V. Extrait de l’introduction de mon mémoire de fin d’étude de psychologie

Source : PEGON G., (2003), Le vécu de l’enfant épileptique au Viêt-Nam. Approche psychologique et interculturelle à partir de neuf situations cliniques, mémoire pour l’obtention du diplôme de psychologue clinicien de l’Ecole de Psychologues Praticiens, Paris, 258 pages.

Une rencontre entre folie et étrangeté :

Il m’est arrivé de rencontrer, lors d’un stage en hôpital psychiatrique, des patients psychotiques qui étaient vraiment étranges. La psychose nous fait ressentir nos différences avec l’Autre à travers un violent mouvement d’expulsion. Mais ici, ces autres étaient doublement étrangers, de par leur pathologie mais également de par leur culture, ils étaient d’origine maghrébine ou d’Afrique noire. La première rencontre avec ces patients était souvent très difficile, la barrière des représentations culturelles ne permettait pas l’accès à un échange compréhensible immédiat. Cependant, il arrivait parfois à l’interne en psychiatrie qui recevait les patients de leur parler en arabe, dans leur langue maternelle. Dans ces moments-là, nous avions l’impression que quelques barrières se levaient, et nous découvrions un nouveau paysage de ce que pouvait être la pathologie mentale pour ces gens-là.

Les questions que je me posais alors étaient de quoi parlons-nous lorsque nous utilisons des concepts psychopathologiques tels que les notions de schizophrénie, de délire mystique, de paranoïa... Qu’est ce qui fait qu’une personne qui se dit possédée par un démon en France est considérée, voire vénérée comme un chef religieux dans d’autres pays ? Quel est le sens de la notion de folie, pour nous et pour ces Autres ?

Questionnement autour du rôle de l’ethnopsychologue :

Les expériences que j’ai pu acquérir ces dernières années par l’intervention auprès d’associations, de personnes en détresse mentale ou d’individus dans leur environnement de travail, en France et à l’étranger (notamment en Biélorussie, au Maroc, et à la Réunion) m’ont énormément questionné sur le rôle de l’« ethnopsychologue. » Lors de la consultation thérapeutique face à un Autre doublement étranger de par son individualité et sa culture, le psychologue se retrouve démuni de son habituel langage thérapeutique, l’échange naît d’une communication qui est, je pense, au-delà de la culture (métaculturelle).

Lors d’un autre stage effectué auprès d’enfants autistes issus de migrants musulmans, j’ai pu saisir à quel point le psychologue doit puiser sa thérapeutique dans une créativité épurée des normes culturelles « normalisatrices » qui peuvent la constituer. Il doit chercher à être ouvert à l’Autre dans toutes ses dimensions (psychiques, éducatives, culturelles, familiales…) Bien souvent, dans ces situations, le sujet étranger venait consulter, accompagné de sa famille. Je m’interrogeais alors sur l’impact des représentations familiales sur la pathologie d’un de leurs membres sur l’évolution de cette pathologie et sur la manière dont ils allaient appréhender une thérapie qui était, le mieux possible, dénuée de tout fondement mystique ou magique.