Rome est consciente de ces rivalités qu’elle entretient car elles sont sources d’émulation581. Par exemple, chaque nouvelle mission est proposée à plusieurs congrégations qui élaborent des plans pour l’obtenir. En Afrique noire, ce mode d’attribution est à l’origine d’une compétition que se sont livrés entre autre l’ordre du St-Cœur de Marie et du St-Esprit et les Missionnaires d’Afrique duCardinal Lavigerie. De nombreux croquis, dessins et cartes ont été produits par chacun pour faire valoir ses droits car l’enjeu est éminemment territorial582.
Toute la côte atlantique de l’Afrique du Sénégal au fleuve Orange relève de la mission des Deux-Guinées, créée en 1844 et confiée aux Pères du St-Cœur de Marie. Occupant quelques sites distants de milliers de km, les missionnaires sont jugés trop peu nombreux selon leur responsable Aloys Kobès, qui conseille la Propagande en 1854 de partager le V.A. pour en confier une partie à d’autres congrégations. Les Missions Africaines de Lyon reçoivent alors le V.A. de Sierra Léone en 1856. Dans une carte adressée à la Propagande en 1862583,(cf : Carte des côtes occidentales d’Afrique ) Mgr Kobès rappelle la réalité de l’évangélisation dans sa mission. A cette échelle, les missionnaires n’occupent que quelques points isolés, rivés au littoral ; l’intérieur des terres semble inconnu, mises à part les régions d’un Niger approximativement tracé. La carte renseigne aussi sur le découpage en juridictions ecclésiastiques avec un tracé établi par la congrégation selon les textes officiels. Nettes sur le littoral, les limites s’effacent vers l’intérieur, laissant l’image d’un découpage encore incomplet. Sans véritable frontière, la mission reste délimitée par ceux qui en ont la charge et chaque congrégation est tenue d’en explorer l’intérieur pour en évaluer la profondeur et fixer ses limites. Le stationnement des Spiritains sur le littoral constitue le principal reproche que leur adresse Mgr Lavigerie, archevêque d’Alger et fondateur des Missionnaires d’Afrique, les Pères Blancs. Considérant qu’ils restent accrochés à leur littoral, il dénonce leur immobilisme et leur oppose le dynamisme de ses hommes pour lesquels il réclame un champ d’apostolat584.
Dans un mémoire adressé au préfet de la Propagande le 2 janvier 1878, l’archevêqueattire l’attention sur l’élan porté sur l’Afrique par l’Association Internationale Africaine de Bruxelles. Il s’agit de dénoncer les menaces que celle-ci fait planer sur le catholicisme par ses sympathies protestantes et dévoiler son plan d’occupation585. Utilisant le vocabulaire militaire, le cardinal se présente comme un général qui appelle à consolider les positions pour mener une conquête jusqu’à l’intérieur du continent. La situation est urgente : il faut selon lui doubler les stations prévues par l’Association internationale par des stations catholiques. La seconde partie du Mémoire traite de l’évangélisation et propose, croquis à l’appui586,(cf : , Plan du Cardinal Lavigerie pour l’érection de 4quatre vicariats en Afrique centrale ) un découpage de toute l’Afrique équatoriale en plusieurs V.A.587 à confier à ses seuls Pères Blancs.Dans l’esprit de Lavigerie, l’adjectif « équatorial » ne se limite pas à l’espace traditionnellement admis, soit l’Afrique orientale. Il faut considérer la totalité des terres situées sous l’équateur588(cf : Afrique équatoriale (centre) , Afrique équatoriale ).Il revendique alors tout l’intérieur du continent pour le partager en quatre portions, aux dimensions encore vastes, mais conformes aux missions de l’époque : 1000 km d’Est en Ouest et 2000 km du Nord au Sud, soit 2 millions de km2 environ. Quant aux missionnaires spiritains déjà présents, le plan les maintient dans une étroite bande littorale sur chaque côte. Connaissant l’attitude attentiste de la Propagande, Lavigerie s’attache à proposer un plan d’évangélisation complet et immédiatement applicable : cinquante missionnaires sont prêts au départ et deux responsables attendent que leur soient confiés ces V.A. Il ne manque que l’autorisation de Rome. Le Saint-Siège répond favorablement en créant les V.A. du Nyanza et du Tanganyka589, permettantà Lavigerie de s’autoproclamer Délégué apostolique de l’Afrique équatoriale. L’archevêque peut alors adresser son Mémoire aux œuvres charitables en leur rappelant la plus grande confidentialité, car il craint la réaction des autres instituts590.
