4.2 Modèles selon une désagrégation spatiale en 4 couronnes

Conformément à la démarche d’analyse que nous nous sommes fixée, nous envisageons à présent les modèles précédents mais désagrégés en fonction de la localisation spatiale des ménages selon un découpage en quatre couronnes. Notre but est de savoir quelles sont les caractéristiques urbaines les plus influentes selon l’éloignement au centre. En outre, nous cherchons à savoir si le fait de résider ou pas dans un pôle secondaire a une incidence sur la mobilité pratiquée par les ménages. Si par exemple la variable de présence dans un pôle secondaire est significative en troisième couronne (signe négatif), cela signifie que le fait de résider dans un pôle secondaire baisse significativement les coûts de transport du ménage par rapport à ceux résidant en troisième couronne mais n’étant pas situés dans un pôle. Tous les chiffres de dépenses et de mobilité dans ce paragraphe sont donc donnés à localisation dans une couronne donnée, ce qui permet de contrôler l’effet de distance au centre. L’ensemble des résultats issus de l’analyse par couronne figurent en annexe X.

En ce qui concerne la vulnérabilité des ménages, trois variables apparaissent toujours significatives avec, dans leur ordre d’importance, la typologie des ménages, le revenu et l’appariement spatial. En examinant la typologie des ménages, on retrouve les différences pointées dans le modèle global. Les couples à un et deux actifs ont tendance à avoir un taux d’effort plus important que les actifs vivant seuls, sauf en troisième couronne où la différence pour les couples à deux actifs (avec un RC de 0.7). Les familles ont par contre une probabilité plus faible d’avoir un taux d’effort important, à l’exception du centre (les RC sont tous inférieurs à 1 hors centre). Ainsi, des économies d’échelle sont réalisées au sein de ces ménages pour leurs dépenses de transport, sauf au centre, où les actifs vivant seuls semblent mieux tirer parti des avantages de la centralité. Enfin, les familles monoparentales et les actifs vivant seuls ont généralement un taux d’effort moins important.

L’effet du revenu et de l’appariement spatial ont les signes attendus quelle que soit la localisation (les RC varient respectivement de 0,78 à 0,86 et de 1,12 à 1,24). L’offre de transports en commun n’est influente qu’en 2ème couronne (RC de 0,94) mais ne joue pas au centre et en première couronne. La densité est significative en 3ème couronne tandis que des variables de proximité sont significatives en troisième et quatrième couronnes. On trouve ainsi, avec les signes attendus, les variables de présence des services publics, d’éducation et de santé, les services aux entreprises et les services aux particuliers.

Concernant la présence des ménages dans des pôles, la variable apparaît significative, avec le signe attendu pour les ménages résidant dans les 3ème et 4ème couronnes (le RC sont respectivement de 0,64 et 0,75). La variable mentionnant la présence du ménage dans un pôle indique une meilleure proximité et accessibilité aux services à la population et aux emplois dans la zone de résidence, mais aussi à l’échelle plus large du pôle, lequel reproduit certains avantages liés à la centralité.

Pour prendre l’exemple de la 3ème couronne, on trouve dans cette zone géographique les pôles de Saint-Priest (1 062 ménages en effectifs bruts), de Miribel (142), de Vénissieux (135), de Saint-Genis (131), d’Ecully (106), et de Neuville (37). Au sein des trois premiers pôles représentés, on constate que les coûts de mobilité quotidienne sont globalement inférieurs en moyenne aux coûts que supportent les ménages en dehors des pôles, notamment à cause de la sur-représentativité de ménages de Saint-Priest. Ainsi, les ménages dépensent respectivement 3 600 €, 4 935 € et 4 558 € au sein des trois pôles les plus représentés en troisième couronne comparé à 4 767 € en dehors des pôles (cf. tableau en annexe X).

Le pôle de Saint-Priest présente un indice d’Herfindahl assez faible (0,19 ; cf. tableau VI-2) indiquant une bonne diversité des activités présentes sur son territoire. En revanche, le pôle de Miribel présente un indice de spécialisation plus élevé (0,31) avec sur-présentation du secteur industriel, ce qui explique les dépenses plus élevées observées dans ce pôle, étant donné la forte présence des familles.

Les autres pôles en troisième couronne présentent également des indices de spécialisation peu élevés, indiquant une bonne diversité des activités avec notamment la présence de services publics, d’éducation et de santé pour Saint-Genis et Vénissieux et la présence de services aux entreprises à Ecully. Pour conclure sur l’effet des pôles en troisième couronne, ce résultat montre que le polycentrisme peut être un moyen de conjuguer la croissance urbaine avec le maintien d’un taux d’effort modéré. Dans notre exemple lyonnais, comme la distance moyenne des ménages en 3ème couronne au centre ville est de 12 km à vol d’oiseau, on peut considérer, à partir de cette distance, que le développement de pôle secondaire peut être vertueux.

