2. Analyse typologique des inégalités de mobilités

Le tableau V-1 nous a permis d’isoler les principaux facteurs socio-économiques et de localisation expliquant les différences de mobilité parmi les individus mobiles. Les facteurs explicatifs les plus discriminants sont manifestement la localisation résidentielle, le statut d’activité, la composition du ménage, l’accès à la voiture et dans une moindre mesure, le sexe, ce que confirment d’ailleurs certains travaux précédents (Nicolas et al. 2001 ; Paulo, 2006). C’est à partir de ces facteurs que nous constituons différents groupes sociaux afin d’analyser, pour chacun d’entre eux, leurs caractéristiques de mobilité, à l’exception de la composition du ménage car la typologie serait trop fine et nous serions confrontés à des problèmes de représentativité statistique des sous-échantillons ainsi constitués. Nous ne considérons pas en revanche la profession et l’âge comme des facteurs particulièrement discriminants. En effet, ces derniers ne montrent pas suffisamment de différences entre les extrêmes de la distribution de la courbe de Lorenz. De plus, certains se recoupent avec nos facteurs explicatifs : l’âge est par exemple lié au statut d’activité.

L’apport de cette analyse par rapport aux travaux mentionnés précédemment est double : tenir compte de la localisation dans l’analyse des disparités de mobilité quotidienne, sur un territoire bien plus important et surtout plus cohérent avec la portée des migrations domicile-travail.

Le premier des critères pour l’analyse des inégalités de mobilité est l’accès au volant, scindé en deux catégories : individus motorisés et non motorisés. Puis vient le statut d’activité divisé en 7 catégories : les scolaires (études primaires et secondaires), les étudiants, les actifs, les retraités, les chômeurs et les femmes au foyer. Le critère de l’accès au volant n’a pas été décliné pour tous les statuts d’activité. En effet, nous n’avons pas procédé à la distinction pour les scolaires et les étudiants, soit parce que les individus ne sont pas en âge de conduire (scolaires), soit parce que les effectifs considérés ne sont pas suffisamment représentatifs (étudiants). Pour la localisation des individus, le vaste périmètre de l’enquête ménages de Lyon (2006) a permis de procéder à un découpage en 3 couronnes autour du centre. La carte représentant ces découpages est en annexe VIII. Comme nous constituons dans la suite du chapitre des sous groupes de ménages assez fins tenant compte de leur nature, de leur localisation et de leurs revenus, le découpage géographique s’est effectué de manière à avoir des sous effectifs bruts de ménages égaux dans chaque couronne.

Enfin, même si le sexe n’est pas une variable particulièrement discriminante, nous l’avons tout de même utilisé pour les actifs motorisés, où les différences induites ne sont pas négligeables.

Le croisement de ces différents critères a conduit à distinguer 30 types d’individus différents. Pour chacun d’entre eux, nous déterminons le budget distance et temps quotidien, la vitesse moyenne tous modes confondus et le nombre total de déplacements. Les différenciations mises en évidence par le revenu par unité de consommation du ménage sont un peu moins importantes que d’autres facteurs comme la localisation ou le statut de l’individu. Le lecteur pourra néanmoins se reporter à l’annexe II, où pour chacun des sous groupes ainsi constitués, figurent les budgets distances globaux, VP conducteur et TC ainsi que les émissions de CO2 selon les terciles de revenu. Ces données ont été établies dans le cadre de notre étude sur les émissions individuelles que nous menons plus loin dans ce chapitre. Elles permettent notamment de vérifier si l’effet du revenu varie suivant les types d’individus.

Les résultats montrent de fortes disparités : le budget distance quotidien varie ainsi de 7,1 km pour les personnes au foyer non motorisées au centre à 44,7 km pour les hommes actifs motorisés en couronne périurbaine. L’effet de la localisation est très net au sein d’un groupe donné, même si l’on ne considère que les individus motorisés. Ainsi, un homme actif motorisé en couronne périurbaine parcourt 75 % de distance supplémentaire par rapport à celui qui réside au centre. Des constats similaires peuvent être observés parmi les autres types de personnes motorisées : les femmes actives (+80 %), les retraités (+38 %), les chômeurs (+52 %) et les personnes au foyer (+56 %). Naturellement, le fait d’être motorisé ou non induit des différences notables : conduire une voiture multiplie le budget distance par 2 ou 3 selon la localisation des individus.