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Détail de la thèse :

Auteur(s) : CASTELAIN, Thomas
Titre  français : Raisonnement et argumentation: une approche interculturelle et développementale
Titre  anglais : Reasoning and Argumentation: a cross-cultural and developmental approach
Directeur : MERCIER, HUGO
Discipline : Psychologie (doctorat psychologie mention psychologie cognitive)
Composante : Institut de Psychologie
Diplôme : Doctorat Nouveau Régime
Soutenance : 15/12/2016
Mention : Très honorable
Résumé  français : Dans le domaine des sciences cognitives, la plupart des études sur la communication humaine se sont intéressées à la manière dont on comprend la communication et non pas à la manière dont on l’évalue. D’après le cadre théorique de la vigilance épistémique (Sperber et al., 2010) les êtres humains disposent d’un ensemble de mécanismes dédiés à l’évaluation des messages qui servent à se protéger d’informations potentiellement trompeuses et qui permettent de communiquer de manière fluide et relativement honnête. Selon cette perspective, le raisonnement aurait évolué pour permettre une discrimination plus fine des messages. La principale fonction du raisonnement serait argumentative : il s’agirait de trouver des arguments pour convaincre les autres et d’évaluer les arguments d’autrui afin d’acquérir des croyances plus solides (Mercier & Sperber, 2011). Si le raisonnement est le résultat d’une adaptation, ces compétences devraient être relativement universelles et on ne devrait pas avoir à les enseigner. L’universalité et le développement précoce de ces compétences permettraient donc de montrer qu’elles ne reposent pas sur un apprentissage culturel spécifique. Cependant, la plupart des études sur le raisonnement et l’argumentation chez les adultes comme chez les enfants, et par conséquent les principaux résultats qui soutiennent la théorie argumentative du raisonnement, se limitent à un échantillon restreint des sociétés humaines : les cultures occidentales. Ainsi, on pourrait penser que ces caractéristiques du raisonnement sont davantage l’expression de facteurs culturels plutôt que des traits universaux. Ce travail de thèse s’intéresse à cette question en déployant une approche interculturelle (en comparant les sociétés occidentales, orientales et traditionnelles) et développementale. Les cultures traditionnelles et orientales diffèrent des cultures occidentales sur divers aspects - tels que la tradition philosophique, le style parental ou l’accès à l’éducation formelle - qui sont particulièrement pertinents pour tester ces prédictions adaptatives. Le rôle de la discussion a souvent été sous-estimé dans le domaine du raisonnement, à l’exception de certaines études développementales très influentes (Doise & Mugny, 1984; Perret-Clermont, 1980). En coupant le raisonnement de son contexte argumentatif, les psychologues du raisonnement l’ont privé de l’une de ses forces : l’échange d’arguments avec les autres. Dans une première étude, nous avons montré que dans une population traditionnelle – les Mayas indigènes du Guatemala – la discussion en groupe amène à de meilleures performances que le raisonnement individuel. De tels résultats avaient déjà été rapportés pour des populations occidentales et orientales. Deux caractéristiques du raisonnement peuvent expliquer ces résultats : le biais vers son côté, qui empêche les individus d’améliorer leurs performances individuelles, et l’habilité à évaluer les arguments des autres, qui permettent aux individus de bénéficier des discussions de groupes (Article 1). Dans trois études exploratoires, nous avons apporté des preuves que le bénéfice de l’argumentation peut aussi s’étendre au raisonnement moral. La première étude confirme que les arguments peuvent faire changer les individus d’avis même dans des jugements moraux impliquant une forte charge émotionnelle. En revanche, les seconde et troisième études n’ont pas permis de révéler des effets notables de la discussion sur les jugements moraux (Chapitre 2). Avant l’âge de trois ans, les enfants échangent des arguments avec leurs parents et leurs frères et sœurs. Cependant, aucune expérience n’a montré que les enfants de cet âge sont sensibles à la qualité des arguments. Dans une première étude, nous fournissons des preuves expérimentales que les enfants de deux ans sont sensibles à la force des arguments (Article 3). Toutefois, le développement de ces compétences pourrait être favorisé par le contexte culturel particulier dans lequel ces enfants sont immergés : familles occidentales de classe moyenne et supérieure. Aucune étude expérimentale n’a été effectuée sur des populations provenant des sociétés traditionnelles et orientales. Dans une série d’expériences, nous avons tout d’abord mis en évidence que les enfants mayas (Article 4) et japonais (Article 7), tout comme les enfants occidentaux, sont capables de discriminer les arguments forts (perceptifs) des arguments faibles (circulaires). Nous avons également observé que les enfants mayas (Article 4) et occidentaux (Article 5) suivent le témoignage du personnage dominant plutôt que celui du subordonné alors que les participants japonais favorisent le témoignage du subordonné (Article 8). De plus, lorsque les indices de pouvoir et de raison entrent en contradiction –c’est-à-dire lorsque le dominant donne un argument faible alors que le subordonné donne un argument fort– la raison prend le dessus sur le pouvoir, tout du moins pour les enfants mayas (Article 4). De nouvelles recherches sont nécessaires pour mieux comprendre la manière dont ces deux indices interagissent (Résultats complémentaires 6). Ces résultats, mis en perspectives avec ceux rassemblés dans le cadre de la théorie argumentative du raisonnement renforcent l’hypothèse selon laquelle les caractéristiques du raisonnement sont adaptatives et que la principale fonction du raisonnement est argumentative (Mercier & Sperber, 2011, in press; Mercier, 2016). Elles seraient adaptatives dans le sens où elles permettent au raisonnement de remplir sa fonction principale : l’argumentation ; qui en retour, améliore et facilite la communication humaine. Cette théorie est en adéquation avec tout un courant de recherche qui souligne l’importance de l’argumentation et de l’échange de raisons dans la cognition humaine (Tomasello, 2014) et soutient l’importance de la fonction sociale de la cognition de haut niveau dans l’évolution humaine (Dunbar & Shultz, 2003; Tomasello et al., 2005).
