Projet de cure de désintoxication

Au cours de son premier séjour au CPA, Emilio suit une « cure de sevrage ». Cela consiste à interrompre complètement la consommation d'alcool et de compenser les effets du manque par d'abondantes boissons (généralement de l’eau), des vitamines et des médicaments sédatifs. L'apport en liquide se situe autour de 3 litres/24 h en moyenne durant 3 à 4 jours. Le but du traitement médicamenteux est d'assurer la prévention des accidents de sevrage tels que le delirium tremens ou les crises d'épilepsie. Il s’agit également de lutter contre les réactions de découragement et de désespoir à travers des entretiens réalisés avec les infirmières, le psychiatre, la psychologue ou l’assistante sociale. Cette cure de sevrage dure cinq jours pour Emilio et se passe aux dires de l’équipe infirmière « sans problème » (Mlle LEDOUX lisant le dossier infirmier d’Emilio).

Au CPA, cette cure est suivie d’une période de 5 jours où le patient ne peut pas sortir du service et ce afin d’éviter toute tentative de réalcoolisation. De même pendant cette période, les visites ne sont pas permises, empêchant par là tout risque d’apport extérieur de boisson. Ensuite, le médecin, après consultation de l’équipe soignante en réunion clinique, autorise progressivement le patient à sortir de l’unité, d’abord accompagné puis seul. Emilio a pu ainsi retourner en journée en ville et au CHRS « Tremplin », sans qu’il n’y ait eu de problème de réalcoolisation. Pendant cette période, les patients sont généralement invités à participer aux activités collectives proposées par un des différents services spécialisés de l’hôpital (terre, musique, gym, etc.), ou aux ateliers individuels organisés par les infirmières de l’unité (ateliers relaxation, collages, dessin, jeux de société, ping-pong). En ce qui concerne Emilio, rien de tout cela n’a été mis en place, « faute d’accrochage » selon les propos de Mlle LEDOUX : « Pour Emilio, il n’y a rien eu parce qu’il n’y avait pas d’accroche, pas de motivation dans ce qu’on pouvait lui proposer. Et donc ça freinait beaucoup de choses. On a été plusieurs à essayer. Des collègues ont pris le relais mais rien n’y a fait. Il n’y avait jamais rien derrière. Et puis c’est aussi en fonction du médecin qu’il y a telles ou telles prises en charge… Je pense qu’il y a eu une volonté du médecin de mettre ce patient fasse à des réalités dont il n’avait pas conscience, notamment dans sa minimisation de sa consommation d’alcool. J’ai souvenir d’entretiens ici avec le médecin, et il disait « mais non, c’est fini, je ne bois plus j’ai compris ». Il n’y avait pas de demande de la part de Mr [Emilio], il n’y a jamais eu de demande. On a parfois des patients qui disent « je ne comprends pas pourquoi je suis ici, je ne veux pas rester, je ne suis pas malade, je vais m’en sortir tout seul ». C’était un peu son discours, « je ne suis pas alcoolique », mais il ne disait pas « je veux sortir, c’est pas ma place ». Ca se retrouve souvent dans la personnalité du patient alcoolique, le déni. Pas de sentiment de culpabilité. Pas de remise en cause de ce qu’on a pu faire. Mr Emilio était complètement là dedans. « Non non, je ne boirai plus et de toute façon je ne buvais pas beaucoup » et puis « non Tremplin je ne les ai pas usés ». Enfin il ne comprenait pas pourquoi il n’y avait plus de partenaires sociaux autour de lui qui pouvaient l’aider à porter un projet. Le déni complet de l’impuissance qu’il pouvait y avoir autour de lui par rapport aux nombreux échecs de la prise en charge qui s’étaient succédés. Et nous, au bout d’un moment, on était dans la même impuissance. »

La cure de sevrage effectuée, Emilio apparaît comme étant assez placide, aux yeux de l’équipe infirmière, quant aux propositions faites par l’équipe soignante concernant son avenir en dehors du service. Du coup, l’équipe se sent contrainte de continuer à mettre en œuvre des projets à sa place, à commencer par un « projet social de sortie ».