3.2 …Appliquée au domaine de la mobilité des ménages

Appliquée au cas des transports en milieu urbain, et plus particulièrement à l’ensemble des déplacements effectués par les ménages, cette vision du développement durable s’est déclinée en « mobilité durable » qui a déjà été défini à de nombreuses reprises avec plus ou moins de précision. Selon l’OCDE (1996, p. 12), un système de transports durable :

« Ne met pas en danger la santé publique et les écosystèmes, respecte les besoins de mobilité tout en étant compatible avec une utilisation des ressources renouvelables à un taux inférieur à celui nécessaire à leur régénération et une utilisation des ressources non renouvelables à un taux inférieur à celui nécessaire à la mise au point de ressources renouvelables de remplacement ».

Dans cette définition, l’accent est surtout mis sur l’environnement. La dimension temporelle est aussi très présente. En revanche, les aspects économiques et sociaux sembleraient être englobés dans la notion de « besoins de mobilité » mais cette dernière n’est pas clairement explicitée. La conférence européenne des ministres des transports (2004) a fourni une définition plus complète de la notion, synthétisée par T. Litman (2010)2 : un système de transports durable est un système qui :

Si le dernier point est assez identique à la définition de l’OCDE (1996), les deux premiers mettent en avant les dimensions économiques (système de transports efficace et abordable) et sociales (au travers de la notion d’accessibilité).

Certains auteurs se sont aussi attachés à définir la mobilité durable dans les trois dimensions mises en avant par le développement durable. P. Boillat et G. Pini (2005, p.79) qualifient la mobilité de durable lorsque « sa réalisation respecte l’intégrité de l’environnement et permet d’assurer les besoins matériels de la vie en garantissant l’équité entre les individus ». S. Allemand (2007, p. 74) considère qu’une mobilité durable est une mobilité qui « sur le plan environnemental, recourt à des moyens de transports économes et non polluants […] sur le plan social, réduit les inégalités dans l’accès aux lieux (de travail, de consommation et de loisirs) et contribue à la mixité sociale et culturelle […] sur le plan économique est porteuse d’innovations en matière de moyens de transports mais aussi de services et créatrice d’emplois ». L’auteur souligne en outre que la conception de la mobilité durable est indissociable d’une réflexion sur « la conception de nos villes […] dont l’incohérence est un facteur de mobilité non durable ». Ce dernier aspect de la définition met bien en avant l’aspect spatial lié à l’aménagement urbain des grandes métropoles.

Dans la définition « standard » du développement durable, la dimension spatiale relative à l’aménagement urbain est peu présente. Par exemple, rien n’est dit sur la manière dont les activités économiques doivent être organisées et localisées au sein d’une agglomération. On l’a vu, la métropolisation est caractérisée par une compétitivité économique de plus en plus forte, alimentée par des mutations technologiques et la globalisation des marchés. Spatialement, cela se traduit par une forte concentration des fonctions économiques de décisions, la décentralisation et la spécialisation des activités productives, et la constitution de grands pôles technologiques innovants. Tout cela réclame une organisation logistique complexe avec notamment le recours à un système de déplacements presque exclusivement basé sur l’usage des transports routiers (voyageurs, marchandises) au niveau du territoire métropolitain. La question de l’organisation spatiale des activités et de la population est fondamentale car elle conditionne en partie la mobilité pratiquée par les ménages.

Ainsi, I. Sachs (1993) va introduire au-delà des trois dimensions classiques du développement durable (économique, social, environnemental) les notions de durabilité spatiale et culturelle.

Concernant la dimension spatiale, même si l’auteur reste assez évasif, il est toutefois fait mention de la recherche d’une meilleure répartition spatiale des établissements humains et des activités économiques. I. Sachs met également l’accent sur les problèmes rencontrés par les concentrations excessives dans certaines métropoles, la destruction massive d’écosystèmes par des « colonisations incontrôlées » (étalement urbain) et la prolifération de ghettos urbains, de banlieues en crise associés à la ségrégation et l’exclusion sociale.

On le voit, l’ensemble des réflexions portant sur la mobilité durable font régulièrement intervenir la question du développement urbain, de l’organisation et de la localisation spatiale des activités et des ménages. Ainsi, la forme urbaine définie comme le système de localisation - comme nous l’expliciterons plus loin (chapitre II) - conditionne en partie la réalisation d’une mobilité plus durable.

Notes
2.

http://www.vpti.org/tdm/tdm67.htm , consulté le 10/12/2010