1. Se rapprocher, autonomiser, trier : les visées des interventions cliniques

Les interventions visant à se rapprocher de la « personne » : « travail en réseau » et « prise en charge globale »

Mlle CLERC, Conseillère en Economie Sociale et Familiale de la PASS de l’hôpital « Fleyriat » est jeune, 23 ans, fraîchement diplômée (promotion 2005), mais déjà fermement engagée dans une volonté d’essayer d’accrocher par la santé les sujets en situation de précarité en les considérant avant tout comme « personne ». La catégorie de « personne sans domicile fixe » est systématiquement utilisée dans son discours, associée à une revendication autour de la nécessité de travailler en réseau. Son mémoire de fin d’études avait déjà pour titre « La santé pour une possible réinsertion des personnes SDF », la santé étant considérée « comme un domaine où le travail social peut intervenir par le biais de la relation d’aide en rapprochant le public SDF des professionnels de la santé. » 346 Au cours de ses études, l’engagement de Mlle CLERC s’est traduit par la réalisation de nombreux stages au CCAS347 de Bourg-en-Bresse, à la halte de nuit du CHRS « Tremplin », au CHRS « le FAR », accompagnés de participations bénévoles aux maraudes348 de la Croix-Rouge, activités qu’elle poursuit encore aujourd’hui. Comme nous le verrons dans son récit de l’intervention autour d’Emilio, cette connaissance du réseau associatif lui permet d’activer, dans son travail, son réseau de connaissances en fonction du type d’interventions qui lui semble nécessaire de mettre en œuvre à tel moment du parcours des personnes en situation de précarité. Cette manière de pratiquer la clinique en réseau est partagée également avec Mme BON, assistante sociale dans l’unité « Epidaure » du Centre Psychothérapique de l’Ain.

Mme BON travaille depuis plus de onze ans dans différents secteurs psychiatriques du département avant d’être rattachée d’une part au CMP de Bourg-en-Bresse et d’autre part à l’unité « Epidaure ». Elle n’est pas spécialement engagée dans le réseau associatif mais note que le travail partenarial avec le social a beaucoup évolué ces dernières années : « Quand je suis arrivée il y a onze ans, l’hôpital était très très fermé. Le travail partenarial était quasi nul. Maintenant c’est à la mode et je pense que c’est à l’avantage de tout le monde. Moi toute seule dans la prise en charge, je ne suis pas grand-chose, je ne peux travailler bien que si je travaille avec les autres. » Pour ces intervenant(e)s qui militent pour un travail en réseau, il s’agit bien souvent d’avoir une vision globale de la prise en charge des personnes. C’est le cas, par exemple de Mlle LEDOUX, infirmière dans l’unité « Epidaure », qui n’est pas spécialement engagée dans une pratique sociale, mais pour qui, dans une perspective d’humanisation des pratiques soignantes, il est nécessaire de prendre en charge la personne de manière globale : « J’ai fait l’école du CPA mais ce n’était pas du tout pour rentrer en psychiatrie. Moi la psychiatrie c’est quelque chose qui me terrifiait par ce qu’on pouvait entendre à l’extérieur. Je crois que beaucoup de personnes en sont restées à l’asile et pensent encore que les patients sont des personnes dangereuses. Parce que quand on parle aux informations de la psychiatrie c’est que quelqu’un a tué une infirmière. Donc ce n’est pas ce qui donne le plus envie de venir en psychiatrie. Donc moi, c’est au cours de mes stages, en discutant beaucoup avec les équipes, quand j’ai eu mon diplôme j’ai eu envie d’avoir un contact avec les gens. C’est le pourquoi de ma formation d’infirmière. Et je trouvais qu’à Fleyriat, peut-être par manque de temps aussi et des investissements de chacun, je n’avais pas envie de faire une piqûre au patient de la chambre 314 côté porte. J’avais envie de mettre de l’humanité dans ce que je faisais et prendre le patient dans sa globalité. Quand j’ai fait des stages à Fleyriat, je n’ai pas retrouvé ça. En psychiatrie, le patient a plus une identité. On prend en charge le corps et l’esprit. Souvent on dit qu’ils ne font qu’un. Et j’ai trouvé plus d’épanouissement dans cette orientation-là. Peut être parce qu’on court moins aussi parce qu’on a moins de prises de sang, de perfusions à faire. C’est vrai qu’à Fleyriat de telle heure à telle heure c’est l’heure de la perfusion, après c’est l’heure du pansement… En psychiatrie, on ne travaille pas vraiment comme ça. On fait les prises de sang le matin et puis après c’est nous qui nous organisons en fonction de la charge de travail, des patients, des réunions cliniques qu’il peut y avoir avec les médecins. C’est plus souple et on soigne les gens. On prend le temps de lire les dossiers, on a des réunions avec les médecins, avec des partenaires sociaux, avec une psychologue, avec le généraliste. Le patient est pris en charge dans sa globalité. »

Notes
346.

CLERC., (2005), La santé pour une possible réinsertion des personnes SDF, Mémoire pour le Diplôme de Conseiller en Economie Sociale et Familiale, Extrait de l’hypothèse principale, p. 5.

347.

CCAS : Centre Communal d’Action Social

348.

En parallèle de la veille sociale (le 115), il existe dans l’Ain, en période hivernale et sur le secteur de Bourg-en-Bresse uniquement, une veille mobile, plus communément appelée la maraude. Elle est exercée par la délégation locale de la Croix-Rouge Française qui intervient sous deux formes de manière ponctuelle : les lundis, mercredis et vendredis, en circulant dans les rues de Bourg, et sur la demande des services de l’État.