3.1 La densité, une notion polysémique

La densité urbaine est une notion assez large dans le domaine de l’urbanisme. Elle est souvent utilisée pour caractériser différents phénomènes urbains : la concentration des hommes et des activités, l’étalement urbain et l’organisation du bâti par exemple. Elle peut également être mesurée à différentes échelles (agglomération, commune, « Iris », « Ilots » au sens de l’INSEE). Elle renvoie donc à plusieurs concepts qu’il convient de préciser.

V. Fouchier (1997a) a donné à la notion de densité une vue synthétique dans le domaine de l’urbanisme. Il définit ainsi la densité de contenu et la densité de contenant. La première de ces notions renvoie au bâti alors que la seconde renvoie à la population, aux emplois et aux activités.

Dans le domaine de la planification et du droit de l’urbanisme, et notamment pour l’établissement des plans d’occupation des sols, le principal outil utilisé par les urbanistes est le coefficient d’occupation des sols (C.O.S) dont le code de l’urbanisme précise qu’il « détermine la densité de construction admise et exprime le rapport du nombre de mètres carrés de plancher hors œuvre nette ou le nombre de mètres cubes susceptibles d'être construits par mètre carré de sol. »

C’est le principal outil utilisé pour établir, selon les territoires, la densité de construction. Les C.O.S sont généralement plus élevés au centre-ville car l’on doit répondre à une double contrainte de rareté du sol et d’une population importante. En revanche, ils sont moins élevés en périphérie, où l’espace est beaucoup plus abondant. Cependant, un même C.O.S peut renvoyer à des réalités totalement différentes : on peut avoir une même densité bâtie, mais des formes urbaines et des densités de population très différentes.

Illustration III-2 : différentes formes urbaines pour une densité bâtie équivalente
Illustration III-2 : différentes formes urbaines pour une densité bâtie équivalente

Source : Fouchier, 1997a

L’illustration III-2 montre ainsi que pour un même C.O.S, on peut avoir non seulement une densité résidentielle brute différente mais également une forme urbaine différente. Ainsi, l’intérêt du C.O.S pour l’étude de la densité présente donc des limites et c’est pourquoi il est préférable d’opter pour la densité en termes de contenu, critère plus pertinent pour procéder à une étude sur la densité et ses relations avec les coûts de la mobilité. La mesure de cette densité peut se faire suivant plusieurs contenus : le nombre d’habitants, d’emplois, d’établissements, etc. Dans une perspective d’étude sur la mobilité et ses coûts, il convient de ne pas se limiter à la population. En effet, la population ne rend pas totalement compte de l’intensité d’usage d’un sol. Un bon indicateur de densité dans une perspective d’étude sur la mobilité est par exemple la densité humaine brute, c’est-à-dire le nombre d’emplois et d’habitants rapporté à la surface de la zone. Cet indicateur permet de s’affranchir des effets de zonages (Fouchier, 1997a). Il faut néanmoins distinguer les densités brutes des densités nettes. Selon V. Fouchier, « la densité nette prend en compte l’ensemble des surfaces uniquement occupées par une affectation donnée ». La densité brute, quant à elle, prend en compte l’espace intégralement, sans exclusion.

Face à ces critères quantitatifs de la densité, on oppose généralement la notion relative de densité perçue. Selon V. Fouchier (1997a), on peut subdiviser cette notion en deux, à savoir la densité perçue non sociale qui se rapporte à la vision subjective qu’ont les individus de leur environnement bâti et la densité perçue sociale qui se rapporte davantage à la présence d’un grand nombre d’individus dans un lieu donné. Nous faisons cependant l’hypothèse que la perception des densités n’influe pas sur les comportements de mobilité et nous nous focalisons essentiellement sur des critères objectifs de mesure de la densité.

Nous nous situons, dans la suite de notre travail, selon les propres termes de la classification opérée par V. Fouchier (Tableau III-3), dans la vision du géographe et du transporteur, en employant un critère de densité à une échelle plus ou moins fine (concrètement, il s’agira des secteurs et zones fines de tirage de l’enquête ménages de Lyon) en prenant la surface brute et en retenant comme critère quantitatif le contenu. L’indicateur qui correspond le mieux à cette description est la densité humaine brute.

Tableau III-3 : différentes visions de la densité suivant le domaine professionnel
  échelle surface critère
professions interne micro macro nette brute contenant contenu
psychologue X     X     X
architecte X X   X   X  
promoteur   X   X   X  
instructeur PC   X   X   X  
urbaniste ZAC   X     X X X
planificateur SD     X   X X X
géographe     X   X   X
transporteur     X   X   X

Source : Fouchier, 1997a