1.2 L’optimum économique dans l’approche néoclassique…

Tout le problème du paradigme néoclassique repose en fait sur la question suivante : étant donnée une répartition initiale des ressources entre tous les consommateurs et tous les producteurs, quelle est l'allocation des biens qui conduit à une maximisation du surplus pour la société ?

Dans un premier temps, les utilitaristes ont défini l'optimum économique comme étant l'état du plus « grand bonheur pour le plus grand nombre ». Ce critère consiste simplement à maximiser la somme des utilités de tous les individus. Cependant, cette définition de l'optimalité comporte deux inconvénients majeurs : la nécessaire mesure cardinale des utilités (sommation) et la possibilité du sacrifice du bien-être de quelques-uns si le bien-être augmente collectivement. Or les individus ne sont pas capables de fournir une estimation quantitative de leur bien-être. Ils sont au mieux capables de comparer et de classer des paniers de biens. De plus, selon le principe individualiste du paradigme néoclassique, chaque individu peut chercher librement à maximiser son utilité, ce qui contredit la notion de sacrifice.

Afin de tenir compte de cette liberté de choix individuelle et le refus de tout sacrifice, V. Pareto a proposé une autre définition de l'optimum économique : une allocation des ressources est optimale au sens de Pareto lorsque qu'elle ne permet plus d'améliorer la situation d'un individu sans détériorer celle d'un autre. Ce critère est conforme au principe individualiste car « il garantit la souveraineté de chaque individu » (Defalvard, 2005, p.172).

Même si le critère de Pareto constitue un progrès par rapport au critère de maximisation de l’utilité collective, il reste avant tout un critère d’efficacité pour la société et non d’équité entre les individus. En effet, une situation où un seul individu possède toutes les richesses est jugée Pareto-optimale.

Ce constat a poussé les théoriciens à bâtir une fonction de bien-être social (guidant les choix collectifs) afin de choisir, parmi l’ensemble des choix optimaux, celui qui serait le plus équitable. Bergson (1938) et Samuelson (1947) ont été les premiers à conceptualiser cette approche. La fonction de bien-être social peut être vue comme un ensemble de courbes d’indifférences représentant toutes les utilités des individus qui composent la société. Elle est censée pouvoir opérer un classement entre les différents choix Pareto-optimaux (intersection entre la courbe d’indifférence la plus élevée et la courbe représentant l’ensemble des choix optimaux). Sous certaines hypothèses, Harsanyi (1955) a montré que cette fonction s’exprimait comme la somme pondérée des utilités individuelles. Cependant, d’autres exigences plus fortes sont apparues dans la formalisation de cette fonction : les utilités doivent être cardinales, ou correspondre aux préférences d’un dictateur. Dans le premier cas, cette fonction est inutilisable pour guider les choix collectifs car les individus sont incapables de donner une valeur à leur utilité, tout au plus peuvent-ils les classer. Dans le second cas, la situation est incompatible avec la liberté que chaque individu est sensé posséder. Enfin, on peut également s’interroger sur les critères de justice qui définissent la valeur des pondérations des utilités pour chaque individu. Ces critères doivent résulter d’un choix collectif. Cependant, les théorèmes d’impossibilité de Arrow et de Sen montreront que des choix publics efficaces et cohérents ne peuvent être issus de l’agrégation des préférences individuelles, quelle que soit la procédure d’agrégation (Généreux, 2004). Dans le domaine des transports comme ailleurs, les décisions individuelles ne concourent donc pas à un optimum collectif (Orfeuil, 1997).