« Le contexte de sortie était un petit peu particulier. Nous, on a tenté une prise en charge avec Mr Emilio en sachant qu’il avait déjà usé beaucoup de partenaires sociaux sur Oyonnax et sur Bourg. Donc, on l’a orienté vers Ambérieu parce qu’on s’est dit que, là-bas, il n’était pas connu. C’est plus facile pour la recherche d’un appartement ou d’un foyer. Ici au niveau social, on a accès à rien étant donné qu’il est déjà connu des services sociaux, plus personne ne le veut. Ses nombreuses alcoolisations ne permettent pas un maintien dans des structures type foyer, donc on l’a orienté là-bas. […] Mr Emilio a été averti qu’on allait prendre contact avec les partenaires sociaux qu’on avait des pistes mais qu’il allait falloir qu’on en discute pour savoir où étaient ses difficultés, afin qu’on ne les répète pas non plus sans cesse. Le patient fait partie du projet, il est tenu au courant de ce qu’on fait. On lui demande d’être actif dans sa prise en charge en fait. […] C’est pareil quand il y a une demande de mise sous protection par exemple, le patient est averti. On lui explique pourquoi on fait ça. Il faut toujours essayé de rester dans quelque chose de cohérent, que le patient soit acteur de ce qu’on fait. Il faut déjà qu’il comprenne ce qu’on fait et après qui va s’occuper de lui, quels vont être ses droits qui vont être conservés, toutes ces choses-là. » (Mlle LEDOUX, infirmière dans l’unité « Epidaure ».)
Emilio ainsi rendu « actif » dans sa prise en charge en se voyant paradoxalement proposer un nouveau projet, d’hébergement cette fois-ci, est envoyé vers le CHRS « L’Envol » à Ambérieu-en-Bugey. Ce CHRS permet d’héberger une personne sur une longue durée (6 mois) à partir du moment où elle élabore un projet de réinsertion356. « C’est un accueil sur du long terme mais avec des contraintes… » (Mlle LEDOUX). Pour élaborer ce projet, il y a des rendez-vous fixés avec les éducateurs du centre, appelés rendez-vous de préinscriptions, mais Emilio n’est jamais parvenu jusqu’à ces rendez-vous. « Et c’est à partir de là que ça a capoté parce qu’il ne venait pas aux RDV fixés, il se trompait de jour… mais comment on peut demander à une personne qui est sans domicile fixe, qui n’a plus conscience du temps, de venir à des rendez-vous fixes, à jeun, alors que toute la journée il est alcoolisé. » (Mlle CLERC, CESF à la PASS de l’hôpital « Fleyriat »).
Après de multiples tentatives et recherches d’hébergement, l’assistante sociale et l’équipe soignante n’arrivent cependant pas à trouver de « solution de sortie » (Mme BON) et décident de formuler pour Emilio un projet de postcure.
Il existe en effet plusieurs catégories de CHRS qui permettent d’étaler la durée de séjour d’une journée à six mois renouvelable. Si dans les textes, la durée ne peut pas excéder douze mois, dans la réalité elle peut atteindre vingt-quatre mois ou plus. Au CHRS l’Envol, l’encadrement « pédagogique » est prédominant et comme dans tous les CHRS des critères de sélection s’appliquent à l’entrée (en termes de sexe, d’âge, de situation matrimoniale, d’antécédents sociaux, etc.). L’adhésion active du futur résidant à un accompagnement social personnalisé (suivi psychologique, démarches d’emploi et de formation, démarches administratives) est souvent un préalable inconditionnel à l’admission, ce qui ne manque pas d’écarter, comme c’est le cas pour Emilio, ceux qui sont déjà les plus éloignés des prises en charge assistancielles, qui les refusent ou les ignorent.