L’activité de montage de projet du clinicien en posture de coordination entraîne, malgré lui, l’activation de la mise en œuvre des « bonnes pratiques » au sein des institutions sanitaires et sociales, « bonnes pratiques » qui lui sont généralement insufflées par ceux que nous avons appelé les méthodologues dans la monographie précédente. En concevant un projet, en apprennant à gérer un réseau, les cliniciens intègrent tout un système normatif de savoirs, qui cadre et ordonne leurs pratiques aux niveaux logiques et institutionnels, et qui leur permet d’avoir un discours sur ce qui est bien ou mal, recommandé ou rejeté, encouragé ou découragé, dans le montage de projet. Notre hypothèse consiste à penser qu’ils intègrent une certaine manière de cibler le public, de caractériser la forme de sa prise en charge, et où l’individu est saisi comme une ressource « invité[e] à se laisser guider librement selon une démarche à suivre imposée. »590. Le « projet » est donc un peu comme l’arbre qui cache la forêt de la mise en œuvre des « bonnes pratiques », « bonnes pratiques » que le professionnel de la « cité par projets » pourra ensuite transférer dans la relation d’aide pour activer le projet de l’individu591. Afin de poursuivre notre compréhension des multiples enjeux du processus de normalisation et d’activation des pratiques cliniques via la logique de la cité par projet, nous allons étudier une seconde activité des référents du CSMP, activité pleinement encadrée par les nouveaux instruments de régulation des établissements hospitaliers spécialisés : l’Evaluation des Pratiques Professionnelles, plus généralement connue sous le cigle « EPP »592. Après l’activation des formes organisationnelles de l’activité clinique, c’est la pratique clinique, elle-même, qui va se trouver à son tour concernée.
De GAULEJAC V., (2005), op. cit., p. 68.
Comme nous avons pu le voir dans le chapitre 3.III.Les récits des interventions cliniques concernant Emilio : le chemin d’épreuves des intervenants.
Cette étude s’appuie sur une posture d’observateur impliqué en tant que membre du groupe de travail du CSMP chargé de réaliser l’EPP sur lui même. Dans cette posture, il s’agit pour nous d’étudier les réflexions concernant l’EPP au sein du CSMP, les représentations et les stratégies des membres du CSMP, et d’observer si cette évaluation entraîne un changement de pratique ou non. Notre enquête est essentiellement constituée à partir de l’analyse de données recueillies lors des réunions du groupe de travail « EPP » du CSMP et également à partir d’entretiens avec la responsable du service qualité du CPA.