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II. La résistance, échec de la lutte contre le doryphore

Nous envisageons, après un travail de définition, un inventaire des principaux cas de résistances aux insecticides. En ce qui concerne les doryphores, nous abordons les problèmes de la résistance dans le cadre des comportements phytosanitaires des exploitants agricoles.

A. Définition

Les traitements contre les ennemis des cultures entraînent souvent des phénomènes de résistance vis-à-vis d’un ou de plusieurs produits utilisés pour leur destruction. Aucune catégorie de nuisibles n’échappe à ce phénomène. Au début du vingtième siècle, les premiers insectes résistants font leur apparition aux Etats-Unis. Les mauvaises herbes résistantes se développent plus tardivement. En Europe, la première baisse d’efficacité d’un herbicide (2, 4 D), concernant plusieurs espèces prairiales, se manifeste en 1950 lors de traitements répétés en Belgique. Par la suite, en France, quelques espèces (une vingtaine en 1988) produisent une résistance à divers herbicides506. Quant aux fongicides utilisés en France, ils ne génèrent, au moins jusqu’en 1990, que peu de cas de résistance engendrés par la pratique agricole. Les substances incriminées sont alors issues de la chimie de synthèse507. Ainsi, le soufre et le cuivre donnent, au cours du vingtième siècle, entière satisfaction508.

Eu égard au développement spectaculaire des insecticides dès 1945, et à la multitude des espèces nuisibles combattues, nous nous en tiendrons aux problèmes soulevés par les arthropodes. Nous pouvons définir cette résistance comme un phénomène traduisant une absence d’inhibition, ou une inhibition réduite, du développement d’un organisme après application d’un produit agropharmaceutique. La résistance peut être naturelle ou acquise. Dans le premier cas, elle est liée au potentiel génétique de l’espèce combattue et s’observe dès la première application de la substance phytosanitaire. Dans le second cas, la résistance correspond à une manifestation de la modification du potentiel génétique du déprédateur et s’observe généralement après plusieurs applications de la même matière active. Dès lors plus le nombre de traitements est élevé, plus la sélection de masse aboutit rapidement à un phénomène de résistance. Bien que la capacité d’une espèce à contrer un produit soit exploitée par les détracteurs de la phytopharmacie dès les années 1960509, le nombre d’insectes résistants, présents sur le sol national en 1970, est assez faible puisqu’il correspond à une dizaine d’espèces510. Par ailleurs, la vision que nous pouvons avoir des phénomènes de résistance peut-être parfois biaisée par les plaintes des cultivateurs. Les problèmes d’efficacité de certains produits de synthèse, soulevés par les agriculteurs au prise avec les doryphores, entraînent dès 1965 des expériences réalisées avec les produits couramment utilisés (DDT, lindane, carbaryl et dieldrine) dans la circonscription S.P.V. de Lorraine-Alsace. La réussite des essais effectués par le S.P.V permet alors de conclure à « une application défectueuse des insecticides, se traduisant soit par l’apport d’une quantité insuffisante de matière active à l’hectare, soit par une dispersion irrégulière des insecticides »511. Il nous est parfois difficile d’appréhender les faits imputables à une résistance réelle et ceux résultant d’une mauvaise utilisation des pesticides en cause.

Malgré les possibilités d’erreurs dans l’analyse des phénomènes relatés, l’apparition rapide d’une expression génétique différente, mise en évidence en diverses localités du territoire national, dévoile une capacité de nuisance extrêmement développée. En effet, seuls les insectes les plus nuisibles sont traités massivement. Mais, malgré l’incidence de ce problème sur le comportement des agriculteurs (et des industriels condamnés à des créations permanentes de nouvelles substances), la majorité des exemples cités dans la littérature scientifique (au moins jusqu’au milieu des années 1970) consacrent essentiellement les cas de résistances liés aux vecteurs des maladies humaines (anophèles par exemple) et vétérinaires.

Notes
506.

Philippe JAUZEIN, « La résistance des mauvaises herbes aux herbicides II », dans Phytoma, n°406, mars 1989,pp. 23-27

507.

Pierre LEROUX, « La résistance des champignons aux fongicides », dans Phytoma, février 1987, pp. 6-11 & mars 1987, pp. 31-35.

508.

Il s’agit d’une reflexion concernant la France (Leroux, 1987). Il semble que la bouillie bordelaise, entraîne des cas de sensibilité moindre dès les années 1950 aux Etats-Unis [J. TAYLOR, « The effects of continual use of certain fungicides on Physalospora obtusa », dans Phytopathology, tome 43, pp. 268-270 ].

509.

En particulier après la publication du livre Le printemps silencieux de Rachel Carson en 1963.

510.

P. DESAYMARD, « L’industrie des pesticides au service de l’agriculture et de la nature », dans Cahiers des ingénieurs agronomes, novembre 1970, pp. 19-23

511.

A.N.-F., 5 SPV 37, Courrier de J. Harranger au chef du S.P.V., 29 novembre 1967