Mots clefs  français : Argumentation ; Raisonnement ; Interculturel ; Développement précoce ; Universaux ; Sociétés traditionnelles ; Cultures orientales
Résumé  anglais : Within cognitive science, most studies of communication have focused on how we understand communication and not on how we evaluate it. According to the epistemic vigilance framework (Sperber et al., 2011) a set of mechanisms would be devoted to evaluating other people's messages to protect us from potentially misleading information, allowing communication to work smoothly and to remain mostly honest. In this framework, reasoning would have evolved to allow for a finer grained discrimination of messages. The main function of reasoning would be argumentative: to find reasons in order to convince others, and to evaluate others' reasons in order to adopt better supported beliefs (Mercier & Sperber, 2011). If reasoning is an evolved adaptation, these skills should be relatively universal and they should not have to be taught. Universality and early development is suggestive of skills that do not rest on specific cultural learning. However, most of the studies on reasoning and argumentation, either with adults or children, and consequently the main results supporting the argumentative theory of reasoning, are limited to a small range of human societies: Western cultures. One can argue that the features of reasoning might be the expression of specific cultural factors rather than universals traits. The present thesis addresses this question by deploying a cross-cultural (comparing Western, Eastern, and traditional societies) and a developmental approach. Traditional and Eastern cultures differ from Western cultures in dimensions such as philosophical tradition, parenting styles, or access to formal education that are particularly relevant to test these adaptive predictions. The role of discussion has been often underestimated in the field of reasoning, with the exception of some influential developmental research (Doise & Mugny, 1984; Perret-Clermont, 1980). Cutting reasoning from its argumentative contexts, psychologists of reasoning deprived it from one of its strength, the exchange of arguments with others. In a first study we showed that, as reported in Western and Eastern populations, group discussion yields better performance than individual reasoning in a traditional population – indigenous Maya from Guatemala. Two features of reasoning can account for this improvement: the myside bias, which precludes individuals from improving their performance on their own, and the ability to soundly evaluate others’ arguments, which allows individuals to benefit from group discussions (Article 1). In three exploratory studies we brought some evidence that the benefit of argumentation could be extended to moral judgments. The first one confirms that arguments can make people change their mind even on some emotionally charged moral judgments. By contrast, the second and the third ones failed to reveal consistent effects of discussion on moral judgments (Chapter 2). Before the age of three, children exchange arguments with their parents and siblings, but no experiment has demonstrated that they are sensitive to argument quality. In a first study we provide experimental evidence that 2-year-olds are sensitive to argument strength (Article 3). However, these skills might have been fostered by the particular cultural context of Western middle- and upper-class families, to which most children studied belong. No experimental data had been gathered in Eastern or traditional societies. A series of experiments first revealed that, as reported in Western culture, Mayan (Article 4) and Japanese (Article 7) children can discriminate between a strong (perceptual) argument and a weak (circular) argument. Second, Mayan (Article 4) and Western (Article 5) children are shown to follow the testimony of a dominant over that of a subordinate while Japanese participants favor the testimony of the subordinate (Article 8). Third, when the power and reasoning cues conflict – that is, when the dominant offers a weak argument and the subordinate a strong one – reasoning trumps power at least among Maya children (Article 4). Further research is needed to better understand how these two cues interact (Complementary results 6). Together with previous evidence, the present findings strengthen the conclusion that the features of reasoning described by the argumentative theory of reasoning are adaptive and that the main function of reasoning is argumentative (Mercier & Sperber, 2011, in press; Mercier, 2016). They would be adaptive because they enable reasoning to fulfill its main function, argumentation, which in turns greatly facilitates human communication. This theory fits well with a trend to stress the importance of argumentation and the exchange of reasons in human cognition (Tomasello, 2014) and the social function of high order cognition in human evolution (Dunbar & Shultz, 2003; Tomasello et al., 2005).
Mots clefs  anglais : Argumentation ; Reasoning ; Cross-cultural ; Early development ; Universals ; Traditional societies ; Eastern cultures

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