Les portails Lyon 2 :
Intranet
-
Portail Etudiant
-
www
Petites exploitations rurales en pays basque français (1850-1900)
par BACQUE épouse COCHARD Martine
-
2004
-
Université Lumière Lyon 2
Menu
Présentation générale
Consulter le document
Versions imprimables
Contact
Table des matières
Tableaux
Page de titre
INTRODUCTION
1. Une société sans histoire ?
2. La pérennité de la petite exploitation rurale
3. Des choix de méthode : micro-analyse et récit biographique
4.Ascain et Hélette : les hommes et les terres
PREMIERE PARTIE. PéRENNITé DE LA PETITE EXPLOITATION RURALE
CHAPITRE 1. ESSAI D'APPROCHE STATISTIQUE
1. A l'échelle du Pays basque : les enquêtes agricoles décennales
2. A l'échelle de la commune : identifier et dénombrer les exploitations
3. A l'échelle de la commune : évaluer la taille des exploitations
Par la superficie cultivée
Par la force de travail
4. A l'échelle de la commune : tracer la trajectoire des exploitations
CHAPITRE 2. APPROCHE LONGITUDINALE : TRAJECTOIRES CROISéES
1. Haranederrea (Ascain) Voir l'arbre généalogique en annexe (2). : une trajectoire linéaire
Un grand domaine paysan
A chaque génération, un héritier et successeur unique
1834 : Marie Sougarret
1857 : Dominica Heuty
1893 : Jean Gracy
Propriété et exploitation
1ère évaluation : 1834
2ème évaluation : 1849-1853
3ème évaluation : 1876-1878
4ème évaluation : 1903-1906
Le changement agricole
"Notables" paysans : rentiers ou animateurs ruraux ?
2. Erraya (Hélette) : une métairie démantelée
1801-1834 : une propriété instable
1834-1859 : Jean-Baptiste Oyharçabal, propriétaire-rentier
1859-1862 : le démantèlement
Les trois exploitations voisines
Les six artisans
3. Ospitalia (Hélette) : une trajectoire accidentée Voir en annexe : généalogie foncière (6); propriété et utilisation des terres (7).
1807-1847 : une fratrie de célibataires
1847 : une succession hors normes
1854-1867 : émigration temporaire
1867-1885 : stabilisation
4. Milorbaïta (Ascain) Voir l'arbre généalogique en annexe (8). : disparition d'une micro-exploitation
Une micro-exploitation pluriactive
Une base de repli
Des successions tardives
1ère génération
2ème génération
Disparition de l'exploitation
Une descendance dispersée Voir tableau en annexe (10).
5. Urritxagacoborda (Ascain) : ascension d'une famille de métayers Voir en annexe : généalogie foncière et familiale (11).
La borde d'Urritxaga
A la croisée de trois destins familiaux
Les Chardiet : déclin d'une famille de marins
Les Luberriaga : ascension d'une famille de métayers
L'alliance avec les Aramendy
Une ascension collective
1864 : Urritxagacoborda
1877 : Apitouchenborda
1881 : Achaflabaïta
Conclusion : une histoire éclatée ?
Chapitre 3. Approche transversale : une économie familiale
1. Le budget d'Etcheederrea (Ainhoa, 1856) "Paysans du Labourd (Basses-Pyrénées, France). Renseignements recueillis sur les lieux en juin 1856 par MM. A.de Saint-Léger C.D. et E.Delbet D.M.", Les ouvriers des deux mondes, Première série, Tome 1, Tours, Mame, 1857, pp. 161-220.
Une maison pyrénéenne : des terres et des hommes
Des activités étroitement imbriquées
La part des travaux domestiques
Les travaux du jardin et de la basse-cour
Les travaux des champs
L'élevage
Les transports
Autoconsommation et marchés
Une exploitation déficitaire... mais viable
2. Les comptes de tutelle d'Errecartia (Hélette, 1868-1876)
Une maison en déclin Voir arbre généalogique en annexe (13).
