2.4.a Bilan global des émissions de CO2

Même si les aspects relatifs aux dépenses des ménages constituent le sujet central de notre réflexion, nous avons tenu à faire un bilan environnemental de la mobilité quotidienne des ménages lyonnais afin de couvrir cet aspect incontournable du développement durable. Notre démarche a consisté à confronter les données de mobilité les plus déterminantes des émissions de CO2, ainsi que les taux d’émission eux-mêmes. En outre, au sein de chaque groupe, nous avons procédé à une désagrégation selon trois catégories de revenu, vu l’influence de ce dernier constatée sur le type de véhicule possédé. L’ensemble des résultats est fourni en annexe (annexe II). D’un point de vue global, une personne émet quotidiennement, en moyenne, 2 500 grammes de CO2 un jour de semaine. Rapporté à l’année, cela représente 0,73 tonne de CO2 par personne et 1,73 tonne par ménage sur l’ensemble du périmètre de l’E.M.D. Ces valeurs sont plus importantes que celles trouvées dans la plupart des D.E.E.D réalisés par l’INRETS. Cette différence s’explique simplement par la différence du périmètre d’étude, plus restreint dans ces derniers cas.

La localisation et la position dans le cycle de vie sont les principaux facteurs explicatifs de ces émissions, ce qui a déjà été montré par d’autres travaux sur un périmètre plus restreint (Nicolas et al. 2001). Le revenu a des effets plus limités suivant le type d’individu. Un résident de la zone périurbaine émet en moyenne 2,5 fois plus de CO2 qu’un résident du centre. Cet effet est d’ailleurs plus important que celui du revenu : une personne appartenant au premier quintile de revenu émet 2 fois moins de CO2 que celle appartenant au dernier quintile. Si l’on croise les deux effets, on constate que les émissions peuvent être multipliées par 6 lorsqu’on passe d’un extrême à l’autre. Les territoires périurbains, peu appréhendés lors des enquêtes ménages précédentes, constituent un enjeu majeur en matière d’émissions. En effet, ces dernières semblent se stabiliser dans les zones centrales des agglomérations de province et en particulier dans les dernières enquêtes ménages de Lille, Lyon et Strasbourg. Les politiques de maîtrise des émissions devront se focaliser sur ces territoires périurbains à l’avenir.

Sans surprise, on constate que le budget distance en voiture et les émissions de CO2 sont fortement corrélés. Ainsi, les hommes actifs motorisés en couronne périurbaine ont le taux d’émissions de CO2 le plus élevé. De manière générale, sur l’ensemble des actifs hommes et femmes confondus, leurs émissions sont de deux à trois supérieures à la moyenne globale. L’effet de la localisation est assez faible pour les hommes actifs, mais plus important pour les femmes actives. Les hommes actifs situés au centre émettent globalement 2 fois plus que la moyenne alors que ceux résidant en couronne périurbaine émettent environ 2,5 fois plus que la moyenne. Pour les femmes, les différences de localisation sont un peu plus importantes avec par exemple un coefficient multiplicateur par rapport à la moyenne qui passe de 1,4 au centre à 2,2 en périphérie. Le revenu joue très peu sur les émissions de CO2 des actifs et actives, en accord avec les résultats trouvés sur la mobilité quotidienne (Paulo, 2006).

Au sein des deux couronnes externes, on constate que les hommes actifs émettent environ 25 % de CO2 de plus que les femmes actives. Le budget distance en voiture expliquent ces différences. On peut également noter que les femmes utilisent un peu plus les transports collectifs, surtout celles appartenant au dernier tercile de revenu. Par exemple, les femmes actives disposant d’un haut revenu en couronne périurbaine ont un budget distance en transports collectifs 1,5 fois plus élevé que la moyenne. Mais cela ne doit pas éclipser le fait que les parts modales en transports collectifs restent très faibles (de 1 à 2 %). Lorsque l’on s’attarde sur les émissions unitaires de CO2 en voiture particulière pour les actifs et actives périphériques, on constate que celles des femmes sont légèrement supérieures (176 contre 171g de CO2 par km parcouru). Cela confirme ce que nous expliquions précédemment : les hommes utilisent davantage des véhicules diesel récents, moins émetteurs de CO2.

