3.2.e … différenciée selon le secteur d’activité

On remarque également une forte différentiation sectorielle dans le phénomène de périurbanisation des emplois. Les activités fortement sensibles aux externalités informationnelles (front offices) ont tendance à garder une localisation centrale tandis que les activités d’exécution (back offices) privilégient une bonne accessibilité routière, en se localisant à proximité des grands axes de transports (Ota et Fujita, 1993). On peut à nouveau citer l’exemple lyonnais pour illustrer ce propos. Andan et Tabourin (1998, p. 278) analysent l’évolution de la localisation des emplois sur l’aire urbaine lyonnaise entre 1975 et 1990. Ils envisagent pour cela une répartition sectorielle des emplois en 5 catégories :

Les auteurs constatent qu’entre 1975 et 1990, les activités du tertiaire supérieur ont très fortement progressé (+47.4 %) et sont restées assez centralisées. En effet, la moitié des effectifs supplémentaires se sont localisés au centre de l’aire urbaine, le quart suivant en banlieue et le dernier quart en périphérie. A l’opposé, les activités industrielles ont connu une forte baisse de l’emploi global combiné à un fort déclin dans le centre. Les autres groupes ont globalement suivi la population dans son mouvement de délocalisation et ont gagné peu d’emplois. Ces observations montrent que le desserrement global des activités est fortement contrasté selon le secteur d’activité.

Aguiléra et al. (1999) examinent la dynamique de localisation des activités en utilisant les données sur les établissements à l’échelon communal (fichiers SIRENE) aux dates de 1982, 1990 et 1996 dans un périmètre de 45 km autour de Lyon. On s’intéresse à l’évolution de deux types d’activités au sens de la NAF (Nomenclature d'Activités Française ; mise en place en 1993). La première catégorie se localise généralement plus au centre de l’agglomération : il s’agit des activités financières et immobilières. La deuxième a tendance à privilégier une bonne accessibilité afin de mieux procéder à l’exportation de ses produits : il s’agit des industries extractives, manufacturières ainsi que celles produisant du gaz, de l’eau et de l’électricité.

Tableau II-2 : évolution des localisations des industries et des activités financières entre 1982 et 1996 sur l’aire urbaine de Lyon
% des établissements industries (1982) industries (1996) activités financières (1982) activités financières (1996)
Lyon + Villeurbanne 43,7 37,2 55,9 51,3
1ère couronne 9,5 11,5 10,4 12
2ème couronne 8,5 10,3 6,5 9
Reste des 25 km 12,3 15,6 8,6 10,2
25 à 45 km 26 25,4 18,6 17,5
total 100 100 100 100

Source : Aguiléra et al. 1999, p. 61

L’analyse du tableau II-2 montre que les industries ont subi un mouvement de délocalisation du centre vers la périphérie bien plus vaste que les activités financières. Ces dernières restent pour plus de la moitié au centre de l’agglomération. Mais de plus en plus d’activités et de fonctions, traditionnellement centrales, ont tendance à se délocaliser en périphérie. Ce phénomène est assez répandu dans les grandes agglomérations américaines, notamment avec l’apparition des Edge Cities (Garreau, 1991 ; Alvergne et Coffey, 1997). Les différents travaux évoqués précédemment ont donc montré que les secteurs d’activités répondaient à des logiques de localisation bien spécifiques.

La métropolisation a donc fortement impacté le développement des agglomérations françaises au cours de ces dernières décennies. Les principales caractéristiques de ce phénomène sont l’étalement urbain de la population, la dispersion plus ou moins marquée des activités économiques selon les secteurs mais également la recomposition de la centralité au sein de pôles secondaires. C’est dans ce contexte que se sont effectuées les profondes mutations du système de transports au sein des grandes villes françaises.