Un découpage de l’Afrique en juridictions ecclésiastiques

Un critère pour évaluer l’évangélisation

La comparaison des missions d’Afrique à des dates différentes mériterait de longues analyses car ces découpages sont le résultat de nombreuses histoires, coloniales puis nationales. Notre objectif est de rendre compte du point de vue suivi par Rome, à la fois global et distancé, sans entrer dans les détails des situations locales. En reprenant les cartes proposées par Bouchaud en 1959, qui montrent les missions d’Afrique en 1846, 1887, 1900 et 1932 (Cf. Annexe 21 : le découpage de l'Afrique en champs d'apostolat ), on peut soulever trois remarques. Tout d’abord, conformément à la conception du territoire, tout l’espace relève d’une autorité religieuse et aucune parcelle de terre n’échappe au maillage catholique.

Ensuite, le découpage produit un morcellement de l’Afrique en juridictions ecclésiastiques : 11 en 1846, 44 en 1887, 67 en 1900 et une 100aine en 1932. Comme ce découpage répond à une demande des congrégations quand elles estiment que leur mission a atteint une maturité suffisante, il sert d’indicateur pour évaluer l’évangélisation, selon le principe suivant : plus une mission est découpée, plus l’encadrement missionnaire se densifie, plus l’évangélisation gagne en profondeur. Ainsi, comparer les cartes les unes par rapport aux autres permet d’établir un rythme d’évangélisation. Le découpage dépend aussi du peuplement : le morcellement est maximal dans l’Afrique la plus densément peuplée, notamment dans sa zone équatoriale limitée par les parallèles 10°N et 10°S. La densité humaine y est telle qu’elle justifie un déploiement missionnaire important, comme l’illustre le Congo belge, divisé en 28 circonscriptions704.(cf : Congo belge ) A l’inverse, les champs d’apostolat situés dans l’Afrique désertique, parce qu’ils comportent peu d’habitants, ont été épargnés par le découpage. Ceci explique la longévité des V.A. d’Afrique centrale ou du Sahara705.

Enfin, l’essentiel du découpage se produit entre 1846 et 1887. A cette date, seul l’intérieur des missions du Sierra Léone et de la Côte d’or et Côte d’Ivoire n’est pas déterminé, notamment avec la vaste P.A. du Sahara. Partout ailleurs, toutes les missions se joignent de manière à ne laisser aucun espace interstitiel. C’est vers 1880 que se produit l’attribution du centre de l’Afrique : avec l’érection des V.A. d’Afrique équatoriale et les missions sur la rive droite du Congo s’effectue la jonction des missions de l’Est et de l’Ouest. Ce découpage précède celui de Berlin en 1885, qui délimite les zones d’influence coloniales. Puis, Rome a tenu à faire correspondre les limites des missions à celles des colonies, pour que l’apostolat bénéficie des meilleures conditions possibles. Mais le morcellement continue et divise encore les missions. Il dépasse le partage colonial pour accompagner le découpage administratif intérieur, comme la mise en place des cercles ou des districts dans les colonies françaises. Mais, à l’inverse de la hiérarchie coloniale, le rapport établi par Rome est plus direct : chaque nouvelle mission ne dépend que de l’autorité romaine qui la traite sur un pied d’égalité avec les autres. La conception de l’espace pour le Saint-Siège et pour le colonisateur est nettement distincte. Rome renouvelle pour chaque mission son autorité, directe et entière, alors que la puissance coloniale instaure une hiérarchie à travers un édifice administratif de responsabilités.

Notes
704.

Voir la carte du «  Congo belge   », 1932, in de JONGHE Ed., Congo, revue générale de la colonie belge, 14è année, Tome 1, n°1, « les missions religieuses au Congo belge ». Une autre explication réside dans le choix politique d’impliquer toutes les congrégations belges, ce qui obligeait à découper le territoire.

705.

Le P.A. du Sahara et du Soudan reste inchangé de sa création en 1868 jusqu’en 1901, date de l’érection du Soudan français. Quant au V.A. d’Afrique centrale, érigé en 1846, il échappe pendant près de 70 ans à la division ; en 1913 s’en détache le P.A. du Bahr-el-Ghazal.