5.2.a Etudes descriptives

Ces travaux consistent à étudier le lien entre un facteur quantitatif de la forme urbaine et la mobilité. Ils ont déjà été abordés avec la question de la densité, nous n’y reviendrons pas. Il existe cependant dans le domaine des études descriptives d’autres travaux portant sur les liens entre l’environnement urbain et la mobilité. L’environnement urbain représente une variable synthétique combinant plusieurs effets. Il peut être classifié de différentes manières : contemporain ou traditionnel, orienté vers l’usage de la voiture ou des modes doux, urbain ou suburbain (Ewing et Cervero, 2001). Il s’agit plus d’une mesure subjective et qualitative, renvoyant à une typologie de la forme urbaine.

Généralement, les études agrégées entrant dans cette catégorie n’effectuent pas de contrôle statistique par rapport aux variables socio-économiques car souvent, le nombre d’unités statistiques de l’échantillon est trop faible. Notons tout de même que d’une manière générale, les auteurs constatent l’existence d’une mobilité plus durable au sein des environnements urbains centraux, traditionnels et disposant d’aménagement pour les modes doux (Friedman et al. 1994 ; Cervero et Gorham, 1995). Plus précisément, les déplacements sont moins longs (en distance), moins nombreux et plus en faveur des modes doux. A l’inverse, une étude semblable aux précédentes menée par Kulkarni et McNally (1997) sur le comté d’Orange ne parvient à aucun résultat concluant sur les parts modales.

Les études désagrégées ont pour unité d’études statistiques les ménages ou les personnes. Les bases de données utilisées permettent d’effectuer un contrôle statistique par rapport aux variables socio-économiques. Ewing et al. (1994) isolent six communautés différentes au sein du comté de Palm Beach. Les auteurs examinent alors la mobilité de 163 ménages au sein de ces six zones. Ces dernières sont caractérisées selon leur localisation au sein de la métropole : par exemple au centre-ville historique, une zone est qualifiée de traditionnelle si elle est construite avant les années 50 et se caractérise par une forte densité et de nombreuses zones piétonnes. A l’inverse, une zone située en périphérie lointaine est considérée comme étant « orientée vers l’automobile » car l’environnement est peu dense et non accessible aux transports collectifs. En effectuant une analyse de variance sur ces 163 ménages et en contrôlant par rapport à leurs revenus, les auteurs montrent que les temps de déplacement sont plus courts dans les zones urbaines « traditionnelles ».

Handy (1995) effectue une étude similaire sur 389 personnes de l’aire métropolitaine de San Francisco. Une analyse de variance est menée en contrôlant la taille du ménage de ces personnes ainsi que leur catégorie socioprofessionnelle. L’auteur montre que la part modale de la marche à pieds est plus importante dans les centres urbains traditionnels.

En exploitant les mêmes données que S. Handy (1995), Cervero et Radisch (1996) utilisent un modèle logit afin d’examiner l’influence de l’environnement urbain sur la part modale d’environ 900 personnes. Les revenus, la taille et le taux de motorisation des ménages correspondant sont contrôlés. Les auteurs montrent que l’usage des transports en commun est plus important pour les déplacements domicile-travail, et que l’usage des modes doux est plus important pour les autres motifs dans les centres urbains traditionnels. Les résultats sont ici plus solides car les auteurs contrôlent des variables socio-économiques et utilisent un modèle de choix modal : ils considèrent les variables d’environnement urbain comme des composantes de l’utilité du mode de transport et se basent donc sur un cadre conceptuel plus solide (le sens de la causalité est ici mieux justifié).

Bagley et Mokhtarian (2002) ont cependant montré sur l’aire urbaine de San Francisco (enquête sur 515 ménages) que lorsque davantage de paramètres socio-économiques étaient pris en compte, le fait de résider dans un environnement urbain « traditionnel », ou suburbain, n’influait plus sur les pratiques de mobilité. Il est donc nécessaire de recourir à des mesures plus précises de la forme urbaine de résidence du ménage.

Ces résultats apparemment contradictoires sont surtout liés à des biais de méthode. Souvent, les critères ne sont pas les mêmes pour classifier les environnements urbains en différentes catégories. De plus, ces typologies grossières engendrent une grande perte d’information sur tout ce qui peut caractériser l’usage du sol. Il est impossible par exemple d’évaluer l’effet de l’accessibilité ou de la mixité sur la mobilité sur la base de ces travaux.