En mars, une caravane de Pères Blancs part pour l’Afrique équatoriale. Le chemin de Zanzibar et de la côte orientale est préféré à celui de l’intérieur, jugé long et dangereux. En effet, une première tentative en 1875 était interrompue par l’assassinat de trois missionnaires au Soudan, un martyre dont leur congrégation n’aura de cesse de rappeler le souvenir591.(cf : Nord und Central-Africa , Sahara, Nord-ouest africain ) Le cardinal Lavigerie mobilise autour de cette nouvelle caravane : utilisant toute sa notoriété, il invite les conseils de la Propagation de la Foi et la Propagande à soutenir le projet592 ; des informations sont apportées régulièrement auprès des revues comme les Missions catholiques, qui relaient l’événement, présenté comme une véritable croisade portée contre le paganisme jusqu’au cœur des ténèbres. D’ailleurs, des hommes armés, les auxiliaires, accompagnent le convoi593. Les lecteurs suivent donc semaine après semaine la progression de la caravane, à l’aide de brèves ou d’images qui assurent habilement la publicité de l’entreprise594 (Cf. Annexe 17 : les caravanes de l'Afrique équatoriale ). En 1880, deux ans seulement après leur arrivée dans les grands lacs, les missionnaires produisent une carte qui prouve leurs connaissances déjà avancées de la région, en guise de titre d’appropriation595 (cf : Afrique équatoriale )
Un an plus tard, pensant neutraliser les réclamations des Spiritains, Lavigerie signe avec leurs responsables Mgr Le Berre et le RP Duparquet une convention, qui fixe leurs limites respectives et les autorise à s’installer jusqu’à vingt lieues des centres de mission déjà existants596. Mais l’accord n’est pas reconnu par la Propagande, où l’on n’admet pas d’avoir été tenu à l’écart, jugeantle comportement de l’archevêque d’Alger trop indépendant. La limite avec les missions spiritaines n’est donc pas établie. En 1883, Lavigerie lance une nouvelle caravane depuis la côte atlantique, en réalité trois missionnaires chargés de remonter le fleuve Congo pour établir une mission, à un point distant d’au moins 400 km de la côte. Il est prévu de s’installer à l’Est du Stanley Pool. Sur place, au Congo, les Spiritains prolongent leur réseau de stations en remontant le grand fleuve. Conscient de la rivalité des Missionnaires d’Afrique, le RP Augouard alerte son Supérieur en mai 1886597 : le cardinalen prend trop à son aise. La « carte à la main », il défend sa juridiction et demande qu’en haut lieu soit délimité le territoire du cardinal-archevêque. Au mois de juin, au moment où la Propagande érige le V.A. du Congo français qu’elle confie aux Spiritains, Lavigerie réagit et demande réparations. Il rappelle la promesse faite par le roi Léopold d’installer des Pères Blancs au Congo belge et le fait que de nombreux Missionnaires d’Afrique ont été envoyés dans cette région : certains y ont sans doute été éliminés par Stanley598, d’autres ont réussi à fixer une station à Kwamouth, sur la Kassaï, soit 160 km en amont du Stanley-Pool599. Surtout, il reproche au RP Duparquet de vouloir lui enlever sa juridiction : « il y a là une question d’honneur, de loyauté, d’équité par dessus laquelle le Saint-Siège ne pourra pas passer »600. Un mois plus tard, la Propagande refuse de réviser sa résolution et répond :
« le territoire réclamé par Mgr Lavigerie pour ses nouvelles missions d’Afrique était bien étendu et ses limites indiquées par lui tendaient à restreindre un peu trop les anciennes missions qui aspiraient aussi à s’étendre autant que possible vers l’intérieur »601.
