3.5.c Quelques exemples de politiques de densification 

Nous discutons ici de l’acceptabilité et de la faisabilité d’une politique de densification aux travers de deux exemples : l’Angleterre et les Pays Bas (Roussel, Theys et al. 2001).

(i) La Planning Policy Guidance (P.P.G, volet 13) au Royaume-Uni

A la suite de leurs travaux, Newman et Kenworthy (1989) ont proposé de modifier les politiques actuelles d’usage du sol, notamment par la ré-urbanisation de la ville et une densification de la population et des activités sur le territoire déjà urbanisé. En outre, ils ont appelé à l’arrêt de l’urbanisation des zones rurales puisque cette dernière favorisait l’étalement urbain. Le livre vert sur l’environnement urbain de l’Union Européenne en 1990 a également prôné la densification et le rapprochement des populations et emplois, et l’arrêt de l’expansion non contrôlée des aires urbaines. Les principaux intérêts d’une urbanisation à haute densité selon ce livre vert sont d’importants gains au niveau de l’environnement et de la qualité de vie. Il oppose le mode de vie périurbain, caractérisé selon lui par l’absence de vie « en communauté », de services publics et par une certaine monotonie, au mode de vie urbain moins ennuyeux, plus varié et plus riche culturellement. En 1992, au sommet de la terre à Rio, il est fait mention du modèle de la ville compacte comme un des principaux objectifs environnementaux.

La politique de compacification en Angleterre a été motivée par plusieurs études ayant montré un lien entre la densité urbaine et les économies d’énergie dans les transports.

En 1991, les données du recensement britanniques ont montré une forte tendance à l’augmentation des surfaces urbanisées (bien supérieure à l’augmentation de la population) ainsi qu’une dévitalisation des centres villes (Breheny, 1992). En 1992, l’Angleterre signe la convention sur le changement climatique imposant de réduire les émissions de CO2 en 2000 au niveau de celui des années 1990. Une étude commandée par le ministère des transports et de l’environnement intitulée « réduire les émissions de transport par l’urbanisme » (1993) montre que les émissions globales de CO2 ont diminué de 13 % entre 1979 et 1989 mais dans le même temps, les émissions dues aux transports ont augmenté de 33 %. Même si les progrès technologiques ont pu faire baisser les émissions unitaires de CO2 par véhicule-kilomètre, la très forte augmentation des distances parcourues dans les transports (+ 52 % en 10 ans) a causé une forte augmentation des émissions. Une étude du Travel National Survey (1986) montre une corrélation négative entre le nombre d’habitants et la distance parcourue par personne.

L’ensemble de ces faits motive les acteurs politiques pour mettre en place une politique d’urbanisme permettant de réduire les émissions dans les transports. Le potentiel est sensé être prometteur : Owens (1991) estime ainsi qu’une réorganisation de la ville permettrait de réduire la demande en énergie de 150 %. La Planning Policy Guidance (n°13) est mise en place en 1994. Les principaux objectifs de cette directive sont de réduire la croissance de la longueur des déplacements motorisés et la dépendance à l’automobile en favorisant l’offre de transports alternatifs ayant un faible impact environnemental. Les mesures adoptées pour réaliser ces objectifs passent notamment par une meilleure localisation des activités et des importants générateurs de déplacements à proximité des zones d’offre de transports collectifs, un accès amélioré aux principaux services par le vélo et la marche à pieds, et une forte limitation de l’offre de stationnement en centre-ville.

Cette directive d’aménagement, sensée s’imposer aux collectivités locales, va se heurter à certaines difficultés de mise en œuvre. Breheny (1997) s’interroge notamment sur la faisabilité et l’efficacité de cette politique de compacification. L’auteur effectue une enquête auprès des acteurs locaux afin vérifier si l’application de la directive est bien effective. Seule 27 % des districts ont modifié leur politique d’urbanisme sous l’impulsion de la PPG 13 et 5 % ont effectivement modifié leurs normes de densité. M. Breheny conclut donc à un relatif désintérêt de la PPG 13. En effet, cette directive d’aménagement doit faire face à des réticences telles que le risque d’atteinte à la qualité des quartiers. Outre les craintes émises par les acteurs locaux, on peut s’interroger sur l’acceptabilité des citoyens à de telles mesures, alors que l’on sait que les ménages expriment généralement une forte préférence individuelle pour l’espace.

Pour conclure, l’échec relatif de la PPG 13 résulte surtout d’un manque de coopération entre le gouvernement et les institutions locales, plus soucieuses de préserver les intérêts de leurs habitants et de leurs entreprises pour conserver leurs recettes fiscales.

La Norvège a également entamé une démarche similaire à celle de la P.P.G 13 dés 1993. En effet, les travaux de P. Naess, mentionnée plus haut, ont montré qu’une plus forte densité à l’échelle des villes et des quartiers permettait une réduction de la consommation d’énergie due aux transports. L’auteur en conclut qu’une organisation multipolaire de la ville est la plus efficiente en termes énergétiques. Le gouvernement norvégien publiera ainsi plusieurs directives d’aménagement adressées aux collectivités locales en vue d’une meilleure planification conjointe des transports et de l’urbanisme, en passant notamment par des mesures de densification.