A la fin de l’année 2000, le Groupe Santé Mentale Précarité du CPA décide d’appliquer les prérogatives proposées par l’ORSPERE en créant un dispositif qu’ils choisissent d’appeler « Carrefour Santé Mentale Précarité ». Ce nouveau dispositif ayant principalement pour visée l’échange et la mise en réseau de diverses pratiques professionnelles, le mot « carrefour » s’est imposé après que le groupe ait longuement hésité avec celui d’ « interface » : « Nous avons finalement choisi « carrefour » car « interface SDF » existait déjà à Lyon mais aussi parce que notre action se situait surtout à la fois à un niveau professionnel, puisqu’on voulait travailler sur des échanges de pratiques, et au niveau institutionnel parce qu’il fallait que les institutions prennent conscience de l’utilité du travail en réseau. Le CSMP est plus un carrefour d’échanges interprofessionnels qu’une interface entre patients et professionnels.» 213 Le Carrefour Santé Mentale Précarité se définit alors comme « un programme d’actions qui peut se résumer en la mise en place de « réseaux » » 214.
Pendant un peu moins d’une année, les réunions mensuelles du Groupe Santé Mentale Précarité se succèdent visant principalement à définir et à organiser le nouveau dispositif. Le GSMP reprend alors les grandes lignes proposées par l’ORSPERE à travers ce qu’il a défini comme « réseaux primaire et secondaire ». Cependant, les membres du GSMP préfèrent parler de « réseaux interne et externe » comme nous pouvons le constater dans le programme présenté à la CME à la fin de l’année 2001 :
‘« 1- Réseau interne : « les cellules précarités »C’est donc seulement en novembre 2001, après plus de quatre années d’une lente maturation que, validé par la CME suite à cette présentation, le Carrefour Santé Mentale Précarité est reconnu par son autorité de tutelle. Il s’agence autour d’un programme qui comporte trois principes directeurs : (1) intervenir avec des « cellules précarités » qui idéalement pourraient « descendre » au niveau du CMP ou de l’unité de soins ; (2) coopérer avec la mise en place d’un réseau externe ; (3) organiser les activités du CSMP. Les deux premiers principes directeurs donnent à voir deux niveaux d’échelle territoriale autour desquels s’organise le CSMP : les « cellules précarités » qui correspondent à un « intérieur » de la psychiatrie (le secteur) ; le réseau sanitaire et social départemental et régional qui correspond à un « extérieur » de la psychiatrie. Le dernier principe directeur représente un niveau intermédiaire chargé d’organiser les points de passage entre l’intérieur et l’extérieur de la psychiatrie telle qu’elle est conçue au CSMP. Lors de la présentation de ce programme à la CME au mois de novembre 2001, Mr TABARY cherche à montrer que les deux premiers niveaux du réseau (interne et externe) ne sont qu’un simple support pour faire tenir un ensemble d’activités situées à visée clinique.
‘« Les personnes hospitalisées en intrahospitalier sont souvent en situation d’extrême précarité. Dans ces cas, les équipes de l’intra [hospitalier] sont en première ligne et doivent assumer le travail de première reliaison avec l’extérieur (établir ou rétablir la trame du tissu social de la personne hospitalisée). »Nous avons vu qu’à l’origine du CSMP se situe la volonté de mailler les professionnels de la psychiatrie avec ceux du travail social. En même temps, ce maillage introduit une relation subtile entre la qualité du travail en réseau effectué et la qualité de la trame du tissu social des personnes en situation de précarité suivies par ces différents professionnels. « Notre mission est une mission de psychiatrie publique » rappelle souvent Mr TABARY « ce qui nous importe c’est donc le devenir des personnes, nous ne devons pas nous décentrer du soin » 215. Le réseau, qu’il soit professionnel ou institutionnel, est alors à comprendre comme étant un détour de cette mission. Il constitue en quelque sorte pour les cliniciens du CSMP le support de la clinique proposée dans le sens où c’est bien le réseau qui permet d’« établir ou [de] rétablir la trame du tissu social » 216. Et, toujours selon les cliniciens du CSMP, si cette logique rhizomatique est un support à la clinique c’est parce que la personne en situation de précarité est à la fois le point de départ et le point d’arrivée de ce détour. Selon Mr TABARY, le mot réseau est alors « à entendre non pas au sens technocratique du terme, c'est-à-dire de multiples conventions, mais sous forme de maillage spontané par des personnes ou des institutions qui se connaissent . » 217 Il ne s’agit donc pas tant pour Mr TABARY de chercher à répondre à des « besoins », mais plutôt de tenter de traiter des « problèmes » (problèmes de rupture de liens liés à la précarité et à l’exclusion sociale, problèmes de communication entre les professionnels de la psychiatrie et du social, problème de santé publique) par la mise en œuvre de connaissances mutuelles, par un travail de reconnaissance interprofessionnelle.
Entretien individuel avec Mr TABARY.
« Programme du CSMP- Présentation à la CME » 30 novembre 2001, p. 14.
Cahier de notes personnelles. Réunion plénière du CSMP, avril 2006.
Compte-rendu du GSMP du 14 mars 2000, p. 2.
« Programme du CSMP- Présentation à la CME » 30 novembre 2001, p. 14. C’est nous qui soulignons.