Une carte qui accompagne l’actum réduit les prétentions de Lavigerie en reprenant les limites tracées par les Spiritains, à l’est du Stanley-Pool. Sur place, les Pères Blancs laissent les Spiritains s’installer à Kwamouth et se retirent sur la rive droite de la Kassaï602. Avec le Congo français, les Spiritains sont désormais les missionnaires principaux dans l’espace qui deviendra l’AEF, soit un territoire français qui ne les menacera pas et dans lequel la mission pourra s’épanouir, ce qui récompense l’aide qu’ils ont pu apporter autrefois à Brazza. L’autre rive voit la création d’une mission indépendante, le Congo belge, transformée en V.A. en 1888 duquel seront évincés provisoirement Spiritains et Pères Blancs603.(cf : Congo belge ) Cet épisode a montré la compétition engagée entre les congrégations pour le contrôle d’un territoire de mission. Le cardinal Lavigerie a privilégié une action diplomatique auprès de la Propagande et du roi des Belges, pour obtenir officiellement la direction d’un territoire. Les Spiritains ont préféré continuer la chaîne de stations créée depuis la côte et avancer par leur présence sur le terrain. Appropriation officielle, surfacique et théorique dans un premier cas, officieuse, linéaire et effective dans le second. En l’absence de dispositions précises, chacun a tenté d’occuper en premier le terrain, le plus loin possible dans l’intérieur de manière à revendiquer l’autorité sur l’espace le plus vaste. La règle du premier arrivé fait loi, comme pour les explorateurs ou les militaires. Pour revendiquer le titre, tous les arguments sont bons et même les dépouilles sont utilisées : la carte du Soudan604( cf : Sahara et Nord-Ouest africains ) montre précisément l’endroit où ont été assassinés les 3trois missionnaires de 1875, comme un jalon géographique et temporel de l’évangélisation, un point ultime atteint par la civilisation. De même, l’archevêque précise que l’un des Pères Blancs, selon lui noyé par Stanley en 1886, a péri « en un lieu situé à 715 km de l’océan Atlantique »605. « Ils ont inondé leur mission du sang des martyrs » lance Lavigerie à la Propagande606. Un siècle plus tard, la polémique est encore vive etchaque congrégation entretient la mémoire d’avoir été la première à évangéliser le territoire607.
Alors que leurs connaissances des populations et du travail à mener restent ponctuelles et encore très imparfaites, les missionnaires ont assimilé les désirs des congrégations, grisées par l’étendue des territoires africains. La taille et le nombre des territoires confiés déterminent le prestige et conditionnent le succès des congrégations, surtout pour les plus jeunes, nées au XIXè. En revanche, les plus anciennes se démarquent par une prudence qui leur font parfois décliner une offre de la Propagande, estimant leur nombre de missionnaires insuffisant ou bien la mission trop aventureuse608. Toutefois, même si cette compétition a mobilisé d’autres autorités extérieures au monde religieux609, elle n’a pas suscité de débat dans l’opinion publique et reste tue car elle porte préjudice à l’ensemble de la mission en risquant de détourner une partie de ses aides. La concurrence entre les congrégations catholiques est gommée et seule l’emporte la figure du missionnaire quand la société leur rend hommage610, plus intéressée par leur patriotisme.
