« Accréditation » et « certification » des établissements de santé : vers une standardisation de la clinique ?

L’Evaluation des Pratiques Professionnelles entre dans le cadre d’un processus d’autoévaluation des cliniciens qui est coordonné par le service qualité du Centre Psychothérapique de l’Ain. S’autoévaluer consiste à construire un argumentaire permettant d’apporter les preuves que l’on s’inscrit dans une démarche de progression par soi-même et à partir de soi-même. Ce processus fait lui-même l’objet d’une autoévaluation par ce service afin de répondre à la démarche d’« accréditation » mise en place en France dans les établissements de santé depuis 1999. Comme le souligne Mr TABARY, l’accréditation est donc une sorte d’« évaluation au carré (évaluation 2 ) » ou « l’évaluation d’une évaluation » 593.

La mise en œuvre de ces démarches est concomitante aux changements des politiques de santé françaises depuis une petite vingtaine d’années et qui se caractérisent notamment par l’introduction de nouvelles formes d’instruments d’évaluation et d’action.

Parmi ces instruments, on retrouve : les outils d’évaluation médico-économique, comme le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI) ; les nouveaux dispositifs juridiques et administratifs tels que les outils de planification (contrats d’objectifs, Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire) à travers l’Agence Régionale d’Hospitalisation (ARH) ; les outils orientés vers la production et l’application de normes et qui ont l’ambition de créer des dynamiques d’apprentissage, comme l’accréditation.

Note sur l’histoire et les principes de l’accréditation puis de la certification des établissements de santé français
Introduite au sein du système de santé français par l’ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant sur la réforme hospitalière et précisée par le décret n° 97-311 de 7 avril 1997, la première procédure d’accréditation (appelée « V1 ») des établissements de santé avait pour objectif de porter une appréciation indépendante sur la qualité d’un établissement ou, le cas échéant, d’un ou plusieurs services ou activités d’un établissement, à l’aide d’indicateurs, de critères et de référentiels594 portant sur des procédures595, des bonnes pratiques cliniques et des résultats de différents services et activités de l’établissement. Elle concernait tous les établissements de santé publics et privés, les groupements de coopération sanitaire et les réseaux de soins. Elle s’inspirait d’expériences menées depuis plusieurs décennies dans les pays anglo-saxons et dans l’industrie, et qui prônaient, « d’une part, une démarche professionnelle de promotion de l’amélioration continue de la qualité fondée sur un référentiel de métier et sur une évaluation externe par les pairs et, d’autre part, l’appréciation du niveau de qualité atteint dans un contexte de renforcement de l’obligation de rendre compte au public de la qualité des services rendus. »596Cette procédure visait à : « s’assurer de la qualité et de la sécurité des soins donnés au patient ; apprécier la dynamique des démarches d’évaluation et d’amélioration mises en œuvre ; impliquer les professionnels dans ces démarches ; valoriser les actions d’évaluation et d’amélioration ; renforcer la confiance du public par la communication des résultats ; formuler des recommandations explicites aux établissements. »597
Le développement de l’accréditation était alors confié à l’ANAES598 qui, à travers son manuel d’accréditation, proposait des « référentiels » qui fixaient le cadre de l’évaluation des pratiques et du fonctionnement des établissements. Nous pouvons observer dans ce manuel que ce sont principalement les procédures qui étaient visées par les références, même si l’Ordonnance de 1996 soulignait que les « bonnes pratiques cliniques » et « les résultats des différents services et activités de l’établissement » étaient eux aussi concernés. C’étaient donc les conditions de la clinique plus que l’activité des cliniciens elle-même ou ses résultats qui constituaient l’objet de l’accréditation, même s’il existait déjà en germe l’idée de passer à une logique de qualité sous-tendue par une logique d’activation des professionnels.
La seconde procédure d’accréditation (appelé « V2 » ou « certification »), inscrite dans la dynamique voulue par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, fait en revanche de la qualité un des outils majeurs de la régulation du système de santé, notamment à travers l’analyse de l’activité des cliniciens. Il s’agit ici de « disposer d’une information plus discriminante de la qualité des prestations des soins délivrés par les établissements de santé »599. Avec cette nouvelle loi, l’ANAES laisse la place à une nouvelle institution qui prendra le nom de Haute Autorité de Santé (HAS) et dont la mission est de contribuer au maintien d’un système de santé solidaire et au renforcement de la qualité des soins, au bénéfice des patients600.

Sans rentrer plus en détail sur les principes de la première accréditation, les premiers rapports d’évaluation de la V1 indiquent, entre autres, que les soins délivrés aux patients hospitalisés reposent sur une organisation complexe comportant de nombreux processus et en interrelation, avec des métiers multiples et en évolution permanente. A partir du constat de cette complexité organisationnelle et d’une multiplicité de pratiques hétérogènes dont la qualité est difficile à appréhender (avec en sus un écart défavorable entre l’état du savoir médical et la réalité des pratiques), les démarches d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) trouvent ainsi leur source. L’EPP vient alors mettre en évidence une tension entre d’un côté une demande de standardisation de la clinique via les bonnes pratiques, et, de l’autre, le caractère complexe car nécessairement « protéiforme » de la clinique.

Notes
593.

Extrait du cahier de notes personnelles. Réunion plénière du CSMP, 28 avril 2006.

594.

« Référentiel : ensemble d’exigences qualité écrites, utilisées dans le cadre d’une démarche d’évaluation. Un référentiel est établi à partir de textes réglementaires, de recommandations de bonne pratique. » Extrait du glossaire du Manuel d’accréditation des établissements de santé deuxième procédure d’accréditation, septembre 2004.

595.

« Procédure : manière spécifiée d’effectuer une activité ou un processus (ISO 9000:2000). », Idem.

596.

Extrait du Manuel d’accréditation des établissements de santé deuxième procédure d’accréditation, septembre 2004, p. 8.

597.

Idem.

598.

ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé.

599.

Manuel d’accréditation des établissements de santé deuxième procédure d’accréditation, septembre 2004, p. 6.

600.

La HAS est chargée plus spécifiquement : d’évaluer scientifiquement l’intérêt médical des médicaments, des dispositifs médicaux et des actes professionnels et de proposer ou non leur remboursement par l’assurance maladie ; de promouvoirles bonnes pratiques et le bon usage des soins auprès des professionnels de santé et des usagers de santé ; d’améliorer la qualité des soins dans les établissements de santé et en médecine de ville ; de veiller à la qualité de l’information médicale diffusée ; d'informer les professionnels de santé et le grand public et d'améliorer la qualité de l'information médicale ; de développer la concertation et la collaboration avec les acteurs du système de santé en France et à l'étranger. Extraits du site internet de la HAS, http://www.has-sante.fr