6.2 Instaurer une meilleure régulation par les prix

Diverses mesures sur la tarification des transports urbains permettent d’améliorer la durabilité du système de transports. Cependant, une mesure sur les prix seuls ne suffit pas à réduire la mobilité en voiture particulière. Par exemple, si la mise en place d’un péage autoroutier ne sert qu’à financer de nouvelles infrastructures, le trafic automobile global va augmenter sur le long terme. En effet, l’augmentation de l’offre routière génère de la demande induite.

En France, on distingue généralement trois types de péage : le péage de financement, le péage de régulation et enfin le péage d’orientation (Lauer, 1997). Le péage de financement n’est a priori pas efficace pour limiter le trafic automobile car il sert généralement à l’entretien et au financement des infrastructures. Le péage de régulation a pour but de modifier le comportement de l’automobiliste pour qu’il utilise d’autres modes de transport : il peut s’agir par exemple du péage urbain ou du péage de congestion. Enfin, le péage d’orientation a pour but de modifier les comportements, mais en « rétablissant la vérité sur les prix ». Il peut consister à faire supporter à l’automobiliste tous les coûts engendrés par son déplacement, en internalisant notamment les coûts environnementaux (pollution, bruit, insécurité routière).

D’une manière générale, les mesures portant sur les prix sont efficaces s’il existe une alternative de transport crédible (Litman, 2007). Différents travaux sur l’estimation de coefficients d’élasticité de la demande de mobilité par rapport au prix ont été réalisés.

Le péage d’orientation joue essentiellement sur les coûts variables supportés par les automobilistes (dépenses de carburant, stationnement, taxation diverses). L’influence d’une augmentation des prix du carburant ainsi que d’autres taxes sur l’automobile peuvent avoir des effets très variables sur la demande de mobilité en voiture selon les études (Johansson et Schipper, 1997 ; Goodwin et al. 2003). Les effets diffèrent également selon que l’on se situe sur le court terme ou le long terme. Les travaux montrent généralement qu’une augmentation du prix de la mobilité en voiture a un impact plus important sur la consommation de carburant que sur la distance parcourue ou le nombre de véhicules possédés. Les élasticités à long terme sont plus élevées que celles à court terme (effet d’inertie sur le court terme). Enfin, les variations de revenu ont généralement plus d’effet que les variations de prix. En termes quantitatifs, le péage d’orientation possède une certaine efficacité pour réguler la mobilité en voiture. Selon Goodwin et al. (2003), une augmentation de 10 % des prix du carburant entraîne à long terme (5 ans environ) une baisse du trafic de 3 %, une baisse de la consommation d’essence de 6 %, et enfin une baisse du taux de motorisation d’environ 3 %. Des chiffres plus récents (Hivert, Madre, 2009) montrent qu’une augmentation similaire des prix à la pompe (+ 10 %) entraîne une diminution de 1 à 2 % de la circulation automobile, et à plus long terme une augmentation de la fréquentation de 1 à 2 % des transports en commun, et une baisse de 7 % de la consommation de carburant. La tarification du stationnement en ville est aussi un bon outil de régulation. Kuzmyak et al. (2003) montrent ainsi qu’une augmentation de 10 % des prix de stationnement fait baisser de 1 à 3 % le nombre de déplacements en voiture selon les caractéristiques et les motifs de déplacement. Pour ce qui concerne le péage de régulation, l’exemple du péage au sein de la zone centrale de Londres (mis en place en 2003) démontre une certaine efficacité puisque le trafic automobile a été réduit de 38 % (Litman, 2003).

Sur le plan de l’efficacité économique et environnementale, toutes ces mesures vont dans le bon sens car il s’agit de faire supporter à l’usager tous les coûts qu’il génère, autrement dit, elles visent à se rapprocher de la tarification au coût marginal social menant théoriquement à une situation d’optimum économique.

Cependant, les mesures de régulation par les prix posent toujours des problèmes d’équité verticale et d’acceptabilité sociale à court terme qui dissuade la plupart du temps les autorités publiques d’agir. De plus, une solution par les prix est difficilement envisageable pour les ménages pauvres résidant en périphérie et dont le seul moyen de transport possible est la voiture particulière.