C’est le point de vue de Nkulu Butombe, pour qui « la compétition religieuse apparaît comme un facteur, somme toute bénéfique, dans la mesure où elle a pu stimuler le zèle des missionnaires et accélérer l’œuvre de l’évangélisation ». NKULU-BUTOMBE Jean-Irénée, La question du Zaïre et ses répercussions sur les juridictions ecclésiastiques, 1865-1888, Kinshasa, Faculté de théologie catholique, 1982, p.160. C’est aussi la conclusion de la table ronde consacrée à l’évolution des champs d’apostolat lors de la Xè session du CREDIC : « le système mis en place en Afrique en 1846, avec ses faibles moyens en hommes et en argent, tout arbitraire qu’il ait pu paraître, a répondu correctement à l’attente de Rome et des missionnaires », in CREDIC, Des missions aux Eglises ; naissance et passation des pouvoirs, XVIIè-XXè, Lyon, Université Jean Moulin, CNRS, 1990, p.232.
La querelle a donné lieu à une importante bibliographie, différente selon les sources utilisées. Les archives de la Propagande ont été au départ exploitées par A. BRASIO, Spiritana Monumenta Historica. Séries Africana, Pittsburgh-Louvain, 1966-1970 et A. ROEYKENS, La politique religieuse de l’Etat indépendant du Congo, Bruxelles, 1965 ; une synthèse est établie par Marcel STORME, « Engagement de la Propagande pour l’organisation territoriale des missions au Congo », pp.156-193, in Sacrae Congregationis de P ropaganda F ide M emoria r erum, 1622-1972, vol. III-1 (1816-1972), Herder, Rom-Freiburg-Wien, 808 p. Les archives des Pères Blancs sont utilisées par NKULU-BUTOMBE Jean-Irénée, La question , op. cit. Celles des spiritains sont reprises par ERNOULT Jean, Les spiritains au Congo de 1865 à n o s jours ;M émoire spiritaine, études et documents, Paris, 1995, 461 p.
« Carte des côtes occidentales d’Afrique », MS-1862.
Deux ans plus tard, le Supérieur Schwindenhammer rappelle à la Propagande : « quant aux limites à l’intérieur, elles sont à peu près indéterminées ». Archives pontificales, SOCG, Africa-Angola-Congo, vol.VIII, 1861-1886, « Lettre à la Propagande, 10 juin 1864 », n°217-222.
La critique porte surtout sur la situation des Spiritains installés sur la côte orientale de l’Afrique : Zanzibar et Bagamoyo au Zanguebar sont selon lui les deux seules stations sur un littoral long de 4800 km. Il peut faire le même constat sur la côte occidentale, au sujet des stations de Libreville ou de Loango.
L’intégralité du contenu est repris deux ans plus tard dans une notice qui présente les missions d’Afrique équatoriale « à MM. les directeurs de la Propagation de la Foi » : l’Association créerait des centres d’exploration et d’influence ou « stations scientifiques et hospitalières sur certains points importants. « Les unes devraient être établies en nombre très restreint sur les côtes orientale et occidentale de l’Afrique, aux points où la civilisation européenne est déjà représentée, à Bagamoyo et à Loanda, par exemple. Elles auraient le caractère d’entrepôts destinés à fournir aux voyageurs des moyens d’existence et d’exploration (..) Les autres stations seraient établies dans les centres de l’intérieur les mieux appropriées pour servir de bases aux explorations. On commencerait par les points qui se recommandent, dès aujourd’hui comme les plus favorables au but proposé. On pourrait signaler, par exemple Oujiji, Nyangwe, Kabébé (..) Laissant à l’avenir le soin d’organiser des communications sûres entre ces stations, la Conférence exprime le vœu qu’une ligne de communications, autant que possible continue, s’établisse de l’un à l’autre océan, en suivant approximativement l’itinéraire du commandant Cameron. La Conférence exprime également le vœu que, dans la suite, s’établissent des lignes d’opération dans la direction nord-sud ». LAVIGERIE, « Lettre sur les missions de l’Afrique équatoriale, Tunis, le 26 décembre 1880 », in Œuvres choisies de son éminence le cardinal Lavigerie, Paris, Poussielgue frères, 1884, vol.1, pp.19-36.
