3.2.b Un net mouvement de suburbanisation de la population…

Sur la base de ce découpage de l’espace urbain et non urbain, Bessy-Pietri et al. (2000) montrent qu’entre 1960 et 1999, la croissance de la population dans les pôles urbains par rapport à 1960 a été d’environ 30 %, passant de 27 millions à 35 millions d’habitants. En revanche, celle des couronnes périurbaines a été d’environ 70 %, passant de 5 millions d’habitants à environ 9 millions. La croissance de la population dans les espaces ruraux a été quasi nulle entre ces deux périodes. Les mouvements de population sur le territoire français ont donc conduit à de nombreux changements caractérisés par une forte périurbanisation puisque la croissance relative de la population dans les zones périurbaines a été plus forte que dans celle des pôles urbains. La distinction entre la variation de la population due au bilan naturel et celle due au solde migratoire permet de mettre en évidence le mouvement de suburbanisation (graphique II-1).

On constate qu’entre 1982 et 1990 ainsi qu’entre 1990 et 1999, le solde migratoire des pôles urbains a été négatif mais que le solde migratoire des communes périurbaines et des zones rurales sous faible influence urbaine a été positif : cela met en évidence un double mouvement de suburbanisation (mouvement de la population du centre vers la périphérie) et de rurbanisation (urbanisation discontinue de zones rurales de plus en plus éloignées des centres urbains ; Quintin, 1998). Il est vrai que les espaces à dominante rurale ont connu entre 1968 et 1975 une double évolution qui a contribué à leurs déclins : un solde migratoire négatif (exode rural) combiné à un bilan naturel devenu négatif (vieillissement de la population). Cette tendance s’est toutefois inversée en 1982 avec un solde migratoire redevenu positif. On note même des soldes migratoires redevenus positifs pour les pôles ruraux et zones rurales isolées, insuffisants cependant pour compenser un bilan naturel fortement négatif à cause du vieillissement de la population dans ces zones.

Graphique II-1 : variation de population, bilan naturel, solde migratoire par catégorie d'espace
Graphique II-1 : variation de population, bilan naturel, solde migratoire par catégorie d'espace

Source: Bessy-Pietri et al. 2000, p. 2

Malgré tout, alors qu’en 1962, 30 % de la population française était rurale, 23 % de la population l’est en 1999. Les mouvements de périurbanisation et de suburbanisation sont également mis en évidence par P. Bessy-Pietri et Y. Sicamois (2001). Entre 1982 et 1990, le taux de croissance annuel de la population dû au solde migratoire a été de -0,62 % dans les villes centres, 0,14 % en banlieue et 1,47 % dans les couronnes périurbaines. Ces taux d’évolution contrastés montrent le net mouvement de la population vers la périphérie des villes. Entre 1990 et 1999, le solde migratoire en banlieue devient négatif (-0,23 %), et seul celui des couronnes périurbaines reste positif (+0,63 %). Le mouvement de suburbanisation ne concerne plus seulement le centre-ville mais également la banlieue proche. Même si le solde naturel permet au centre-ville (+ 0,46 %) et à la banlieue (+0,65 %) de conserver un certain dynamisme et de limiter les effets de la fuite migratoire, le fort taux de croissance des couronnes périurbaines dû aux mouvements migratoires (+0,63 %) et au solde naturel (+0,4 %) montre une certaine persistance du mouvement de suburbanisation de la population. Cette persistance tend cependant à s’estomper avec une baisse du solde migratoire, ce qui montre que l’étalement urbain entre 1990 et 1999 est moins marqué qu’auparavant, même s’il continue.

Des chiffres plus récents (Laganier, Vienne, 2009) montrent que le taux de croissance annuel moyen de la population dans les territoires périurbains entre 1999 et 2006 a été de 1,3 %, avec un solde migratoire plus important qu’auparavant (+ 0,8 %). Les soldes migratoires des zones centrales et des banlieues entre 1999 et 2006 sont nuls, et par conséquent, la croissance de la population dans ces zones est essentiellement due au solde naturel (respectivement + 0,4% et + 0,6 %). Par rapport à la période 1990-1999, le mouvement de suburbanisation affecte donc moins les zones centrales puisque les soldes migratoires ne sont plus négatifs. On remarque également une nette inflexion dans les zones rurales puisque le taux de croissance de la population entre 1999 et 2006 a été de + 0,7 % au lieu de 0 % au cours de la période précédente, essentiellement porté par le solde migratoire (+ 0,8 %).

Ces premières observations montrent que ce sont les couronnes périurbaines qui ont gagné le plus d’habitants. Du point de vue des transports urbains, si les villes centres sont encore le lieu d’un certain nombre d’enjeux (pollution, congestion, bruit), c’est aussi sur les territoires périurbains que doit se poser la problématique d’une mobilité durable.