.

Une troisième version du PRAPS a été élaborée à la fin de l’année 2007 (circulaire n°DGS/2007/430 du 7 décembre 2007), mais cette dernière mouture n’entre pas dans notre corpus d’étude.