Le croquis a été imprimé à Alger par l’archevêché. De grande taille, 58x60 cm., il se veut très visuel et ne comprend que quelques toponymes. Les fleuves sont notés quand ils sont significatifs d’une limite, tout comme les lignes astronomiques qui n’apparaissent que tous les 10° de latitude et longitude. Ainsi, la clarté du document le destine à une petite assemblée, comme la ponenza. Le dessinateur a pris soin d’oublier les autres congrégations présentes en Afrique et d’insister en revanche sur l’archevêché d’Alger, seule circonscription ecclésiastique de tout le continent. Ceci confère implicitement à son titulaire un rôle dans l’évangélisation qui ne semble rencontrer aucun concurrent. Marcel Storme en propose un schéma : « Projet pour l’érection de 4quatre vicariats en Afrique équatoriale », repris par KOREN, Les spiritains.. op. cit, « Plan du Cardinal Lavigerie pour l’érection de 4quatre vicariats en Afrique centrale », p.379.
Le statut de vicariat apostolique est préféré à ceux de provicariat et de préfecture apostolique car, selon Lavigerie, seul un Evêque disposait de l’autorité morale suffisante pour discuter avec les représentants de la maison royale de Belgique.
La dénomination est importante. Jusque-là, l’Afrique équatoriale désigne la partie orientale du continent., laissant au Gabon, Congo et Angola la partie occidentale, ce qui correspond globalement au partage entre les congrégations missionnaires. La traversée transcontinentale de Cameron, dont les écrits sont traduits en France en 1878, a comme effet de rapprocher ces espaces et brouiller les dénominations géographiques. Les cartes des Missions catholiques n’adoptent la nouvelle désignation qu’en 1918 : « Afrique équatoriale (centre) », MC-1918-294. Une autre carte en 1931 confirme le changement de taille et d’échelle : « Afrique équatoriale », MC-1931-292.
Le v.ap. d’Afrique centrale, Mgr Comboni, craignant de voir son propre V.A. entamé, émit des réserves à la Propagande. Si sa réponse se veut rassurante, la curie romaine préférait l’initiative et le dynamisme de Lavigerie. Cf. NKULU-BUTOMBE, op. cit., p.99.
Archives OPM, I-62 Correspondance avec les Spiritains, « Lettre de Lavigerie au Pdt du Conseil de l’œuvre », 4 mars 1878. La lettre qui annonce la création des deux missions est accompagnée de six exemplaires du Mémoire secret, trois pour chaque conseil, et rappelle au destinataire de ne pas le publier, « du fait de sa haute gravité ».
Par exemple, neuf ans après, l’atlas des missions catholiques de Werner mentionne le lieu de deux massacres survenus lors de la traversée du Sahara : les RRPP Bouchand, Paumier et Menaret en 1875 ; les RRPP Richard, Morat et Pouplard en 1880, in WERNER O., Katholischer Missions-Atlas, Freiburg im Brisgau, Herder, 1884, Tafel 10 « Nord und Central-Africa ». Et vingt ans plus tard, la carte des missions consacrée à l’Afrique du Nord-Ouest porte en lettres rouges avec une croix latine le lieu du martyre. Le figuré est valorisé par une légende qui l’identifie ; « Sahara, Nord-ouest africain », MC-1895-HT.
OPM, I-62 Correspondance avec les Pères Blancs. De nombreuses lettres du cardinaladressées aux présidents de l’Œuvre demandent chaque année jusqu’en 1889 une aide financière. Selon lui, elle détermineseule le nombre de missionnaires envoyés. L’auteur n’hésite pas à adresser plusieurs fois la même demande quand il juge la somme allouée insuffisante. En janvier 1887, il mandate le RP Deguerry auprès des conseils de Lyon et de Paris pour aller défendre ses réclamations.