Une exploitation supérieure à la moyenne
La part de l'élevage
Une exploitation déficitaire
3. Le dossier de concours de Goyty (Beguios, 1905)
Une grande métairie
Un propriétaire actif
Des métayers stables
Conclusions : souplesse de l'économie paysanne
Résistance à la conjoncture
Un idéal d'autosuffisance
Ouverture aux marchés
Un large accès au crédit
La petite exploitation est-elle rentable ? Déficit et destin familial
Conclusion de la première partie : Stabilité et dynamisme de la petite exploitation
DEUXIèME PARTIE. LE CHAMP DES POSSIBLES : STRATéGIES FONCIèRES
Chapitre 4. la circulation familiale des terres : Des modalités souples
1. Le modèle idéal : le système à maison
2. Ithurburua (Hélette) : des arrangements de famille
Arrangements avec les lois révolutionnaires
Arrangements avec le Code civil
Arrangements matrimoniaux
Arrangements au sein de la parenté
3. Etchegaraya (Ascain) : échec d'une transmission
Un mariage excessivement tardif Voir en annexe : arbre généalogique d'Etchegaraya (5).
Mésalliance et dissensions familiales
Vente aux créanciers
4. Chetabebaïta (Ascain) : le poids de la démographie
Première succession (1838-1859) : un remariage et un partage Voir en annexe : arbre généalogique (6) et schéma de la circulation des terres (7).
Deuxième succession (1865-1888) : l'héritier ne prend pas la succession
Troisième succession (1898-1906) : le successeur n'est pas propriétaire
5. Lekheroa (Hélette) : des stratégies de mobilité
Une très petite propriété Voir en annexe : arbre généalogique de Lekheroa (8).
Une nièce pour héritière Voir en annexe : Lekheroa, circulation familiale des terres (9).
Le démantèlement de Landartia
Un gendre bien doté
6. Ansorloa (Ascain) : de la mer à la terre
Les Mauléo, une famille de marins Voir en annexe : descendance de Dominique Mauléo et Dominica Durquiet (10).
Le partage d'Izotxaguerrea (1822) Voir en annexe : circulation familiale des terres (12).
Le partage d'Harispea (1862)
Les deux partages d'Ansorloa (1882 et 1888)
Le second partage d'Izotxaguerrea (1925)
Conclusions : la part de l'héritage
Domination du système à maison
Souplesse des modalités de transmission
La circulation par le marché et la parenté
La paradoxale dynamique du système à maison
Chapitre 5. Un accès élargi à la terre
Hélette
1. Le domaine de Pierre Larre, médecin à Hélette Voir tableau 1 en annexe : la propriété de Pierre Larre (1813-1911).
A - Un notable rural
B - Une demande solvable
2. Sansoenea : une petite exploitation en ascension
Jean Larteguy I (1815-1856) Les dates du "règne" correspondent à la période d'activité sur le marché foncier. Sauf décès prématuré, elle commence au mariage et se termine au mariage du successeur. Voir arbre généalogique en annexe (5). : agrandissement et remembrement
Lorsqu'il prend la succession de Sansoenea en 1815, Jean Larteguy (1788-1856) bénéficie d'un double avantage. Seul héritier de son père tôt décédé, il prend très jeune la direction effective de l'exploitation : moyennant son gîte et son couvert, sa mère lui abandonne son droit d'usufruit lors de son mariage Jeanne-Marie Etcheverry abandonne à son fils la jouissance de la moitié des biens de son mari "pour et moyennant 24 décalitres de mays ou millocq et 16 décalitres de froment [...] chaque année pendant sa vie [...] Il sera permis à la même Etcheverry de prendre dans le jardin de son fils toutes les légumes qu'elle aura besoin, de mettre son pot à son feu, de boire de son cidre, de se servir de tous les ustensiles de cuisine, d'exploiter la chambre qu'elle occupe présentement avec son lit, de tenir un cochon à la porte et six poules." Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8874 : contrat de mariage du 24 juillet 1815. . Surtout, il n'a pas de cohéritiers à indemniser et la dot de 3 000 francs, dont 2 100 francs en numéraire, apportée par son épouse Marie Haran peut être entièrement investie dans l'exploitation.
L'essentiel de ses investissements est tourné vers la terre. Il laisse à son décès un cheptel agrandi de deux vaches, un veau et trente brebis (500 francs), ainsi qu'une belle charrette (200 francs) et des économies placées en créances (2 050 francs). Mais la moitié de sa succession, d'une valeur de 20 000 francs, est constituée par les 20 hectares acquis de 1821 à 1856 Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutation par décès du 1er mai 1857. .
