(ii) Insuffisance des outils d’évaluation dans le domaine des transports

Les méthodes de calcul économique employées pour évaluer un projet de transport sont largement issues des travaux menés par Jules Dupuit dans son ouvrage De la mesure de l’utilité des travaux publics (1844). L’évaluation économique est basée sur la maximisation du surplus et de l’utilité collective. On le comprend, l’auteur adopte une vision purement utilitariste des projets et vise à atteindre l’optimum économique via la maximisation du bien- être. Cette méthode conduira progressivement à la mise en place de l’analyse coûts-avantages au sein du processus d’évaluation économique. Par la suite, divers indicateurs sont adoptés pour mesurer à la fois la rentabilité financière d’un projet et également la rentabilité pour la collectivité. L’actualisation du 27 Mai 2005 de l’Instruction Cadre du 25 Mars 2004 fournit d’ailleurs une description exhaustive de cette méthode d’évaluation. Outre le fait qu’elle adopte une vision utilitariste, le principal défaut de cette méthode d’évaluation est qu’elle reste située à un niveau agrégé et ne se préoccupe pas de savoir quel est l’impact pour chaque individu en particulier.

Néanmoins, la dimension environnementale va être progressivement prise en compte (notamment au sein de l’article 14 de la L.O.T.I) en insistant notamment sur l’intégration des coûts sociaux, notamment les impacts sur l’environnement dans l’évaluation d’un projet de transport. D’autres lois suivront et insisteront encore d’avantage sur la prise en compte des coûts sociaux et leurs impacts environnementaux au sein du calcul économique, notamment la L.A.U.R.E (1996), les deux rapports Boiteux (1994, 2001), le rapport Brossier (1998) et l’Instruction Cadre (2004). C’est ainsi que l’analyse coûts-avantages intègre certaines variables supplémentaires comme les coûts de la pollution, du bruit, la valeur de la vie humaine, la congestion ou encore l’occupation de l’espace.

Cependant, la mise en œuvre concrète de cet outil va être rendue délicate auprès des acteurs locaux, pour deux raisons. Premièrement, cette méthode a été élaborée de manière purement abstraite, technique et surtout peu opérationnelle, puis a été « parachutée » aux acteurs locaux sans réellement tenir compte de leurs préoccupations (Spenlehauer, 1998). Deuxièmement, la maîtrise même d’un tel outil n’est pas aisée et ne peut être comprise que par un petit nombre de spécialistes (Meunier, Noléo, 2001). De fait, l’analyse coûts-avantage reste un outil parfois difficile à utiliser au niveau local que ce soit au niveau de sa compréhension ou de sa mise en œuvre. Au final, la dimension sociale des projets de transport n’est pas prise en compte puisque l’analyse reste figée à une échelle agrégée et ne s’intéresse pas à l’impact d’une mesure sur les différents groupes sociaux (Caubel, 2006).

Pour conclure, les aspects sociaux, bien qu’explicitement présents dans les lois d’aménagement du territoire, ne disposent pas des outils évaluation adéquats pour être mis en application dans l’évaluation des projets.