CHEZA M., « L’accompagnement des missionnaire dans l’Afrique des grands lacs ; les cas de Joubert et Vrithoff », pp.93-103, in PIROTTE Jean (dir.), Les conditions matérielles de la mission, Actes du colloque conjoint du CREDIC, de l’AFOM et du Centre Vincent Lebbe, , Paris, Karthala, 2005.
Dans les Missions catholiques,les nouvelles des caravanes sont judicieusement annoncées au lecteur, toujours placées en première page. La rubrique s’impose aux autres informations et la revue n’hésite pas à déplacer un article, malgré son caractère inédit, pour conserver cette priorité. Par exemple, le voyage accompli par le RP Duparquet en Cimbebasie est rapporté par cinq articles et trois cartes publiés successivement à partir du n°582. Or, les nouvelles de la caravane, pourtant brèves et résumées à trois colonnes seulement, occupent la vedette du n°584, repoussant d’une semaine le troisième épisode du voyage.
« Afrique équatoriale », MC-1880-HT.
Le RP Duparquet rapporte l’entretien : « Hier vers 5 heures ½ de l’après-midi, Mgr Lavigerie Archevêque d’Alger s’est rendu au séminaire pour rendre à Mgr Le Berre et à moi-même les différentes visites que nous lui avions faites les jours précédents à son hôtel de la villa Dupont (..) Pour ce qui regarde nos délimitations, Sa Grandeur renouvela ce qu’elle avait déterminé les jours précédents, et Mgr Le Berre lui ayant demandé à ce qu’il accordât au Vicariat des Deux-Guinées, pour limite le même degré de longitude que pour la Préfecture apostolique du Congo, et en particulier la rivière Bangala comme limite orientale de sa Mission. Mgr Lavigerie accéda sans difficulté à sa demande. Sa Grandeur fut ensuite visiter le TRP Vicaire général et tous ensemble nous le reconduisîmes jusqu’à la porte de la maison. En foi de quoi je signe le présent procès-verbal. Paris, le 17 août 1881 ». Archives spiritaines, Dossier Congo, 3J1.1a3.
Archives spiritaines, Dossier Congo, 3J1.a3, « lettre d’Augouard à Mgr Le Berre », 18 mai 1886.
Lavigerie évoque le sort de l’Abbé Guyot, chargé avec l’abbé Boudonnet en 1882 de repérer les points pour fonder des stations le long du Congo : « sa mort est le résultat d’un calcul atroce ». Archives OPM, I-62 Correspondance avec les Pères Blancs, « Rapport de Lavigerie sur les missions du Haut-Congo adressé au pdt », 24 février 1885, I 9483.
Archives OPM, I-62 Correspondance avec les Pères Blancs, « Rapport de Lavigerie au pdt », 6 octobre 1886, I-496. Pour aider les RRPP Dupont, Merlon et Schynse, Lavigerie demande 30.000 F. à l’Œuvre.
La réponse qui s’étale sur 25 pages imprimées dénonce l’injustice : « un cardinal de la Sainte Eglise Romaine, membre de la Sacrée Congrégation a été, on le répète, dépouillé de son droit sans le consulter, sans l’entendre ». Archives pontificales, SOCG, Dossier Africa-Angola-Congo, vol.VIII (1861-1886), « Lettre de Lavigerie à la Propagande », 23 juin 1886, n°877-989.
Décret confirmant la M. du Congo, Archives pontificales, acta 255, juillet 1886, p onenza 25, F. 551-579.
Le RP Dupont quitte finalement la mission en mars 1887. D’après Jean ERNOUT, op. cit .
Le roi des Belges, après s’être entendu avec le pape Léon XIII, réserve son territoire à des missions belges. Nombreuses furent invitées à occuper des portions restreintes, précisément pour éviter que les protestants ne profitent d’un déploiement insuffisant. 115 sociétés de mission reçoivent alors un statut de personnalité civile par le décret du 29 décembre 1888. Le résultat est un morcellement important. En 1906, une convention accorde encore plus de pouvoir à l’Etat belge dans la direction de l’évangélisation. Voir la carte du « Congo belge », 1932, in de JONGHE Ed., Congo, revue générale de la colonie belge, 14è année, Tome 1, n°1, « les missions religieuses au Congo belge ».
