4.5.a Effets sur les distances parcourues

Les résultats portant sur l’influence de la présence d’un ou plusieurs pôles sur les distances de déplacement sont mitigés : même si l’on constate généralement des déplacements plus courts dans les pôles périphériques, c’est aussi là où ils croissent le plus.

Cervero et Wu (1998) ont identifié au sein de l’aire métropolitaine de San Francisco les différentes polarités à l’aide des différents gradients de densité observés sur l’espace urbain. Les auteurs s’intéressent ensuite à l’étude de la mobilité au travail en direction des différents pôles et de leurs évolutions entre 1980 et 1990. A une date donnée, les longueurs et temps de déplacement sont plus courts pour les petits pôles suburbains éloignés du CBD. Ce dernier présente les temps et les distances de déplacement les plus élevés. Ces résultats pourraient donc conforter l’hypothèse de localisation conjointe emploi-habitats. Cependant, les évolutions observées entre 1980 et 1990 montrent que les distances moyennes de déplacement (+27 %) et les temps moyens de déplacement (+24 %) vers les pôles suburbains ont augmenté beaucoup plus fortement que ceux orientés vers le centre-ville (respectivement +9 % et +1 %). Les pôles secondaires historiques et proches du centre présentent en coupe transversale des distances et des temps de déplacement plus importants que les pôles dont le développement est plus récent (Silicon Valley par exemple). Cependant, comme pour les pôles suburbains, les évolutions montrent une forte augmentation entre 1980 et 1990. Même si l’émergence de polarités secondaires peut pour un temps limiter la croissance des déplacements en périphérie, leur aire d’attraction s’accroit dans le temps, ce qui s’accompagne d’un allongement des distances de déplacement.

Schwanen et al. (2001) examinent l’influence des polarités et du type de système urbain sur les distances de déplacement domicile-travail. Les auteurs empruntent à Van der Laan (1998) une classification urbaine à l’échelle nationale. Les systèmes urbains se distinguent selon la géographie de leurs migrations alternantes :

  • centrale : les travailleurs des banlieues ont leur emploi localisé au centre ;
  • décentralisé : les travailleurs du centre et de la banlieue sont majoritairement attirés par la banlieue ;
  • cross commuting : les travailleurs du centre travaillent au centre et ceux de la banlieue dans la banlieue (localisation conjointe) ;
  • exchange-commuting : ceux du centre travaillent dans la banlieue et inversement (spatial mismatch).

Ils utilisent en outre l’enquête ménages nationale des Pays-Bas pour les données de mobilité. Plusieurs régressions expliquant les distances parcourues pour les déplacements liés au travail par mode de déplacement sont menées. Les variables explicatives comprennent certaines caractéristiques socio-économiques du ménage dont notamment le revenu et le taux de motorisation, puis une variable caractérisant la forme urbaine de la zone de résidence. L’avantage de ces travaux est de contrôler un certain nombre de paramètres individuels fortement explicatifs de la mobilité. Cette étude montre que la forme urbaine polycentrique avec des pôles secondaires indépendants du centre (configuration Cross Commuting) diminue significativement les distances de déplacement en voiture. Les auteurs concluent qu’une politique forte d’aménagement urbain peut limiter l’explosion des distances de déplacement.

Plus récemment, Parolin (2007) a montré au travers une étude sur l’aire métropolitaine de Sydney que les distances de déplacement domicile-travail en direction des pôles périphériques sont plus importantes que celles en direction du centre. En outre, leur progression a été plus importante entre 1980 et 2001 dans les pôles périphériques que dans le centre-ville.

En France, Mignot et al. (2007) ont étudié les évolutions des migrations alternantes dans différents pôles identifiés au sein des trois plus grandes aires urbaines de province (Lille, Lyon et Marseille). Les principaux résultats de cette étude montrent globalement une baisse du nombre d’actifs stables dans les pôles, une croissance des aires de recrutement des pôles et par conséquent, entre 1975 et 1999, une forte croissance des distances moyennes domicile-travail. Les auteurs soulignent toutefois que l’on peut limiter les effets négatifs de l’étalement en l’organisant : une forme urbaine polycentrique, dont les centres secondaires sont proches du centre, et bien reliés par des lignes de transports en commun peuvent produire des distances au travail plus courtes et surtout réduire l’usage de la voiture sur les axes les plus chargés.

En définitive, il est difficile de répondre à la problématique des effets du polycentrisme sur la mobilité (Charron, 2007), et en particulier sur l’effet de « rétention » des pôles. Ces travaux soulignent l’intérêt d’une étude plus approfondie sur la nature des pôles, et notamment les types d’activités économiques qu’ils contiennent.