Résumés |
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En 1307-1308, le pape Clément V fit mener une enquête sur les crimes imputés à l’évêque d’Albi Bernard de Castanet par deux chanoines de la cathédrale, qui avaient présenté contre ce dernier, à la Curie romaine, une liste d’accusations. Le prélat était accusé négligence pastorale, de simonie, de dilapidation, d’irrégularités et cruautés systématiques dans l’exercice de la justice, d’assassinats, enfin d’incontinence. Peu après l’audition par les enquêteurs pontificaux, à Albi, de cent quatorze témoins produits par les dénonciateurs, le pape annula la procédure. Mais trois jours plus tard, il désavoua l’évêque en le transférant du siège d’Albi à celui, bien moins prestigieux du Puy. L’étude de cette affaire, à partir d’une édition critique des actes de l’enquête d’Albi (conservés dans le registre 404 des Collectoriae aux Archives du Vatican) – édition dotée d’une annotation historique regroupant des recherches prosopographiques, dans une large documentation, sur les personnages en cause –, replace la démarche des dénonciateurs dans l’histoire conflictuelle de l’épiscopat de Bernard Castanet (1276-1308) et démontre la continuité entre la volonté des témoins d’accréditer les crimes de ce dernier, d’une part, et, d’autre part, la lutte de l’oligarchie urbaine contre la juridiction seigneuriale de l’évêque, mais aussile mouvement anti-inquisitorial dirigé par frère Bernard Délicieux dans les années 1299-1306. Durement combattue par l’évêque, l’hérésie des bons hommes s’avère en effet être au cœur de l’affaire, bien qu’elle soit passée sous silence par les dénonciateurs. L’analyse met en valeur la nature informelle et les fondements sociaux et théologico-politiques de la dissidence religieuse. Par ailleurs, en remplaçant la procédure dans la série des processus inquisitionis pour " crimes énormes " (enormia) menées par les papes contre les prélats depuis le début du XIIIe siècle et en l’étudiant en termes juridiques, l’étude de ce casus montre le rôle de l’enquête, comme instrument du gouvernement d’Etat, dans la construction d’une opinion publique (fama), ainsi que dans la différenciation d’une sphère administrative, à partir de la matrice judiciaire, à la fin du Moyen Age. |
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In 1307-1308, pope Clement V had an inquiry made into a series of crimes attributed to bishop of Albi Bernard de Castanet by two canons of the cathedral, who had presented at the roman Curia a list of accusations against their spiritual ruler. The bishop was accused of pastoral negligence, of simony, of dilapidation, of irregularities and systematic cruelty in the practice of justice, of murders and of incontinence. Soon after the hearing by pontifical commissioners of a hundred and fourteen witnesses presented by the denouncers, the pope called off the procedure. But three days later, he implicity penalized the bishop, removing him from the see of Albi to that of Le Puy, which was much less prestigious. The study of this case develops from the critical edition of the records of the inquiry at Albi, which are held at the Vatican Archives (register 404 of the Collectoriae). This edition presented with o historical annotation, which is the result of prosopographical researchs about the individuals mentionned in the texts, lead in a wide documentation. The initiative of the denouncers is examined in the perspective of the conflictual history of Bernard de Castanet’s episcopate (1276-1308). A continuity is shown between the witnesses’ will to have the bishop’s guilt admitted, on the one hand, on the other hand, the struggle of the urban élite against the bishop’s lordly jurisdiction, but also the anti-inquisitorial movement lead by brother Bernard Délicieux in 1299-1306. There heresy of the good men, which was vigorously fought by the bishop, proves to be at the heart of the matter, though the denouncer didn’t mention it at all. The analysis show the informal consistency and the social and theologico-political grounds of religious dissent. Besides, by replacing the procedure in the series of processus inquisitionis dealing with “enormous crimes” (enormia) launched by popes against prelates since the beginning of the XIIIth century and by examining it from a juridical point of view, the study of this casus shows the role played by inquiry, as a tool of State government, in the construction of public opinion (fama), and in the differentiation of an administrative sphere from the judiciary matrix, in the end of the Middle Ages. |
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