4. Quelles formes urbaines pour une mobilité plus durable ?

La forme d’organisation spatiale de la population et des activités économiques d’une agglomération est d’une grande importance pour obtenir un système de transports durables. C’est précisément sur ce point que nous souhaitons focaliser notre thèse. Les travaux portant sur les liens entre la forme urbaine et la mobilité des ménages sont en général assez concordants pour affirmer que trois dimensions principales de la forme urbaine contribuent à réduire l’usage de la voiture (Ewing, Cervero, 2001 ; Ewing et al. 2003, 2007) : la densité urbaine (accès à la population), la diversité et la proximité (mixité d’usage du sol et présence de services diversifiés au sein de la zone de résidence), et bien sûr l’accessibilité (aux emplois comme aux services).L’ensemble de ces études s’intéressent d’abord aux pratiques de mobilité et à ses facteurs explicatifs en rapport avec la forme urbaine.

Peu de travaux en revanche ont étudié les conséquences de la forme urbaine sur la durabilité de la mobilité pratiquée par les ménages (tous motifs confondus), notamment sur les aspects de coûts (monétaires) ainsi que ceux portant sur les inégalités de dépenses de mobilité quotidienne. Or ces sujets sont d’une grande importance dans un contexte économique difficile où les prix du pétrole seront amenés à augmenter inévitablement sur le long terme. On pourrait d’ailleurs qualifier le système actuel de vulnérable (Vanco, Verry, 2009) car il est largement fondé sur l’utilisation massive de la voiture particulière. Manifestement, les formes récentes de la croissance urbaine initiées par la métropolisation n’ont pas amélioré la durabilité du système de transports. La multiplication de vastes zones de dépendance automobile a grandement fragilisé la pérennité de notre système de transports aux niveaux environnemental, économique et social.

Ainsi, le questionnement principal de notre thèse est de mettre en évidence les facteurs principaux liés à l’organisation spatiale des hommes et des activités susceptibles de produire une mobilité quotidienne plus durable, selon les trois dimensions du développement durable. Pour ce faire, nous choisissons une approche par les coûts de la mobilité.

Tout au long de notre travail, nous nous appuyons sur le cadre conceptuel de la ville de Bonnafous et Puel (1983) qui définit le système urbain comme la réunion de trois sous-systèmes en interactions mutuelles : le sous-système de transports, le sous-système des localisations et le sous-système des relations sociales. Nous nous focalisons essentiellement sur la mobilité quotidienne des ménages.

Nous montrons dans un premier temps (chapitre II) que le système de transports actuel n’est pas durable. Sur la base de ce diagnostic, nous évoquons ensuite l’ensemble des mesures susceptibles de corriger ces défaillances et justifions la pertinence de la démarche consistant à travailler sur la forme urbaine. Par ailleurs, nous abordons quelques exemples dans les grandes métropoles françaises retraçant l’évolution de leur développement et ses conséquences sur la durabilité de la mobilité quotidienne des ménages.

Nous exposons ensuite (chapitre III) les éléments théoriques de l’économie urbaine concernant les liens unissant la forme urbaine et les coûts de la mobilité avant d’aborder les nombreux travaux empiriques menés au sujet des conséquences de la forme urbaine sur la mobilité. La synthèse des facteurs explicatifs mis en évidence par ces travaux permet de définir les principaux traits d’une « forme urbaine durable » (Jabareen, 2006).

Dans le chapitre IV, nous justifions le choix de notre cadre d’étude, à savoir l’Enquête Ménages Déplacements (E.M.D.) de Lyon réalisée en 2006. Nous développons ensuite une méthodologie consistant à calculer les principaux indicateurs permettant de mesurer la durabilité de la mobilité quotidienne des ménages.

Le chapitre V porte sur l’étude des inégalités de mobilité en fonction des caractéristiques du ménage et de leur localisation. Nous isolons notamment les caractéristiques des ménages paraissant les plus discriminantes en termes d’émissions de CO2, de dépenses de mobilité urbaine et de taux d’effort des ménages (le rapport entre leurs dépenses annuelles et leur revenu annuel disponible). Cette analyse débouche sur un bilan des aspects sociaux liés à la mobilité quotidienne des ménages.

Au cours du chapitre VI, nous approfondissons les facteurs explicatifs liés à la localisation des ménages pour expliquer la durabilité de leur mobilité. Les caractéristiques de la forme urbaine de résidence, et plus particulièrement la densité, la diversité et l’accessibilité (Cervero, Kockelman, 1997 ; Ewing, Cervero, 2001 ; Cervero, 2002, Ewing et al. 2003, 2007 ; Cao et al. 2008) sont abordées. L’objectif est de déterminer dans quelle mesure la forme urbaine explique la durabilité de la mobilité des ménages, lorsque d’autres facteurs, telles que les caractéristiques socio-économiques du ménage, sont pris en compte et contrôlés. Nous bâtissons à cet effet des modèles économétriques adaptés à notre cadre d’analyse. Enfin, nous estimons les bénéfices que l’on peut attendre lorsque certains attributs de la forme urbaine sont modifiés, au moyen de modèles économétriques adaptés.