1. Le dispositif « Psychologue RMI » : une fonction de coordination et d’interface institutionnelle entre la psychiatrie et le social

En 1990, le dispositif « Psychologue RMI » est encore naissant dans le département de l’Ain. Alors que les bilans de santé rentrant dans le cadre de la politique d’insertion sont effectués par des médecins libéraux (vacataires de la DDASS) recevant gratuitement les personnes bénéficiaires du RMI dans leur cabinet, l’Etat sollicite le CPA pour devenir l’employeur et le référent institutionnel des psychologues chargés d’effectuer l’évaluation psychologique des bénéficiaires du RMI et l’orientation des patients présentant de gros troubles psychologiques vers une équipe de soins. Comme le souligne Christian LAVAL, de 1990 à 1997, ce dispositif se met en place progressivement « dans une relative extériorité par rapport à l’institution psychiatrique, tout en étant référé institutionnellement à celle-ci. Cette période fait émerger des problématiques de souffrance différentes de celles de la maladie mentale. Les psychologues définissent peu à peu leur spécificité, entre contribution au diagnostic d’insertion, prises en charge à court terme des cas les plus légers, interventions de type groupal, orientations et relais, échanges et aides à l’élaboration des contrats d’insertion adaptés. » 301 Pendant cette période, le suivi psychiatrique n’est plus qu’un élément, parmi d’autres, qui justifie leur mission302. Cependant, en 1998, avec la publicisation de la notion de souffrance psychique réalisée sur la scène départementale par l’ORSPERE, une demande accrue de formation et d’encadrement est formulée par les psychologues RMI en direction de l’institution psychiatrique. La convention signée en 1998 avec le CPA stipule ainsi que, d’une part, l’encadrement et la coordination du dispositif, et d’autre part, l’évaluation des publics reçus, sont assurés par le CPA. Cette nouvelle convention insiste sur le fait que ce dernier doit être en mesure « d’organiser l’encadrement des psychologues par l’intermédiaire de référent interne au CPA. » 303 C’est ainsi que les psychologues RMI se retrouvent encadrés par Mr TABARY qui est, à cette époque, responsable de secteur psychiatrique. Mr TABARY se situe alors au point de convergence entre un dispositif d’insertion cherchant à développer des actions dites de santé pour lever les obstacles à l’insertion, et un dispositif de psychiatrie cherchant à développer des actions tournées vers le social pour lever les obstacles à la prise en charge de la précarité. Conscient que le dispositif Psychologues RMI offre des prestations de psychologues fort différentes de celles que peut offrir un service de psychiatrie, Mr TABARY insiste alors pour que le profil de poste de ces psychologues soit empreint à la fois d’une fonction de coordination et d’interface institutionnelle entre la psychiatrie et le social - à travers les Cellules Locales d’Insertion (CLI) des DIPAS304-, et d’une extériorité par rapport à la psychiatrie – les psychologues RMI sont placés sous la responsabilité tutélaire de la DIPAS. Cette double fonctionnalité d’interface et de biappartenance fonctionne un peu à la manière des référents du CSMP, non pas sur le territoire des secteurs psychiatriques mais sur celui des circonscriptions d’action sociale. Mr TABARY évoque ainsi dans le rapport annuel de l’année 2000 que « le métier de psychologue RMI existant depuis dix ans progresse dans son intégration dans les deux directions qui faisaient problème dans son identité : sociale ou psychiatrique ? Question qui embolisait alors le débat. Son identité est mieux affirmée. Sans pour autant éluder cette question qui est en même temps son originalité et son principe fondateur, et se résoudre à de l’opératoire, il prouve au contraire la possibilité d’une biappartenance qui n’est pas une chimère et découpe les contours d’une clinique psychosociale mieux repérée du fait d’un contexte socio-économique plus favorable… » En ce sens, ce métier doit « être porteur de valeurs même si des mutations, des interrogations dans les deux registres ont contribué à l’avancement des idées ». De fait, avec les psychologues RMI, comme avec les référents du CSMP, nous assistons dans le département de l’Ain moins à l’émergence d’un nouveau métier qu’à celle d’une nouvelle posture qui est caractérisée par une constante malléabilité entre des cadres d’appartenance institutionnelle jusque-là séparés. De ce point de vue, et comme le note Christian LAVAL, l’évolution du dispositif « psychologue RMI » traduit une demande sociale de savoir-faire nouveaux en matière de relation d’aide et cette fonction dépasse largement les besoins identifiés pour les seuls usagers du dispositif RMI305. En conclusion de ce rapport, nous pouvons lire que « les participants s’accordent à dire que la fonction de psychologue RMI devra donc s’inscrire dans les actions sociales s’élargissant à d’autres catégories de personnes en situation de précarité. L’objectif étant que personne ne soit exclu de ce type d’aide à la réinsertion sous toutes ses formes. »

Il n’y avait dès lors qu’un pas à faire pour que les psychologues RMI intègrent le groupe des référents du CSMP. Ainsi en mars 2000, un psychologue RMI chargé de représenter tout le groupe des psychologues RMI (huit personnes) rejoint le CMSP. En même temps, le CSMP se trouve missionné par le CPA pour encadrer les activités des psychologues RMI.

Fin 2007, Mr TABARY demande conjointement au CPA et au Conseil Général d’étendre le domaine d’intervention des psychologues RMI auprès d’autres publics défavorisés. Cette demande d’extension répond à un constat assez général des Centres Médicaux Sociaux et des Circonscriptions d’Action Sociale qui se retrouvent de plus en plus confrontés à des personnes qui ne sont pas au RMI mais pourtant en situation de précarité. Il s’agirait d’orienter vers les psychologues RMI « des personnes dont les besoins ne relèveraient pas d’une prise en charge par les structures de soins de « droit commun » mais dont l’état psychologique ne permettrait pas pour autant de pouvoir, sans soutien, avoir accès direct aux processus de réinsertion » 306. Cette demande sera refusée par les tutelles du dispositif psychologue RMI, ce qui conduira au printemps 2008, Mr TABARY à mettre en place des « consultations relais » accueillant dans les CMP, par un référent du CSMP, des personnes en situation de précarité adressées par les psychologues RMI.

Notes
301.

LAVAL C., (2002), op. cit., p. 19.

302.

Ce qui d’ailleurs sera stipulé dans la Convention cadre 1999 entre l’Etat département et le CPA relative au dispositif des psychologues RMI.

303.

Convention cadre 1999 entre l’Etat département et le CPA relative au dispositif des psychologues RMI.

304.

DIPAS : Direction de la Prévention et de l'Action Sociale.

305.

LAVAL C., (2002), op. cit., p. 22.

306.

Ibid, p. 13.