Pour les coûts de transport annuels par unité de consommation des ménages, quelle que soit leur localisation, la variable décrivant le type de ménage est toujours la plus significative. On retrouve à nouveau une tendance globale des couples à un et deux actifs de dépenser davantage que les actifs vivant seuls. Ainsi, il n’y a pas d’économie d’échelle (par rapport à l’unité de consommation) quand on passe d’un actif à un couple avec un ou deux actifs. En effet, par exemple, la distance parcourue quotidiennement par la (ou les) voiture(s) des couples à un actif passe de 15 km à 46 km soit un triplement de la distance (contre 11 à 25 km pour l’actif vivant seul). En revanche, pour les familles, les dépenses annuelles par unité de consommation sont plus modérées, puisque pratiquement tous les RC sont inférieurs à 1 à l’exception du centre. Des économies d’échelles sont donc réalisées pour ce type de ménage.

En ce qui concerne les variables quantitatives, le revenu et l’appariement spatial apparaissent très significatifs (avec des RC variant respectivement de 1,05 à 1,23 et 1,15 à 1,27). L’effet du revenu va croissant du centre vers la périphérie car la propension marginale à dépenser pour se déplacer est plus importante à mesure qu’on s’éloigne du centre. En effet, en zone peu dense, où l’offre de transport collective est très faible, les ménages se motorisent et utilisent plus facilement la voiture dès qu’ils en ont les moyens. De la même manière, plus l’éloignement du domicile au lieu d’emploi est important, et plus la propension marginale à dépenser pour se déplacer en voiture sera grande, ce qui explique la progression des RC pour la variable d’appariement

On note aussi l’apparition de quelques variables de proximité comme la présence d’écoles et de services publics en 4ème couronne (RC de 0,82), de mixité en 1ère couronne (RC de 0,64), ainsi que de la variable d’accessibilité en transports collectifs en 2ème couronne (RC de 0,92). On note enfin que la densité est significative en 1ère et 3ème couronnes.

La variable de présence dans un pôle se révèle significative, comme pour le taux d’effort, en 3ème couronne et 4ème couronne avec les signes attendus (RC de 0,78 et 0,72).

Si l’on prend l’exemple de la quatrième couronne, on note la présence de pôles comme l’Isle-D’Abeau (538 ménages en effectif brut), Givors (308), Saint-Priest (159) et Trévoux (86). Les dépenses annuelles respectives sont 3 967 €, 3 482 €, 5 571 €, 4 548 € contre 5 238 € en dehors des pôles de 4ème couronne.

Le pôle de l’Isle-d’Abeau possède une bonne diversité des activités économiques avec un indice de spécialisation peu élevé (0,19). On y trouve notamment beaucoup d’industries, de commerces et de services aux entreprises, ce qui indique que ce pôle reproduit en partie les avantages de la centralité. Le pôle de Givors se caractérise davantage par une forte présence des services publics, d’éducation et de santé, ainsi que des commerces. Enfin, le pôle de Trévoux présente un indice de spécialisation plus élevé (0,28) avec sur-présentation du secteur industriel. Cependant, ce pôle présente également une bonne présence des services publics, d’éducation et de santé par rapport au reste de l’aire urbaine (21,5 % contre 16,6 %). Or la majorité des ménages présents dans ce pôle sont les familles (42 %), particulièrement sensibles à la proximité de ce type de services.

Comme pour le taux d’effort, le fait de résider dans un pôle apporte certains avantages comme la proximité aux emplois ou aux services. Les pôles secondaires permettent de modérer la mobilité en voiture des ménages qui y résident. Ce résultat montre qu’il est bénéfique de développer des pôles plutôt éloignés du centre et apportant un certain nombre d’avantages présents dans ces derniers.

Pour les émissions annuelles de CO2, les constats effectués sur la variable de typologie des ménages concernant les dépenses annuelles de transport restent globalement valables. L’appariement spatial et le revenu apparaissent significatifs quelle que soit la localisation du ménage avec des RC assez faibles pour le revenu (de 1,05 à 1,12) mais plus importants pour l’appariement spatial (1,15 à 1,31). Les émissions de CO2 sont surtout liées aux pratiques de mobilité et en particulier aux distances parcourues. Il est donc normal de constater un effet moindre du revenu d’autant qu’il n’y a pratiquement plus d’inégalités verticales parmi les ménages motorisés pour leur mobilité urbaine en voiture. En revanche, les effets de l’appariement spatial sont toujours importants en termes d’émissions de CO2, et même davantage que les dépenses, ce qui est cohérent.

Pour les autres variables présentes dans les modèles, on remarque l’influence de l’accessibilité en transport collectif dans les deux 1ères couronnes (RC de 0,97 et 0,94) ainsi que la présence de la densité humaine dans tous les modèles à l’exception de la 4ème couronne. Les variables de proximité jouent un rôle plus important en troisième et quatrième couronnes avec la présence de services comme les écoles, les administrations (RC de 0,88) et de commerces (RC de 0,75) en 4ème couronne.

Enfin, la variable de présence dans un pôle est significative en dernière couronne avec un RC de 0,66. Ce résultat corrobore les précédents, à savoir qu’il est bénéfique de développer des pôles diversifiés et éloignés du centre ville pour mieux « canaliser » la mobilité en voiture dans les zones périphériques.