2.3.b Etalement urbain et croissance des revenus

Le lien suggéré par la théorie entre l’étalement urbain et la croissance du revenu des ménages nous rappelle que l’analyse des interactions unissant la forme urbaine aux coûts de transport ne peut se faire sans prendre en compte les caractéristiques socio-économiques des ménages.

L’accroissement du revenu net des coûts de transports des ménages engendré par l’augmentation du revenu entraîne une consommation plus importante du bien logement. La surface optimale occupée par les ménages augmente, ce qui a pour effet de diminuer la valeur absolue de la pente de la courbe d’enchère (cf. la condition de Muth). Comme les variations du gradient de rente et du gradient de densité vont dans le même sens, une baisse des revenus entraîne une baisse du gradient de densité sur l’ensemble de l’espace urbain. Il en résulte un aplatissement de la courbe des densités et un recul des limites de la ville. Cependant, ce raisonnement n’est valable que si le coût de transport reste inchangé. Or on a vu précédemment que les coûts de transport ne peuvent uniquement être appréhendés en termes monétaires mais qu’il est aussi nécessaire d’y intégrer la valeur du temps. Or la valeur du temps a tendance à augmenter avec le revenu. Tout dépend de la manière dont va évoluer le rapport entre les coûts marginaux de transport et la surface optimale occupée t’/q par les ménages (Boiteux, Huriot, 2002). L’évolution de la pente de la courbe de rente d’enchère dépend donc des élasticité-revenus des coûts unitaires de transport et de la surface occupée par le ménage (Papageorgiou, 1990). Si l’élasticité-revenu du coût de transport est supérieure à celle de la surface du logement, alors cela signifie que les ménages expriment une préférence pour l’accessibilité. La pente de la courbe d’enchère augmente et les ménages se relocalisent plus prés du centre. Dans le cas inverse, les ménages expriment une préférence pour l’espace occupé. La pente de la courbe d’enchère diminue et en vertu de l’équivalence entre gradient de rente et gradient de densité, la ville s’étale (Wheaton, 1977).

Certaines mesures gouvernementales entraînent une croissance indirecte des revenus lorsqu’on migre vers la périphérie : P.Y. (2000) observe que les politiques d’aide aux logements pour les ménages pauvres voulant accéder à la propriété peuvent être assimilées à un effet revenu favorisant l’étalement urbain. En effet, la plupart de ces mesures offrent des conditions tarifaires avantageuses en périphérie de l’espace urbain pour les ménages pauvres. Cependant, les ménages bénéficiant de facilités d’accession à la propriété en périphérie sont souvent obligés de se motoriser à cause de la perte d’accessibilité en transports collectifs associé à l’éloignement du centre. Ces ménages sont potentiellement vulnérables (Vanco, Verry, 2009) à l’augmentation des coûts de transports car ils ont déjà un taux d’effort important pour leurs dépenses de transport.