2.3.c Liens entre aménités et étalement

Nous avons précédemment évoqué les conséquences d’une augmentation de revenu sur l’étalement urbain. Ainsi, les valeurs des coefficients d’élasticité du revenu sur les coûts de transport et l’espace du logement jouaient un rôle décisif. Cependant, la valeur de ces coefficients diffère selon les pays. Aux Etats-Unis, les ménages expriment une certaine préférence pour l’espace alors que les ménages européens expriment une préférence pour la centralité. On explique cela par le fait que les centres villes des grandes agglomérations européennes sont généralement assez attractifs (prestige du lieu, forte dimension culturelle) alors qu’aux Etats-Unis, ils ont tendance à se paupériser.

On peut expliquer ce phénomène par la présence des aménités et de leur perception par l’habitant (Brueckner et al. 1999 ; Goffette-Nagot et al. 1999). Dans le cadre du modèle standard de la N.E.U, la présence d’aménités peut être introduite dans la fonction d’utilité des ménages par la fonction a(x) qui permet de prendre en compte la répartition des aménités dans l’espace urbain. Plus ces dernières sont nombreuses et plus l’utilité atteinte par les ménages est importante.

La condition de Muth (3) s’en trouve légèrement modifiée et prend la forme suivante :

Avec Va le rapport des utilités marginales des aménités et du bien composite.

L’effet de la présence d’aménités sur le phénomène d’étalement urbain va dépendre du signe de a’(x). Si les aménités sont situées au centre-ville (a’(x) < 0) alors la pente de la courbe de rente va avoir tendance à augmenter et les ménage choisiront une localisation plus centrale. En revanche, si les aménités sont situées en périphérie d’agglomération (a’(x) > 0), la pente de la courbe d’enchère diminue : les ménages se localisent en périphérie. On constate donc que la localisation des ménages dépend de la répartition des aménités au sein de l’espace urbain. Il existe cependant plusieurs types d’aménités renvoyant à des logiques de localisation différentes.

Brueckner et al. (1999) distinguent les aménités naturelles des aménités historiques. Les premières sont relatives aux caractéristiques topographiques incluant rivières, collines et présence d’un littoral. Les secondes sont relatives aux monuments, aux immeubles et autres bâtiments historiques, aux parcs et plus généralement à l’ensemble des infrastructures érigées par le passé et dont l’esthétique est appréciée des résidents. Ces deux types d’aménités caractérisent schématiquement ce que l’on peut retrouver au centre et à la périphérie d’une ville. Si les populations riches expriment une préférence pour les aménités historiques, elles se localiseront au centre. Leur présence va renforcer le développement d’aménités modernes (restaurants, cinémas, équipements culturels et sportifs) au détriment de la périphérie, ce qui va renforcer le phénomène de ségrégation. Cette dernière se manifeste généralement par le regroupement de populations homogènes (Tiebout, 1956). L’auteur montre comment la localisation de ménages possédant les mêmes préférences pour certaines aménités peut conduire à plusieurs espaces homogènes. Comme les ménages pauvres ont un pouvoir d’enchère plus faible sur le marché du foncier, ils ne peuvent se localiser qu’aux endroits où la présence d’aménités est moins importante. Le processus de ségrégation semble auto-entretenu par un comportement de « fuite face à la rouille » des classes aisées dans certains quartiers (Carlino, Mills, 1987). Ces derniers subissent une dégradation de leurs conditions économiques et sociales par le rôle des externalités foncières négatives (Kanemoto, 1980).