Projet de postcure

Le médecin de l’unité « Epidaure » adresse Emilio au centre de postcure « Hélios » le 10 juillet 2006. Malheureusement à ce moment-là, la liste d’attente est assez longue pour entrer dans l’établissement et Emilio doit attendre quelques semaines au CPA, qu’une place se libère. Lors de son arrivée au centre « Hélios », un courrier du médecin de l’unité « Epidaure » est transmis au Dr DUCHEMIN. Ce courrier précise qu’Emilio « a été hospitalisé parce qu’il était borderline, désocialisé, éthylique », le médecin de l’unité « Epidaure » parlant également « d’équivalent dépressif suicidaire. » Lorsque nous interrogeons le médecin sur ce qu’il entend par « borderline », celui-ci nous répond « état-limite » 357. Le courrier expose la problématique d’Emilio plus en détail358.

Suite à ce courrier, l’établissement fait son possible pour accueillir Emilio rapidement, ce qui lui permet d’intégrer le centre « Hélios » le 22 août. D’après le Dr DUCHEMIN qui est en vacances ce jour-là, Emilio arrive au centre « Hélios » dans un contexte tout à fait encourageant en vue de « consolider son état de santé et de le préparer d’avantage à l’accès aux foyers » (Mme BON). Le médecin qui l’accueille inscrit sur le dossier : « patient docile, motivé, se mettant bien dans le cadre ».

Au début de son séjour au centre « Hélios », Emilio reste souvent seul dans l’unité puis, progressivement, il commence à se joindre aux autres. Le médecin lui délivre alors les autorisations nécessaires pour qu’il puisse aller dans le parc de l’établissement et, plus tard, dans le village tout proche, en lui rappelant bien que sa prise en charge est « sous contrat ». Ces « permissions » se sont au début très bien passées, Emilio revient apparemment au centre « sans s’être trop attardé dans les bars du coin ». Bref, pour le Docteur DUCHEMIN, « il s’est assez vite retapé. »

Au bout d’une quinzaine de jours au centre « Hélios », Emilio tombe au sol à plusieurs reprises jusqu'à se faire des douleurs invalidantes au genou qui l’empêchent de marcher et encore moins de monter les multiples escaliers des deux étages de l’établissement. Souhaitant connaître l’origine réelle de ces douleurs, le médecin décide alors de le renvoyer au CPA afin de mettre en œuvre des examens complémentaires, notamment radiologiques.

Emilio retourne alors dans l’unité « Epidaure » pour se reposer de son « impotence fonctionnelle ». Ce service l’accueille une dizaine de jours et organise ses examens à l’hôpital général, examens qui ne révèlent aucun dysfonctionnement. Le service du CPA le renvoie donc au centre « Hélios ».

A son retour, le médecin qui le reçoit inscrit dans son dossier : « Emilio va bien, problème d’orientation après le séjour. Entretien très pauvre. Difficile à comprendre. Ne semble pas comprendre pourquoi il est allé au CPA.»

Quatre jours plus tard, Emilio est autorisé à sortir dans le village voisin. Malheureusement, il revient de cette sortie « complètement bourré » (Mr DUCHEMIN) accompagné des gendarmes locaux qui l’ont « ramassé » au bord de la route, une bouteille de rosé à la main et arguant les passants en criant qu’il veut revoir ses filles. Suite à cet épisode de réalcoolisation, le contrat de soins au centre « Hélios » étant rompu, le médecin décide de renvoyer Emilio là d’où il vient. Il écrit sur le dossier médical : « ce patient nous a été adressé par le Dr d’[Epidaure] pour évaluation de ses capacités de vie autonome, ce patient est sous une problématique alcoolique, addictive, évoluant depuis de nombreuses années. Malheureusement, vendredi 15 septembre, il s’est réalcoolisé de façon massive, ceci met donc fin à la prise en charge proposée à Hélios. » « Depuis, [précise le Dr DUCHEMIN] on n’a pas de nouvelles. »

Lors des sorties du centre de postcure « Hélios », les patients sont généralement raccompagnés par Véhicule Sanitaire Léger (VSL) à leur domicile ou au CHRS dont ils dépendent administrativement pour les personnes qui n’ont pas de domicile. Emilio s’étant réalcoolisé, le Dr DUCHEMIN demande à ce qu’il soit raccompagné au CPA. De plus, Emilio ne souhaite plus entendre parler du CHRS « Tremplin ». Pour Mlle CLERC, cette mise à distance de l’ancien hébergeur est une sorte de revanche liée à la signature du certificat d’hospitalisation.

Il arrive ainsi au bureau des entrées de l’hôpital psychiatrique, le centre d’accueil permanent (CAP), le 19 septembre 2006. Il y reste trente minutes, le temps d’un examen somatique, puis il est une nouvelle fois orienté vers l’unité « Epidaure » par le Dr ENCLIN. Sur son dossier au CAP, il est juste indiqué : « motif de l’entrée : retour d’Hélios. Argument du Dr DUCHEMIN : « Malheureusement, vendredi 15 septembre, il s’est réalcoolisé de façon massive. Ceci met donc fin à la prise en charge proposée à Hélios. » ».

Notes
357.

« Borderline, état-limite, c’est tous les gens où il y a ces problématiques de dépendance liées à des troubles affectifs précoces et qui sont en lien avec ce qu’on appelle les dépressions anaclitiques, les choses comme ça. C’est comme ça qu’on peut peut-être rapidement définir l’état limite. »Entretien individuel avec Mr DUCHEMIN, médecin psychiatre au centre « Hélios ».

358.

Cf. annexes du chapitre 3 - Extrait du courrier adressé par le médecin d’ « Epidaure » au Dr DUCHEMIN.