5.1.d Les modèles avec prise en compte de l’ambigüité du lien causal entre forme urbaine et mobilité

Ces modèles sont les plus aboutis. L’ambigüité du lien causal entre forme urbaine et mobilité (Pouyanne, 2004 ; Appert, 2005), et le phénomène d’auto-sélection ont pour conséquence d’entraîner dans les modèles une corrélation entre certaines variables explicatives et le terme d’erreur du modèle (Cao et al. 2008). Généralement, les travaux portant sur les liens entre forme urbaine et comportements de mobilité estiment une équation du type (Cao et al. 2008, p. 5-6) :

Avec CM l’ensemble des variables de comportement de mobilité, FU, l’ensemble des variables caractérisant la forme urbaine, X les caractéristiques sociodémographiques des individus et ε l’erreur du modèle. Le problème de corrélation entre la variable explicative et l’erreur (ici entre FU et ε) peut survenir lorsqu’une variable explicative (FU) peut aussi être fonction de la variable à expliquer (CM). Dans ce cas, il est possible d’écrire formellement deux équations pour le modèle :

Où Y et Z sont des ensembles de variables explicatives spécifiques aux comportements de mobilité (CM) et à la forme urbaine (FU) et ε1 et ε2, les erreurs de chacun des modèles. Comme dans l’équation (2) FU est une fonction de CM, alors FU est bien corrélée à ε1 dans l’équation (1). On est dans ce cas de figure lorsque, par exemple, un étudiant non motorisé cherche à se loger au sein d’une grande agglomération. Comme il ne dispose pas de véhicule (cause), il cherchera à se localiser plus au centre (conséquence) de l’agglomération pour pouvoir profiter des avantages de la proximité. Ici, le sens de la causalité est inversé, induisant une corrélation entre la variable explicative et l’erreur dans le modèle (1).

Il est également possible d’invoquer la préférence des individus pour un certain mode de transport donné (auto-sélection). Le problème ne consiste pas en une inversion de la causalité mais plutôt en l’omission de variables explicatives de la mobilité des individus (ici leur préférence pour un mode de transport). En fait, les préférences d’un individu pour un mode de transport donné vont guider son choix de localisation, et donc influencer les caractéristiques de sa forme urbaine de résidence. Formellement on peut écrire :

Où PI représente l’ensemble des variables décrivant les préférences d’un individu sur la manière de se déplacer. Cette équation montre que la forme urbaine de résidence est fonction des préférences des individus. Ces dernières sont aussi contenues dans le terme d’erreur car elles ne sont pas prises en compte dans le modèle (3). On a bien un problème de corrélation entre FU et ε.

Il existe différentes techniques économétriques pour s’affranchir de la corrélation entre la variable explicative et le terme d’erreur. Cela va du simple contrôle statistique (Kitamura et al. 1997 ; Chatman, 2005 ; Schwanen et Mokhtarian, 2005 ; Cao et al. 2006 ; Frank et al. 2007) à l’emploi de techniques plus sophistiquées comme l’emploi de variables instrumentales (Boarnet, Sarmiento, 1998 ; Greenwald, Boarnet, 2001 ; Vance et Hedel, 2007).

Les travaux portant sur les conséquences de la forme urbaine sur la mobilité des ménages peuvent donc être distingués selon qu’ils prennent en compte ou non un ou plusieurs aspects de la forme urbaine, les caractéristiques socio-économiques des individus, leurs préférences et l’ambigüité du lien causal unissant les deux phénomènes. En outre, ces travaux diffèrent en fonction de l’échelle d’observation (étude agrégée lorsque l’échelle d’observation se situe au niveau d’un secteur géographique, et étude désagrégée lorsqu’on observe les ménages ou les individus). Quels sont les principaux résultats issus des ces études ?