2.2 Reconstitution des revenus de l’enquête ménages de Lyon (2006)

L’enquête ménages déplacements de Lyon (2006), conformément à la méthodologie actualisée du CERTU (2005), ne fournit que des renseignements sur des tranches de revenus des ménages (6 tranches contre 10 avant 2005). La question posée à la personne du ménage le jour de l’enquête sur les revenus du ménage est la suivante : « Pouvez-vous nous indiquer dans quelle tranche se situe le montant des revenus annuels nets de votre ménage, (y compris primes, 13 ème mois, revenus annexes, prestations sociales…) ». Le niveau de précision est donc assez faible. De plus, l’enquêteur ne pose pas plusieurs questions correspondant au montant de chaque type de revenus. Il est fortement probable que la personne déclare uniquement les revenus qu’elle « perçoit » du ménage, c’est-à-dire seulement les revenus d’activité et les revenus de retraite. En outre, le taux de non réponses sur l’ensemble de l’enquête est bien plus important que l’enquête précédente (30 % contre 15 % en 1995). Il a donc été nécessaire d’effectuer un traitement particulier afin de monétariser les revenus déclarés en tranche et de reconstituer des revenus pour les ménages non répondants. Cette procédure s’est réalisée en quatre étapes.

Dans un premier temps, afin d’attribuer à chaque ménage un revenu monétaire, nous avons supposé qu’il existait une répartition théorique à l’intérieur de chaque tranche de revenus. Nous avons par la suite tracé la courbe de répartition cumulée des ménages et déterminé théoriquement le pourcentage de ménages situé au dessus et en dessous du milieu de la tranche en fonction de la pente du segment de droite reliant deux tranches de revenus (Claisse et al. 2000 ; graphique IV-1) :

Graphique IV-1 : distribution cumulée des revenus des ménages déclarants de l’enquête ménages de Lyon (2006)
Graphique IV-1 : distribution cumulée des revenus des ménages déclarants de l’enquête ménages de Lyon (2006)

Source : traitement de l’auteur à partir de l’E.M.D 2006 et inspirée de la méthodologie développée par Claisse et al. 2000

Concrètement, plus la pente est faible, et plus la distribution est tirée vers le bas puis inversement, plus la pente est forte et plus la distribution est tirée vers le haut. Par exemple, pour les très hauts revenus, la probabilité d’appartenance à la classe de revenus supérieure à la demi-tranche est faible (15%), ce que traduit la faible valeur de la pente. L’ensemble des probabilités de répartition des ménages au sein de chaque tranche est fourni par le tableau IV-10 :

Tableau IV-10 : répartition intra-classe pour les ménages répondant de l’enquête ménages de Lyon (2006)
tranches de revenu proportion des ménages de la classe ayant un revenu inférieur au milieu de la classe (%) proportion des ménages de la classe ayant un revenu supérieur au milieu de la classe (%)
10 000 à 20 000 € 64 35
20 000 à 30 000 € 61 39
30 000 à 40 000 € 71 29
40 000 à 60 000 € 85 15

Source : traitement de l’auteur – E.M.D 2006

Enfin, au sein de chaque demi-tranche, nous avons affecté à chaque ménage un revenu aléatoire selon une loi de probabilité uniforme. Nous avons créé une borne inférieure pour la première tranche (5 000 €) et une borne supérieure pour la dernière tranche (120 000 €) afin d’affecter un revenu pour tous les ménages (Claisse et al. 2000 ; Paulo, 2006). A la fin de cette étape, nous disposons donc d’une valeur monétaire pour les revenus de chaque ménage de notre échantillon.

Dans un deuxième temps, nous avons constaté que les revenus de l’enquête ménages ainsi reconstitués étaient largement sous estimés, de l’ordre de 30 % en comparaison avec les données sur les revenus fiscaux de l’INSEE. Nous avons donc pris l’ensemble des données des revenus fiscaux des ménages (2005) disponibles sur le périmètre de l’aire urbaine de Lyon en 1999, et avons divisé l’échantillon total en déciles. Nous avons ensuite calculé la valeur moyenne du revenu fiscal pour chaque décile.

De même, nous avons découpé l’échantillon global de l’enquête ménages en décile puis nous avons redressé les revenus de chaque décile de l’enquête ménages de manière à avoir les mêmes revenus moyens que ceux calculés pour les déciles des revenus fiscaux des ménages (2005). Le redressement par décile se justifie dans la mesure où, au cours de l’étape précédente, nous avons reconstitué douze demi-tranches de revenus et nous sommes donc restés à un niveau de précision à peu prés équivalent pour effectuer nos redressements.

Le tableau IV-11 fournit les différents coefficients de redressement utilisés pour se caler sur la valeur des revenus fiscaux de l’INSEE en 2006.

Tableau IV-11 : redressement des revenus de l'E.M.D par rapport aux revenus fiscaux des ménages effectué par décile de revenu
déciles coefficients de redressement par décile appliqué aux ménages de l’E.M.D de 2006
1er décile 1,58
2ème décile 1,32
3ème décile 1,36
4ème décile 1,33
médiane 1,30
6ème décile 1,34
7ème décile 1,34
8ème décile 1,41
9ème décile 1,45

Source : traitement de l’auteur – E.M.D (2006) et INSEE – DGI (2006)

Dans un troisième temps, une fois l’ensemble de ces revenus monétaires déterminés, nous avons estimé les revenus des ménages non déclarants. Pour ce faire, nous avons sélectionné un ensemble de variables de l’enquête ménages susceptible d’expliquer le niveau de revenu du ménage : il s’agit de la catégorie socioprofessionnelle, du statut d’activité du chef de ménage et de l’éventuel conjoint et du taux de motorisation conformément à la méthode employée par Nicolas et al. (2001) sur l’enquête précédente. Nous avons ensuite mené une régression de type stepwise (pas-à-pas) suivie d’une procédure automatique de réaffectation aux non répondants en fonction du modèle trouvé. Nous avons distingué deux modèles selon que le chef de ménage avait un conjoint ou non. Les résultats synthétiques des régressions figurent en annexe I. A la fin de cette étape, tous les ménages disposent donc d’un revenu monétaire estimé.

Enfin, le calage des revenus déclarés sur les revenus fiscaux des ménages nous a conduit à un dernier traitement à partir de l’enquête budget des familles de l’INSEE (2000, 2006) pour nous rapprocher au plus du revenu disponible. Nous avons retranché par décile et cycle de vie du ménage les impôts (directs, locaux) et ajouté les revenus sociaux des ménages (allocations logement, chômages et prestations familiales). Nous avons finalement rapporté ces revenus à l’unité de consommation à partir de l’échelle utilisée par l’INSEE et l’OCDE, soit un coefficient égal à 1 pour la personne de référence, 0,5 pour les personnes de plus de 15 ans et 0,3 pour les enfants (personnes de moins de 15 ans).

Cette procédure d’estimation du revenu des ménages reste toutefois relativement imprécise à l’échelle du ménage. C’est pourquoi dans toute la suite de notre travail, nous analysons la part du budget des ménages consacré aux transports à des niveaux relativement agrégés. Ainsi, les aspects socioéconomiques des ménages vulnérables ne seront pas abordés « au-delà » du quintile de revenu. Quant à l’analyse spatiale de la vulnérabilité, nous n’allons pas au-delà du secteur de tirage (75 ménages enquêtés par secteurs).