4.2.c Pôles spécialisés ou diversifiés ?

La nature d’un pôle secondaire dépend essentiellement de la nature des externalités en jeu lors du processus d’agglomération. Si ces dernières sont externes aux firmes et aux secteurs d’activités (économie d’urbanisation), alors les agglomérations formées seront diversifiées. Si les externalités sont internes à un secteur donné, le pôle formé sera spécialisé.

C. Lacour (1996) parlera de forme monocentrique dérivée pour qualifier le développement de sous-centres spécialisés en périphérie d’une l’agglomération qui font essentiellement intervenir des économies de localisation. Une autre forme possible pour ce type d’externalité est la forme polycentrique monofonctionnelle. En revanche, dès lors que les économies d’urbanisation entrent en œuvre, les centre secondaires se diversifient et concurrencent directement le centre. On parlera alors de polycentrisme polyfonctionnel.

Ces observations n’expliquent toutefois pas pourquoi certaines firmes scindent leurs activités pour en localiser une partie au centre et une autre en périphérie d’agglomération. Cette dissociation spatiale des activités peut s’expliquer par une distinction sur le type d’information échangé au sein de l’entreprise : il s’agit des informations tacites et des informations codifiées (Baumont et al. 1998). Dans une firme, les activités de conception et de décisions (front office) nécessitent des échanges face-à-face tandis que les activités d’exécution (back office) peuvent se contenter d’échanges codifiés par le moyen de contacts téléphoniques ou d’internet. Ota et Fujita (1993) formalisent cette distinction dans le cadre d’un modèle de formation endogène des centres secondaires. Chaque firme est constituée d’une unité centrale et d’une unité périphérique. Le but de la firme est de maximiser son profit en localisant au mieux ses activités de conception et de production. La modélisation conduit à onze équilibres différents issus d’une combinaison particulière de la valeur de coûts de transports des ménages, des coûts de communication entre les firmes et à l’intérieur des firmes. Ces configurations montrent bien les rôles de la baisse des coûts de transport et des coûts de communication dans la séparation fonctionnelle des espaces. Plus les coûts de migration domicile-travail sont faibles et plus les firmes se séparent des ménages. De même, la baisse des coûts de communication intra-firme (internet, échanges téléphoniques) tend à séparer les fonctions de décision des fonctions d’exécution en regroupant les premières au centre et en délocalisant les secondes en périphérie. Le même raisonnement peut être mené en distinguant les secteurs d’activités ayant des activités standardisées d’autres secteurs plus sensibles aux externalités informationnelles. On peut ainsi expliquer pourquoi les services aux entreprises ont une localisation plus centrale que les industries (Boiteux, Huriot, 2002).