(iv) … et dans le domaine des inégalités de mobilité au niveau individuel

Au cours de notre chapitre introductif (I), nous avons mentionné un certain nombre de travaux portant sur les inégalités d’accès à la voiture particulière. Ces dernières sont fortement liées à des inégalités de revenus (Paulo, 2006). Le non-accès à une voiture particulière peut poser des problèmes en termes d’accessibilité aux emplois (Wenglenski, 2003) et aux services (Caubel, 2006). C’est pourquoi d’autres travaux se sont focalisés sur le rôle des transports collectifs pour limiter ces inégalités d’accès, notamment en matière de tarification (Rosales-Montano, Harzo, 1994). Parmi les ménages motorisés, les travaux de C. Paulo (2006) ont montré que les inégalités de mobilité quotidienne étaient considérablement réduites et ne dépendaient quasiment plus du revenu des ménages. En outre, les travaux de D. Caubel (2006) ont montré que les inégalités d’accès (accessibilité potentielle) aux services sont faibles à partir du moment où le ménage est motorisé au sein de l’aire urbaine lyonnaise.

En revanche, les inégalités en termes de dépense pour les ménages motorisés existent bel et bien dans le champ de la mobilité quotidienne (Orfeuil, Polacchini, 1998 ; Nicolas et al. 2001).Il s’agit encore d’un sujet encore peu exploré dans la littérature (Lucas, 2010).De plus, les inégalités de mobilité quotidienne (et ses dépenses) en milieu périurbain, à l’exception du cas bien particulier de l’Ile-de-France, n’ont pas véritablement été abordées à cause des périmètres restreints de différentes enquêtes ménages menées jusqu’alors.

Nous avons donc montré, en nous appuyant sur les cadres théoriques de Rawls (1971) et Sen (1992), que malgré quelques améliorations ces dernières années, les questions d’inégalités et d’équité dans les processus de choix des projets de transports manquaient d’outils d’évaluations adaptés et n’étaient pas encore assez prises en compte. Sur le plan de la mobilité quotidienne des ménages, nous avons vu que les travaux portant sur l’accessibilité potentielle aux emplois ou aux services, ainsi que ceux portant sur les inégalités de mobilité quotidienne ne rendaient pas entièrement compte de la problématique de l’équité entre les individus.

Nous pouvons donc conclure que le système de transports n’est pas durable au sens des dimensions économiques, environnementales et sociales du développement durable. Nous avons pour cela mobilisé la théorie néoclassique pour la dimension économique, les impacts négatifs sur l’environnement pour la dimension environnementale, et les théories de la justice sociale pour la dimension sociale.

Ce constat général se retrouve dans le cas français : la durabilité du système de transports dans les grandes villes françaises s’est globalement dégradée depuis le début des années 60 et la généralisation de l’usage de la voiture.