4.2.a L’auto-organisation

Le processus d’auto-organisation (Krugman, 1996) est particulièrement bien adapté pour expliquer les phénomènes d’agglomération. Il est caractérisé par trois éléments (Huriot et al. 2003, p.21) :

  • l’interaction entre plusieurs éléments du système ;
  • un processus cumulatif d’auto-renforcement ;
  • un processus auto-limitatif qui vient contrecarrer le processus d’auto-renforcement.

Plus concrètement, dans le cas de l’économie géographique, les éléments du système sont constitués d’agents économiques rationnels. Ces derniers échangent des biens et des services, chacun poursuivant un objectif de maximisation de son utilité individuelle. L’ensemble de ces agents est soumis à un processus d’auto-renforcement que l’on peut identifier aux économies d’agglomération.

Une externalité est un phénomène extérieur à l’entreprise qui va modifier sa fonction de production (Gaschet, Aguiléra, 2005). Les externalités peuvent être distinguées en deux catégories : les économies de localisation et les économies d’urbanisation (Hoover, 1937). Les économies de localisation  sont des gains de productivité propres à une industrie du fait de sa proximité avec d’autres firmes industrielles du même secteur (Anas et al. 1998 ; Gaschet, Aguiléra, 2005). Il en résulte des effets bénéfiques comme les rendements croissants, le partage des frais fixes, la réduction des coûts d’interaction spatiale et les échanges plus nombreux (Chausse, Bouf, 1994). Les économies d’urbanisation sont des gains de productivité dus à l’agrégation d’un ensemble d’industries sur une espace donné. Elles sont donc de nature extra-sectorielle et indiquent une préférence pour la variété. Elles se considèrent à l’échelle de la région urbaine : multiplication des échanges et réduction des coûts d’accessibilité, proximité des biens publics nombreux (Chausse, Bouf, 1994). On parle également d’externalités technologiques pour souligner l’importance des échanges d’informations et des contacts professionnels (externalité informationnelle) et d’externalités pécuniaires que l’on peut assimiler à des économies de localisation. Ces différents avantages (préférence pour la diversité, échanges informationnels nombreux, contacts avec les fournisseurs et les clients) expliquent pourquoi les entreprises ont tendance à se regrouper.

Mais ces agents sont également soumis à un processus auto-limitatif représenté par les externalités négatives liées à l’agglomération. Ce peut être la congestion, la pollution ou encore les coûts du foncier trop importants. Dans le cas de la croissance urbaine, une ville aura tendance à s’étendre tant que les avantages marginaux liés à l’agglomération sont supérieurs aux coûts marginaux liés à cette même agglomération. A l’équilibre, la ville aura atteint sa taille optimale et au-delà, elle aura tendance à éclater en une ville multipolaire. Parmi les modèles décrivant la formation endogène des centres secondaires, certains se focalisent sur les externalités technologiques comme force d’agglomération et sur les coûts de transports des travailleurs comme force de dispersion (Fujita, Ogawa, 1982 ; Imai, 1982 ; Ogawa, Fujita, 1989 ; Ota, Fujita, 1993). D’autres modèles basés sur la concurrence monopolistique mettent l’accent sur les interactions de marché et sur les coûts de transports des marchandises (Fujita, Krugman, 1995). Enfin, certains modèles font appel à l’intervention d’un macro-agent (promoteur, collectivité locale), lequel est en mesure de faire des choix collectifs permettant la localisation simultanée d’un grand nombre d’agents individuels (Henderson, Mitra, 1996).