3.2 La thèse de P. Newman et J. Kenworthy : la densité produit une mobilité plus durable

En 1989, dans leur ouvrage « Cities and automobile dependence », Newman et Kenworthy utilisent une vaste base de données sur 32 villes mondiales d’Amérique, d’Australie, d’Europe et d’Asie. Le but de leur étude est d’établir des relations entre la densité urbaine (population et emploi) et certaines variables d’offre et de demande de mobilité. En particulier, ils se penchent sur les variables permettant de mesurer le degré de dépendance d’une ville à l’automobile. Les auteurs examinent ainsi l’influence de la densité urbaine sur les caractéristiques de la mobilité urbaine des personnes, l’offre de stationnement, le réseau routier, l’offre du système de transports collectif, les revenus et enfin la consommation d’énergie par tête dans les transports. Afin de remédier à d’inévitables problèmes de comparabilité entre les villes, Newman et Kenworthy adoptent les mêmes coefficients d’élasticité de consommation de carburant par rapport au prix et au revenu (ceux des Etats Unis) pour tous les pays de leur base de donnée. Ils réajustent également les valeurs d’efficacité énergétique des véhicules pour chaque pays car celles-ci différent grandement d’un pays à l’autre.

Les résultats de cette étude conduisent les auteurs à proposer une classification des villes en quatre types, allant des plus consommatrices en énergie au moins consommatrices, avec dans l’ordre les villes américaines (villes peu denses et très étalées), les villes australiennes, les villes européennes et enfin les villes asiatiques (villes denses et peu étalées).

Illustration III-3 : densité résidentielle brutes en fonction de la consommation d’énergie par tête
Illustration III-3 : densité résidentielle brutes en fonction de la consommation d’énergie par tête

Source : Newman et Kenworthy, 1989

L’innovation majeure de Newman et Kenworthy est qu’ils mettent directement en relation les facteurs d’usages du sol (ici la densité de population et des emplois) et la consommation d’énergie par tête dans les transports. Les villes étalées, fortement polluantes et consommatrices d’énergie sont opposées aux villes compactes, érigées en modèle idéal de la ville aux transports durables. L’illustration III-3 montre que les villes à faibles densités (essentiellement australiennes et américaines) consomment quatre à huit fois plus d’énergie par personne dans les transports que les villes à fortes densités (européennes et asiatiques).

Pour les auteurs, la conclusion est claire : la ville compacte, caractérisée par sa forte densité urbaine et son faible étalement, favorise l’émergence d’un système de transports durable. À l’inverse, les villes étalées et à faibles densités, en recourant à l’usage massive de la voiture ont un système de transports coûteux et polluant.

Les auteurs définissent la dépendance automobile d’une ville par un fort degré d’étalement, une faible place laissée aux modes de transport alternatifs à la voiture, une faible centralité et la mauvaise performance du réseau de transport collectif. L’originalité du concept de dépendance automobile employé par Newman et Kenworthy ne réside pas dans le fait qu’il soit nouveau mais plutôt qu’il s’applique non pas à des caractéristiques individuelles (les ménages) mais plutôt à des caractéristiques macroéconomiques et même morphologiques de la ville (degré d’étalement urbain, densité de population et d’emplois, offre de transports collectifs). Selon eux, la forte place de l’automobile dans les transports est responsable de la dégradation progressive de l’environnement et d’une consommation excessive d’énergie. Il en résulte une forte pollution ainsi que tout un ensemble de nuisances liées à l’automobile. Les auteurs mettent en cause, sans qu’un lien de causalité soit formellement établi, la structure urbaine étalée et peu dense de certaines agglomérations. La forme urbaine peu dense est selon eux inefficace sur le plan environnemental, économique et social.

Conformément à leurs conclusions, Newman et Kenworthy préconisent d’agir conjointement sur la forme urbaine et le système de transports urbain pour diminuer la forte place de l’automobile dans les transports. Leurs recommandations sont les suivantes :