« Sahara et Nord-Ouest africains », MC- 1895-HT. Leurs portraits sont repris par GROFFIER Valérien, Héros trop oubliés de notre épopée coloniale, Librairie Vitte, Lyon , 1928, 208 p.
Il s’agit de l’abbé Guyot : « Lettre de Lavigerie au Préfet de la Propagande, 9 juin 1886 », archives des Pères Blancs à Rome, A, 17, 280, rapporté par NKULU-BUTOMBE, op. cit., p.103. Mais l’accusation est contredite par les sources.
Archives pontificales, acta 263, décembre 1893, Ponenza 48, F. 536-542 « Lettre adressée à la Propagande, 1er décembre 1889 ». La missive défend alors le V.A. du Nyanza contre celui d’Afrique centrale.
D’après NKULU-BUTOMBE, op. cit., pp. 112 et 157. Le dynamisme des Spiritains à remonter le fleuve et s’installer au-delà du Stanley-Pool serait dû à l’esprit de compétition pour contrecarrer les plans de Lavigerie. L’auteur prête aussi au RP Duparquet un « comportement sournois qui ne peut tromper le lecteur attentif ». La consultation des archives spiritaines montre au contraire que le désir d’installer un réseau de stations le long du fleuve est bien plus ancien, partagé par les RRPP Carrie, Duparquet et Augouard. Archives spiritaines, Dossier Congo, 3J1.17a1, « Lettres d’exploration : Augouard, Carrie, Emonet ».
Les Jésuites, régulièrement sollicités pour reprendre une mission, comme en Afrique centrale ou au Congo, refusent pour se mettre à l’abri de l’accusation d’ « impérialisme religieux ». PRUDHOMME Claude, Stratégie missionnaire, op. cit ., p.302-304
L’affaire dépasse le cercle missionnaire et même religieux quand Lavigerie décide de faire intervenir le Ministre des affaires étrangères français en sa faveur auprès du Saint-Siège. L’événement provoque une réaction du Supérieur des Spiritains, Emonet, qui neutralise l’appui diplomatique en faisant valoir tous les bienfaits apportés par sa congrégation aux colonies françaises. Le ministre s’engage alors à ne pas intervenir. Archives spiritaines, Dossier Congo, 3J1.a3, « Lettre du RP Duparquet au RP Eschbach, 10 juillet 1886.
En témoigne le prix Audiffred accordé chaque année aux plus grands et plus beaux dévouements par l’Académie des sciences morales et politiques. En 1896, il est attribué aux missions d’Afrique, Spiritains et missionnaires d’Alger réunis. L’œuvre de chaque congrégation est présentée chronologiquement : « si les Pères du St-Esprit sont les glorieux vétérans de ces milices, on a eu raison de dire que les Pères Blancs en sont la jeune garde ». Aux seconds est reconnu le succès en Afrique équatoriale et de ses 17 stations réparties dans six missions ; aux premiers revient la gloire d’avoir fondé une chaîne de stations. Celles-ci sont présentées comme les étapes de la pénétration en Afrique, de St-Joseph de Linzolo en 1883 à 28 km de Brazzaville jusqu’à la Ste-Famille à Yokoma à 2900 km de la côte en 1895. Ceux-ci ont abordé l’Afrique par l’océan Atlantique et les grands fleuves, ceux-là ont bénéficié d’un port d’attache dans la région méditerranéenne. Enfin, les Spiritains, à l’image –largement répandue- d’Augouard, s’activent au centre du cannibalisme le plus effrené, tandis que les Pères Blancs limitent l’influence du protestantisme et des Anglais qui installent le chemin de fer. Cette présentation ne mentionne jamais les tensions entre les congrégations.