Ce chapitre vise à entrer dans la « boite noire »185 du Carrefour Santé Mentale Précarité (CSMP) afin de comprendre quels sont l’objet et la forme organisationnelle de ce dispositif. Notre utilisation du terme « dispositif » est sous doute un peu abusive mais elle vise, tout en gardant à l’esprit l’idée d’agencement (ce qui suppose la combinaison d’éléments d’origine hétérogène), à mettre en évidence un processus plus général de descente en singularité (de rapprochement vers le sujet) de l’action publique. A partir de la proposition de FOUCAULT186 qui considérait qu’un dispositif est une « machine à faire voir et à faire parler », Bruno LATOUR propose de le considérer plutôt comme une « machine à faire faire »187, c'est-à-dire un lieu à forte réflexivité où peut se lire la performativité (par expérimentations) des savoirs qui y sont déposés188. Dans cette perspective latourienne, nous cherchons à comprendre quel est l’objet du traitement proposé par les cliniciens du CSMP et comment, simultanément à sa mise en traitement, ce dispositif s’est-il mis en forme ?
Pour répondre à ces deux questions, nous allons effectuer un détour historique nous permettant de suivre au plus près les évolutions, les retournements, les continuités et discontinuités de ce dispositif.
LATOUR B., (1989), La science en action, Paris, Gallimard, p. 10.
DELEUZE G., « Qu’est-ce qu’un dispositif ? », dans Michel Foucault philosophe, Rencontre internationale. Paris, 9, 10, 11 janvier 1988, Paris, Seuil, 1989, p. 185-195.
LATOUR B., dans MICOUD A., PERONI M, (2000), op. cit., p. 189-207.
ION J. et al, (2005), op. cit., p. 5.