Les hypothèses du modèle de concurrence pure et parfaite sont difficilement réalisables en pratique : il existe des distorsions de marché qui empêchent d’atteindre l’optimum de Pareto.
Il arrive par exemple que des activités conservent des rendements croissants pour une taille de production qui correspond au marché. Comme le coût marginal est inférieur au coût moyen (point en deçà du seuil de rentabilité de l'entreprise en concurrence pure et parfaite), seul un monopole peut espérer faire des bénéfices. Seulement, dans le cas d'une entreprise privée, le prix pratiqué est bien supérieur au coût marginal et donc s'éloigne de l'optimum de Pareto. Souvent, l'Etat prend donc en charge la gestion de ce monopole et il rétablit une tarification optimale. Comme ce service d’intérêt général devient déficitaire, le financement est dégagé par les taxes ou les impôts. On peut citer par exemple le cas du transport ferroviaire en France (SNCF).
Les effets externes constituent une autre distorsion du marché. Ils désignent « une situation économique dans laquelle l'acte de consommation ou de production d'un agent influe positivement ou négativement sur la situation d'un autre agent non-impliqué dans l'action, sans que ce dernier ne soit totalement compensé ou ait à payer pour les dommages ou bénéfices engendrés » (Meade, 1952). Comme la définition l'indique, un effet externe peut affecter le bien-être d'un individu, ou encore la fonction de production d'une entreprise, en dehors des interactions du marché. Souvent, dans le domaine des transports, on parle d'effets externes négatifs (pollution, bruit, congestion). Le problème d'un effet externe est qu'il ne permet pas d'arriver à une situation optimale au sens de Pareto. Par exemple, les automobilistes ne supportent pas le coût des nuisances de leurs déplacements. La conséquence de cette sous-tarification est une utilisation de la voiture supérieure au niveau optimal. Ces nuisances peuvent avoir des conséquences sur la satisfaction des usagers de modes alternatifs : l'usage du vélo sur voirie peut être affecté par l'insécurité routière, les piétons peuvent être incommodés par le bruit et la pollution. De même, la congestion peut affecter la fonction de production d'une entreprise à cause du retard de ses employés, la dégradation et l'usure de la chaussée va nécessiter des fonds publics pour son entretien. La présence des coûts externes ne conduit donc pas à une situation optimale pour la société. Pour parvenir de nouveau à l'optimum, il est nécessaire d'internaliser les nuisances occasionnées par le transport de manière à retrouver un juste prix.
Arthur Cecil Pigou est un économiste anglais qui s’est beaucoup intéressé dans les années 19203 aux moyens de corriger les effets externes négatifs. Les effets externes négatifs éloignent de la situation jugée optimale par la théorie néoclassique (optimum de Pareto) : en effet, les agents subissant la nuisance correspondant à un effet externe négatif voient leur satisfaction diminuer car ils ne bénéficient pas de compensation financière de la part de l’émetteur de cette externalité. Cette distorsion du marché peut être corrigée par l’instauration d’une taxe pigouvienne. Cette dernière consiste à évaluer les dommages subis par les victimes de la pollution et d’en faire supporter le coût au pollueur. C’est de là que vient le célèbre principe du « pollueur-payeur ». L’instauration de cette taxe par l’Etat permet de modérer la génération des nuisances tout en indemnisant les victimes de la pollution. La principale difficulté de cette mesure réside dans l’évaluation monétaire des préjudices.
Pour conclure, l’inévitable présence de distorsions dans le marché (effets externes, biens publics) nécessite des corrections, comme celles évoquées précédemment. D’une manière générale, c’est à l’Etat qu’il revient de corriger ces défaillances. La question que l’on peut légitimement se poser est de savoir si ces mesures de correction vont permettre d’atteindre de nouveau un optimum de Pareto. Lipsey et Lancaster (1956) vont répondre à cette question en énonçant le théorème du « second best » qui fait référence à l’optimum de second rang : si les conditions de l’optimum de Pareto ne sont pas réalisées dans certains secteurs, alors l’optimum de premier rang n’est pas atteint si les conditions sont réalisées dans d’autres secteurs. Cela signifie que lorsque des corrections sont introduites dans certains secteurs d’activités, alors cela introduit des distorsions inévitables dans d’autres secteurs, qu’il est également nécessaire de corriger. Autrement dit, si certaines distorsions du marché sont corrigées dans certains secteurs, comme cela induit des distorsions dans d’autres secteurs, il sera impossible d’obtenir un optimum de premier rang.
The Economics of Welfare, Macmillan, 1920