En première couronne, les émissions répondent essentiellement à la même logique interne, avec toujours une différence sur le budget distance en voiture particulière qui se répercute sur les émissions. Ces dernières sont en moyenne de 1,5 à 2 fois supérieures à la moyenne globale. Par contre, les émissions unitaires ont tendance à augmenter par rapport aux actifs périphériques (200 g/km). Les véhicules utilisés par cette catégorie de population sont plus globalement plus vieux et fonctionnent à l’essence, même s’il est vrai qu’ils disposent d’une plus petite cylindrée. De plus, la part d’émissions à froid est plus importante sur les petits déplacements.

Chez les actifs centraux, les différences de genre sont plus nettes. En effet, les femmes actives utilisent davantage les transports publics (8,3 % contre 6,3 % pour les hommes) et la marche à pieds (28,7 % contre 17,2 % pour les hommes) pour se déplacer. Par conséquent, si les émissions des actifs restent élevées (2 fois supérieures à la moyenne), celles des actives résidant au centre restent modérées (en 1,3 et 1,5 fois la moyenne). Les émissions unitaires sont encore plus élevées et peuvent même atteindre 209 g/km pour les actives du centre disposant de revenus moyens. Ces fortes émissions unitaires sont dues à la fois à des distances moyennes de déplacements plus courtes et à un effet de congestion en centre-ville.

Les actifs non motorisés ont une mobilité très peu émettrice en CO2. Gros utilisateurs de la marche à pieds et des transports collectifs, ces derniers présentent, pour cette catégorie, un budget distance en transports collectifs 2 à 3 fois plus important que la moyenne. Notons tout de même qu’ils sont occasionnellement passagers en voiture particulière (14,3% dont les émissions ne leur sont pas imputées selon notre méthode). Au final, les actifs non motorisés émettent très peu de CO2 : environ 10 fois moins que la moyenne.

N’étant pas confrontés aux mêmes contraintes de mobilité, les retraités ont un budget distance global un peu supérieur à la moyenne. L’effet de la localisation est toujours présent, et celui du revenu semble faible. Globalement, le niveau des émissions selon la localisation varie de 1 à 1,5 fois la moyenne globale des individus de l’enquête ménages. Le niveau de vie des retraités joue un peu plus que pour les actifs, surtout lorsqu’on compare la première tranche de revenus aux deux autres tranches. Les retraités du premier tercile de revenus au centre se démarquent nettement des autres par un niveau d’émission relativement bas. Ces derniers profitent de la bonne offre de transports disponible au centre pour modérer leur taux d’effort.

Les femmes au foyer et les chômeurs ont une mobilité qui se rapproche de celle des actifs, avec toutefois des niveaux d’émissions globalement inférieurs. Leur amplitude peut varier de 83 % à 230 % de la moyenne. La localisation a toujours un effet déterminant pour ce type de personnes, contrairement au revenu. On note une forte différence entre les chômeurs du centre et ceux habitant en périphérie. Les premiers semblent utiliser dés que possible les transports collectifs pour se déplacer tandis que les seconds utilisent beaucoup plus la voiture (avec des niveaux d’émission jusqu’à deux fois supérieurs à la moyenne).

Les étudiants constituent une catégorie particulière. Ils sont globalement peu émetteurs de CO2. Ils utilisent occasionnellement la voiture en tant que conducteur mais se caractérisent surtout par fort budget distance en transports collectifs par rapport à la moyenne : les étudiants de deuxième couronne ont par exemple un budget distance en transports collectifs 5 fois supérieur à la moyenne. En effet, la plupart d’entre eux n’ont pas accès à la voiture tout en ayant des contraintes de mobilité assez forte et par conséquent, ils utilisent fréquemment les transports publics pour se déplacer. Enfin, les scolaires ont des émissions de CO2 très faibles, sauf pour ceux résidant en périphérie (émissions 5 fois inférieure à la moyenne) parce qu’ils utilisent des cars de transports scolaires. Leurs émissions sont sans doute sous-estimées, car selon notre méthode, nous ne leur imputons pas les émissions en tant que passagers d’une voiture.