Cette génération a d'abord bénéficié, dans les années 1840, du démantèlement des deux anciennes maisons nobles d'Aguerria et de Santamaria Voir chapitre 1 : Erraya, une métairie démantelée. . Aguerria, accablée de dettes, est vendue en 1840 en neuf lots. Jean Larteguy fait à cette occasion l'achat pour 1 050 francs, versés aux créanciers, d'une grande fougeraie de quatre hectares proche de son exploitation Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8934: vente du 13 avril 1840. . A la même époque, les héritiers de Santamaria se défont peu à peu de leurs dépendances. Achetée par Pierre Larre Voir ci-dessus : le domaine de Pierre Larre, médecin à Hélette. en 1844, la métairie de Charaosteguia est partagée l'année suivante entre les deux propriétés limitrophes : Sansoenea s'agrandit de trois parcelles (1,2 hectare), mais doit en laisser autant à ses voisins de Saldundeguia pour leur permettre de désenclaver deux labours excentrés.
Trois ans plus tard, les difficultés de la maison Errecartia offrent une nouvelle occasion d'agrandissement. Errecartia, propriétaire de 56 hectares, est une des "bonnes maisons" de la commune, mais vit depuis longtemps au-dessus de ses moyens Voir chapitre 3 : les comptes de tutelle d'Errecartia. . Contrainte de rembourser rapidement une vieille dette Cette dette de 4 200 francs court depuis 1830. C'est sans doute le départ pour Montevideo d'un des héritiers de la créance qui en a précipité le remboursement. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8881 : quittance du 9 juillet 1848. , elle doit mettre en vente en 1848 l'une de ses deux métairies, Ipharraguerria, qui touche aux terres de Sansoenea. Or les acheteurs sont peu nombreux en cette période de crise agricole Comme partout, "l'agriculture est en souffrance", constate l'enquête de 1848. La crise industrielle et agricole qui sévit depuis 1846 nuit au marché foncier : devant la difficulté à trouver des acheteurs, on voit ainsi s'effondrer en 1848 la valeur de la terre dans la région alpine. Arch. nat. C 962 : enquête industrielle et agricole de 1848. Basses-Pyrénées. Philippe VIGIER, Essai sur la répartition de la propriété foncière dans la région alpine, ouvrage cité, pp. 210-214. . Jean Larteguy bénéficie cette fois d'une conjoncture défavorable, et peut acheter à un prix particulièrement bas la totalité de la métairie Les dix hectares d'Ipharraguerria, dont près de quatre sont cultivés, se vendent 5 600 francs, soit 560 francs l'hectare. Or le prix moyen des exploitations de Hélette pour la période 1835-1859 est trois fois plus élevé. (Voir tableaux 20 à 24 en annexe : le prix de la terre). Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8942 : vente du 20 mai 1848. , dont la plus grande partie est rattachée à son exploitation Les listes nominatives de recensement indiquent qu'Ipharraguerria est occupée par des métayers. Mais les ménages recensés, instables et peu nombreux, ne disposent pas d'une main d'oeuvre suffisante pour assurer l'exploitation de la métairie. La déclaration de succession de Marie Haran par ailleurs présente la propriété comme "formant un seul corps de domaine". Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutation par décès du 3 octobre 1884. . La crise passée, il doit payer cinq fois plus cher deux minuscules parcelles enclavées dans la métairie, propriété du vétérinaire Franchisteguy "Une contenance de terre de 18 ares qui se trouve en jardin, pré, terre vague avec quatre châtaigniers le tout exploité par le métayer de la maison qui fait l'objet de cette vente est en dehors de cette vente, attendu que cette contenance de terre appartient à sieur Bernard Franchisteguy vétérinaire propriétaire de la maison Chistela", précisait l'acte de vente de 1848. En 1853, Jean Larteguy doit débourser 500 francs pour l'achat de ces 18 ares, dont le vendeur se réserve encore les quatre pieds de châtaigniers et un cerisier. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8942 et 8882 : ventes des 20 mai 1848 et 16 janvier 1853. .
