6.3 Les mesures relatives à la forme urbaine et à l’usage du sol

L’étude de liens entre la mobilité, les formes urbaines et l’usage du sol a suscité de nombreux travaux empiriques et théoriques, ainsi que de multiples réflexions d’ordre méthodologique (Handy, 1996 ; Crane, 1999 ; Ewing et Cervero, 2001 ; Aguiléra, Mignot, 2003 ; Ewing et al. 2003, 2007, Cao et al. 2008). Depuis les travaux de Newman et Kenworthy (1989), la question de la forme optimale de la ville conduisant à une mobilité durable est loin d’être tranchée, même si certains effets ont pu être mis en évidence ces dernières années. Nous nous contentons d’énumérer dans ce paragraphe certains effets de la forme urbaine sur la mobilité quotidienne. La question sera traitée en profondeur au cours du chapitre suivant.

La densité urbaine, considérée comme étant le nombre d’habitants ou d’emplois sur une surface donnée possède des effets positifs sur la durabilité de la mobilité dans le sens où elle pénalise l’usage de la voiture et favorise l’usage des modes alternatifs. Trois facteurs théoriques peuvent être mobilisés pour expliquer l’effet vertueux de la densité sur la mobilité (Litman, 2009, p. 11) :

Certains auteurs (Holtzclaw et al. 2002 ; Ewing et al. 2003 ; Kuzmyak et Pratt, 2003) ont réalisé une revue de la littérature des effets de la densité sur la mobilité. Les résultats montrent que la densité possède un effet sur les principaux indicateurs de mobilité (taux de motorisation, distances parcourues et parts modales). Quant aux valeurs des coefficients d’élasticité, ils sont très variables selon la méthode statistique employée et le nombre de facteurs pris en compte.

La diversité d’usage du sol est un autre facteur qui tend à produire une mobilité plus durable. Concrètement, cela se traduit par une plus grande mixité de la population et des activités économiques au sein d’un même lieu. Théoriquement, la mixité augmente les chances de trouver un commerce ou un emploi à proximité de son lieu de résidence. Si tel est le cas, les modes de transport correspondant à des déplacements de proximité seront davantage utilisés. Certains travaux (Frank et Pivo, 1994 ; Kockelman, 1996 ; Peng, 1997 ; Rajamani et al. 2003) montrent un effet négatif sur les distances parcourues en voiture et un effet positif sur les parts modales des modes doux.

La dimension de l’accessibilité est également pointée dans certains travaux, notamment en termes de proximité à l’emploi. L’appariement spatial joue un rôle important dans le choix du mode de transport et les distances parcourues pour les migrations domicile-travail (Mignot et al. 2007). Enfin, la forme urbaine peut aussi s’apprécier par le design urbain (Cervero, Kockelman, 1997). Ce dernier désigne par exemple, la présence de trottoirs, de pistes cyclables et de voies exclusivement piétonnes. Généralement, les modèles montrent que ces paramètres ont une influence moindre sur la mobilité quotidienne (Ewing, Cervero, 2001).

Si les bénéfices de la forme urbaine sur les comportements de mobilité et les émissions de gaz à effet de serre ont été globalement démontrés (Litman, 2009), il subsiste néanmoins plusieurs interrogations à ce sujet. D’un point de vue méthodologique, le principal défi reste de mesurer quelle est la part de la mobilité quotidienne expliquée par la forme urbaine. Beaucoup de travaux se contentent en effet d’établir des corrélations entre divers facteurs d’usage du sol et la mobilité sans contrôler efficacement d’autres variables explicatives de la mobilité, notamment les caractéristiques socio-économiques des ménages.

L’ensemble des travaux listés ci-dessus, bien qu’indiquant la pertinence de travailler au niveau des formes urbaines pour améliorer la durabilité de la mobilité, ne permettent pas encore de conclure sur la forme urbaine idéale (Charron, 2007).

Néanmoins, face à des lois de régulation par les prix, les avantages de mesures sur la forme urbaine et l’usage du sol sont doubles. D’une part, elles s’inscrivent sur le long terme et peuvent durablement réduire l’usage de la voiture particulière. D’autre part, ces mesures ne pénalisent pas les ménages les plus défavorisés, notamment ceux résidant dans les milieux périurbains, où l’offre en transports collectifs est quasiment nulle.