2.1.a La liberté de choix du mode de transport

Selon le premier principe, pour être efficace, le système de transports doit être en mesure de fournir à l'usager une grande variété de modes de transports, à différents niveaux de services pour que ce dernier puisse se déplacer. C'est une condition nécessaire à la satisfaction des préférences des usagers. Ainsi, à l'endroit où il se trouve, l’usager doit pouvoir disposer d'une offre de transport routier, mais aussi d'une offre de transports collectifs, de pistes cyclables, de trottoirs afin de choisir le mode de transport adapté à ses besoins et contraintes.

Or en pratique, ces conditions sont loin d'être remplies. Même au sein d'un périmètre aggloméré (les aires urbaines par exemple), il existe de nombreuses zones à forte dépendance automobile. Au sein de ces zones, il manque d’offres alternatives à la voiture pour pouvoir se déplacer. Différents indicateurs indiquent qu’une zone est à forte dépendance : un taux de motorisation élevé (Fouchier, 1997a), une forte consommation de carburant par habitant (Newman et Kenworthy, 1989, 1998), ou encore des parts modales de la voiture importantes. Certains auteurs utilisent des termes englobant l'ensemble de ces paramètres et parlent « d'auto-mobilité » (Kaufman, Guidez, 1998). La définition de F. Héran (2001) correspond mieux aux exigences du premier principe. L'auteur définit la dépendance vis-à-vis d'un mode comme une absence de choix modal possible. Elle traduit donc le manque d'offre alternative pour le consommateur. F. Héran (2001) rappel à juste titre que cette défaillance du marché est contraire à la Loi d'Orientation des Transports Intérieurs (L.O.T.I., 1982) qui stipule que tout usager a le droit de se déplacer et possède la liberté d'en choisir les moyens, dans des conditions économiques et sociales acceptables pour la collectivité. L'intérêt de cette définition est qu'elle renvoie à l'idée de captivité vis-à-vis d'un mode (Madre, 1995) et s'applique à un niveau moins global que la définition employée par G. Dupuy (1999).

Au sein des zones à forte dépendance automobile, l'absence d'offre de modes alternatifs s'explique par la violation de l'hypothèse de libre entrée sur le marché. En effet, la forte présence d'infrastructures et le niveau important de circulation, par les effets externes qu’ils génèrent, découragent l’emploi de modes alternatifs. Ainsi, l'usage des modes doux (vélo, marche à pieds) est fortement pénalisé par l'insécurité routière et les effets de coupures. Le fonctionnement des transports collectifs peut être fortement perturbé par la congestion routière (sauf dans le cas des sites propres). Enfin, les territoires dépendants de l'automobile sont souvent associés à des faibles densités (Fouchier, 1997a), ce qui pénalise fortement la rentabilité des transports collectifs (Kenworthy, Laube, 1999).

L'absence d'offre alternative traduit aussi le manque de concurrence et de compétition entre les modes de transports. Or la compétition favorise l'amélioration du service rendu et l'innovation (Litman, 2006). Ce climat de concurrence peut être très présent au sein d'un mode particulier. Les constructeurs automobiles sont très nombreux sur le marché, ce qui a un effet positif sur les prix, la qualité du service et les améliorations technologiques des véhicules. Cependant, la compétition entre les modes de transports (voitures particulières et transports collectifs) peut également apporter un surplus de bien-être à la société.

De même, le système routier et autoroutier constitue un monopole sur de nombreuses parties du territoire, notamment à cause des politiques de développement des infrastructures menées par l'Etat français à partir des années 1960. Les autorités publiques ont financé le développement de ces infrastructures. Le problème posé par ce monopole est la difficulté d'accès pour certains ménages à la voiture particulière (coûts du permis de conduire, coûts fixes liés à l'achat de la voiture) qui n'ont pas d'autre choix que de consacrer une forte proportion de leur revenu pour pouvoir de déplacer (Orfeuil et Polacchini, 1998 ; Vanco, 2008 ; Vanco, Verry ; 2009).