(i) Acceptabilité : le marché et ses préférences, la compacification et ses contraintes

Les opposants à la ville compacte ont en général deux types d’arguments (Breheny, 1996). D’une part, il vaut mieux laisser le marché s’autoréguler et trouver la forme urbaine optimale plutôt que d’intervenir sur le développement urbain. D’autre part, le phénomène d’étalement urbain est de toute façon le résultat de la satisfaction individuelle des ménages (préférences pour les logements spacieux et les aménités naturelles). En revanche, les partisans de la ville compacte soulignent les dangers liés à l’aggravation de l’effet de serre, de la pollution à l’échelle locale et de la destruction progressive des espaces naturels et des écosystèmes.

Pour Gordon et Richardson (1989, 1997) l’intervention de l’Etat en matière de planification urbaine afin de limiter l’étalement urbain est inutile. Ils soutiennent que l’étalement urbain est une conséquence naturelle du marché et de la préférence individuelle des ménages. Les auteurs vont même plus loin en affirmant que l’étalement urbain favorise les courtes distances de déplacement domicile-travail et réduit les temps de déplacement. En effet, les emplois, en se décentralisant se rapprochent de la population située en périphérie (hypothèse de localisation conjointe). A terme, le mécanisme naturel du marché conduit à des villes polycentriques dominées par des échanges non radiaux. Ces hypothèses sont confirmées par certains travaux portant sur les temps (et non les distances) de déplacement domicile-travail (Levinson et Kumar, 1994 ; Spence et Frost, 1995). De plus, cela permet de décongestionner les voies radiales dirigées vers le centre-ville (Gordon, Richardson, 1997). Gordon et Richardson (1997) montrent également que les fortes subventions accordées aux transports collectifs par les autorités américaines (qu’ils estiment de 30 à 50 fois supérieures à celles accordées à la voiture – par véhicule-kilomètre en 1991) n’empêchent pas la forte suburbanisation de la population. D’une manière plus générale, les auteurs soulignent qu’il est difficile d’aller à l’encontre de la préférence des ménages pour un habitat spacieux à proximité des espaces naturels.

Plusieurs travaux pointent les réticences des promoteurs immobiliers et des ménages manifestant une préférence pour les espaces périphériques. Breheny (1995) mentionne par exemple la forte réticence des promoteurs immobiliers à investir dans des zones « à l’intérieur » de la ville sauf si ces opérations, moins rentables, sont subventionnées. Breheny (1997) fait état d’une enquête réalisée en Angleterre en 1992 et exploitée par Hedges et Clemens (1994). L’enquête a pour objet de mesurer la satisfaction des ménages pour leur habitat privé et leur environnement. Les résultats montrent que plus les ménages sont situés dans des zones à forte densité, moins ils sont satisfaits de leur logement. On constate également de fortes différences en fonction du cycle de vie. Ainsi, les couples jeunes et les familles sont fortement attirés par un logement spacieux bénéficiant d’un environnement calme et naturel. Cette préférence est un peu moins prononcée pour les personnes vivant seules. Certaines catégories de ménages expriment donc une forte préférence pour l’habitat en périphérie.

Pour Burton et al. (1996), il serait d’ailleurs naïf de penser que ces ménages désirent retourner dans les zones centrales, tant ces dernières ont été stigmatisées par l’insécurité et la pauvreté. Pour les auteurs, les ménages sont en réalité attirés par les aménités peu accessibles en centre-ville : grands espaces verts, terrains de sport et espaces de jeu… En outre, ils expriment une certaine aversion pour la proximité, illustrée par le syndrome NIMBY (not in my back yard : « pas dans mon jardin »). Néanmoins, si cela est particulièrement vrai aux Etats-Unis, ces propos sont à relativiser en France où les zones centrales ont toujours gardé une certaine attractivité.