5. Conclusion

Notre approche sur l’analyse des budgets distances globaux, des coûts de la mobilité quotidienne et les taux d’effort nous amène à plusieurs résultats.

Le premier, qui n’est pas nouveau, montre que le type de ménage et la localisation sont les principaux facteurs explicatifs de la distance totale quotidiennement parcourue. En revanche, une fois ces deux facteurs figés, le revenu a des effets plus limités. Toutefois, les quelques écarts constatés entre les hauts et les bas revenus montrent l’existence d’inégalités d’accès à la voiture liées aux ressources financières du ménage.

L’analyse nous a également permis d’observer que globalement, il n’y a pas d’économie d’échelle réalisée lorsque plusieurs individus composent le ménage. A localisation et niveau de vie donnés, un couple d’inactifs parcourt trois fois plus de distance (30 km) qu’un inactif seul (11 km), un couple d’actifs en parcourt deux fois plus (56 km) qu’un actif vivant seul (24 km). Quant au passage d’un couple avec un seul actif à une famille avec un seul actif, on remarque que l’augmentation de mobilité induite par la présence d’un enfant (21 km) est quasiment équivalente à celle d’un actif (24 km). L’accroissement de la taille du ménage ne favorise donc pas des économies d’échelle en termes de distances parcourues. Cela est également vrai pour le nombre de déplacements lorsque l’on compare par exemple le cas d’un couple à un (ou deux) actifs avec celui d’une famille à un (ou deux) actifs : il y a un quasi-doublement - de 7,3 (7,7) à 14,5 (14,3) - des déplacements réalisés un jour de semaine.

Un autre indicateur confirme ces observations : il s’agit de l’éloignement cumulé des lieux de travail et d’études pour chaque ménage, rapporté au nombre de personnes le composant. On peut considérer que cet indicateur est une variable d’appariement spatial du lieu de résidence aux lieux d’études et de travail. L’évolution de la valeur observée selon le type de ménage tend à montrer qu’il n’y a pas d’effet taille dans le ménage, ni de stratégie de rapprochement entre les lieux de résidence, d’études et d’emplois pour réaliser des économies sur les distances de déplacement. Ainsi, le passage d’un actif vivant seul à un couple sans enfant de deux actifs double la valeur de la variable d’appariement (7,1 à 14,8 km). Le passage d’un couple d’un actif à une famille d’un actif double également la valeur de la variable d’appariement (7,1 à 13,4 km).

Contrairement à ce qui a été observé pour les pratiques de mobilité quotidienne, lorsque l’on fixe le type de ménage et sa localisation, le revenu conserve un fort pouvoir explicatif des dépenses de mobilité et du taux d’effort. Ce dernier indicateur est un révélateur de nouvelles inégalités, notamment parmi les ménages motorisés. Par conséquent, lorsque le ménage dispose de revenus modestes, soit il est confronté à des inégalités d’accès à la voiture et donc d’accès aux aménités urbaines, soit il est confronté à des inégalités en termes d’efforts financiers. Pour les ménages modestes résidant au centre, des alternatives existent avec les transports collectifs mais en périphérie, les situations sont plus délicates.

Concernant les dépenses annuelles, il n’y a pas d’économies d’échelle quand on passe d’un à deux adultes. En revanche, la présence d’enfants tend à favoriser les économies d’échelle, contrairement à ce qui a été observé sur les distances parcourues. Lorsque l’on passe d’un actif vivant seul à un couple d’un seul actif, les dépenses annuelles passent de 2 219 € / an à 4 090 € /an, soit un quasi-doublement. En revanche, une famille à un seul actif dépense en moyenne 5 070 € / an. De même, les dépenses d’un couple biactif s’élèvent à 4 900 € / an alors que celles d’une famille à deux actifs sont de 5 870 € / an. On peut conclure que pour les dépenses, la première variable déterminante est le nombre d’actifs pour les différents types de ménages, et le nombre d’adultes au sein d’un même ménage, puis le nombre total de personnes du ménage.

Les hauts revenus présentent un taux d’effort maximal de 14,1% (couple biactif périurbain). En valeur absolue, il leur reste en moyenne 30 000 € par UC après avoir retranché leurs dépenses de transports. Le point bas de cette catégorie est occupé par les couples périurbains d’un actif, avec un revenu par unité de consommation net des coûts de transport de 25 300 €. Les ménages à moyens revenus doivent faire face à un taux d’effort plus important. En moyenne, ces derniers disposent d’environ 17 000 € de revenu par unité de consommation après avoir retranché leurs dépenses de transports. Ce sont les familles périurbaines d’un seul actif qui disposent du revenu net des coûts de transport le plus faible de cette catégorie (15 700 €). Enfin, sans surprise, la situation des ménages à bas revenus est plus délicate. Après avoir retiré les dépenses de mobilité quotidienne, le revenu restant par UC tourne autour de 9 500 – 10 000 €. Il arrive même que ce revenu descende en dessous de 9 000 € par UC (cas des familles à un actif en 2ème couronne). Ces situations pour le moins délicates proviennent du fait que ces ménages sont la plupart du temps obligés de se motoriser pour se déplacer. C’est pourquoi les politiques publiques de transports urbains devraient cibler leurs efforts sur ces types de ménages pour leur proposer une offre de transports alternative pertinente, ou bien leur apporter un soutien financier pour leurs déplacements.

L’examen des dépenses de mobilité des ménages nous a permis de cerner les principaux facteurs socio-économiques explicatifs des disparités de dépenses et des inégalités de taux d’effort des ménages. Nous avons mis en évidence le rôle important du type de ménage et de la localisation. De plus, contrairement à l’analyse sur la mobilité, le niveau de vie du ménage conserve un fort pouvoir explicatif des dépenses et du taux d’effort une fois le type de ménage et la localisation fixée. Les disparités de taux d’effort observées suivant les revenus mettent en évidence un autre type d’inégalité liée à la mobilité urbaine. Si la plupart des ménages aux revenus modestes ont accès à la voiture, il persiste une inégalité liée à l’effort financier qu’ils doivent consentir pour leurs dépenses de mobilité urbaine. Le problème se pose notamment en périphérie où l’accès à la voiture est quasiment obligatoire du fait d’une absence d’offre de transports collectifs. L’augmentation inéluctable des prix du pétrole à long terme peut poser problème pour ce type de territoire. Ainsi, lors du pic des prix du pétrole en 2008, prés de 25 000 ménages supplémentaires (+16,6 %) sont passés au dessus du seuil de vulnérabilité que nous avons défini plus haut. Si, à long terme, il devait y avoir un doublement du prix de l’essence en euros constants (soit environ 2,40 € par litre d’essence pour 2010), ce sont prés de 71 000 (+ 50 %) ménages qui passeraient à l’état de vulnérabilité.

Schématiquement, deux types de facteurs socio-économiques influent sur la durabilité de la mobilité quotidienne : le type de ménage et le niveau de vie. Un autre, relatif à la forme urbaine, et vu grossièrement au travers de la localisation sur un découpage concentrique en trois couronnes est également déterminant. Nous avons insisté au deuxième chapitre sur les divers leviers d’action relatifs à la forme urbaine pouvant être mobilisés pour rendre la mobilité urbaine des ménages plus durable. Nous approfondissons ces aspects au chapitre suivant en caractérisant davantage la zone de résidence du ménage. Nous nous attachons à trouver les principaux facteurs ayant trait à la forme urbaine de résidence et susceptibles de rendre la mobilité urbaine des ménages plus durable.