Chapitre VI. L’influence de la forme urbaine sur les coûts de la mobilité urbaine des ménages

Nous avons constaté dans la partie précédente que deux principaux types de facteurs influaient sur les dépenses de transport des ménages et leur taux d’effort. Il y a d’une part les facteurs socio-économiques avec notamment les revenus du ménage, l’occupation principale du chef de ménage et de l’éventuel conjoint ainsi que le nombre de personnes composant le ménage (présence d’enfants notamment). D’autre part, la localisation du ménage, illustrée précédemment par sa distance au centre, joue un rôle particulièrement déterminant : quand un ménage est localisé loin du centre, il a plus de chance de posséder une voiture et de parcourir de longues distances.

Le but de cette partie est de déterminer plus précisément les facteurs explicatifs des coûts de la mobilité quotidienne des ménages (dimension économique de la mobilité durable), de leurs émissions de CO2 (dimension environnementale) et de leur taux d’effort (dimension sociale), en approfondissant les aspects liés à la localisation du ménage. Notre démarche consiste à mieux caractériser la zone de résidence du ménage, en y associant des variables descriptives relatives aux formes urbaines. Ainsi, nous nous intéressons à trois caractéristiques principales pouvant qualifier les zones de résidence : la densité, la diversité et l’accessibilité.

La densité se rapporte à l’intensité d’occupation du sol de la population et des activités (emplois). De nombreux travaux de comparaison au niveau interurbain (Newman, Kenworthy, 1989 ; Naess, 1996 ; Kenworthy, Laube, 1996) et au niveau intra-urbain (Fouchier, 1997a ; Pouyanne, 2004) ont montré que la densité urbaine tendait à réduire l’usage de la voiture et les distances de mobilité quotidienne, même si la question restait très discutée. Nous supposons ici que la densité peut réduire les coûts de la mobilité quotidienne des ménages, les émissions de CO2 dans les transports, et la vulnérabilité des ménages face aux coûts de transports. Cette hypothèse sera confirmée ou infirmée par les résultats de nos modèles économétriques.

La diversité se rapporte à celle des activités économiques au sein d’un espace urbain donné et aussi à la mixité d’une zone définie comme le rapport entre les emplois et la population. Plusieurs travaux (Cervero et Kockelman 1997 ; Peng, 1997 ; Rajamani et al. 2003) ont montré que la diversité avait un effet sur les parts modales et les distances parcourues en voiture. Nous faisons donc l’hypothèse que ce facteur tend à améliorer les indicateurs de mobilité durable que nous avons définis précédemment.

Enfin, nous considérons également que l’accessibilité influence fortement la mobilité quotidienne. Une bonne accessibilité aux emplois en voiture encourage l’usage de ce mode (Cervero, 2002) tandis qu’une bonne accessibilité en transports collectifs tend à abaisser l’usage de la voiture.

Cette grille de lecture de la forme urbaine qui tourne autour de ces trois facteurs est donc utilisée pour tenter d’expliquer la vulnérabilité des ménages face aux coûts de transports. Cette approche diffère légèrement de celle de Cervero et Kockelman (1997). En effet, ces auteurs supposaient que le « design urbain » avait aussi une influence sur la mobilité quotidienne des ménages. Nous supposons ici les effets de ce facteur négligeables.