Il faudra aux Larteguy une beaucoup plus longue patience pour s'approprier peu à peu les terres des micro-exploitations voisines. La forge de Jean Acheritogaray, propriétaire de Mougnoteguia (1,8 hectare), cesse ses activités à la fin des années 1840. Le forgeron devenu journalier et son fils tisserand doivent emprunter 600 francs à Pierre Larre en 1845, puis se défaire d'une pâture l'année suivante. En 1849, pour payer ses dettes, Jean Acheritogaray se résout à vendre à Sansoenea un pré et un labour qui viennent prolonger les parcelles achetées en 1845 Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8881 : vente du 23 février 1849. . Mais, grâce à un arrangement familial, Mougnoteguia échappe pour une génération encore à la convoitise de ses voisins : Jean Acheritogaray vend à son neveu Pierre Dumon, charpentier, la moitié de sa micro-exploitation de 42 ares Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8883 : vente du 2 octobre 1854. . La maison, divisée en appartements, abrite jusqu'à cinq ménages de cousins, tous artisans ou journaliers Au recensement de 1861, la maisonnée compte onze personnes. Pierre Acheritogaray et son épouse sont tisserands ainsi que leur cousin Arnaud Dumon, qui emploie deux ouvrières. Pierre Dumon est charpentier. Deux Marie Dumon sont journalières et célibataires. .
Pourquoi Jean Larteguy jette-t-il ensuite son dévolu sur les 38 ares de Curutchaga ? En 1854, il achète à réméré à Jeanne Ainciburu, une fileuse âgée et célibataire, la "maisonnette appelée Curutchagacocostera avec son devant de porte et un jardin y attenant... confrontant du nord et levant à maison Curutchaga, mur mitoyen entre, du couchant à maison Haramburu et route impériale, et du midi à fonds dudit Larteguy" Conformément au Code civil, la vente à réméré laisse au vendeur une faculté de rachat pendant cinq ans. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8883 : vente et bail du 9 janvier 1854. . L'acquisition est modeste, et sans intérêt immédiat. Du reste, Jean Larteguy baille immédiatement la maisonnette à son ancienne propriétaire pour les cinq ans du réméré, et n'en a que la propriété précaire pendant trois ans : Jeanne Ainciburu disparaît avant la fin du réméré, et c'est finalement son voisin immédiat, propriétaire de l'autre partie de la maison, qui emporte le marché Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8884 : vente du 18 juin 1857. . L'opération se solde en définitive par un simple prêt d'argent à une voisine dans la détresse "entretenue par la charité publique" Arch. com. Hélette : liste nominative de recensement de 1856. : les Larteguy, qui ont acheté la maisonnette 450 francs en 1854, reçoivent trois ans plus tard 570 francs, soit leur capital augmenté de l'intérêt légal de 5% et des frais de notaire et d'enregistrement.
L'achat à réméré pourtant n'est pas un simple crédit hypothécaire et peut être interprété, dans le cadre d'une stratégie de remembrement, comme une opération foncière avortée. L'annexion de Curutchaga en effet aurait pu permettre à Jean Larteguy de franchir une nouvelle étape dans la constitution d'un domaine d'un seul tenant, si elle ne s'était heurtée à la résistance des micro-exploitants : comme Mougnoteguia, Curutchaga reste jusqu'à la fin du siècle une micro-exploitation où se succèdent un cantonnier, un charpentier, un douanier, un épicier, des journaliers. La part d'incertitude est grande sur un marché foncier où s'affrontent les logiques concurrentes des propriétaires voisins. Elle marque plus encore les stratégies foncières de la génération suivante.
Jean Larteguy II (1857-1890) Voir arbre généalogique (5) et plan (7) en annexe. : une forte concurrence
Cette génération est particulièrement nombreuse : dix enfants nés entre 1821 et 1840 survivent à leur père en 1856. C'est au prix d'un impitoyable sacrifice des filles et des cadets que la maison parvient pourtant à poursuivre son ascension dans un contexte de forte concurrence pour la terre et de hausse des prix.
Jean Larteguy, l'aîné des garçons, est désigné par testament comme le successeur de son père Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8883 : testaments du 2 novembre 1856. . Deux de ses frères cadets seulement sont établis, avec des héritières de communes voisines. L'émigration offre au troisième une issue aléatoire, tandis que les six soeurs restent toutes célibataires Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutations par décès des 21 décembre 1860 et 3 octobre 1884. III-E 18435 : contrat de mariage du 16 décembre 1869. III-E 18046 : vente du 3 février 1886. . En 1857, le contrat de mariage de l'héritier prévoit que chacun de ses co-héritiers recevra 1 200 francs, en partie payés par la dot de 6 000 francs de son épouse Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8884 : contrat de mariage du 1er juillet 1857. . Mais leur indemnisation est tardive et très incertaine. Magna et Marieder décèdent jeunes, sans avoir touché leur part. Jeanne, restée à Sansoenea où elle s'engage "à travailler pour le compte de son frère", renonce officiellement à ses droits en échange d'une petite rente viagère et de sa nourriture Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18042 : vente du 8 mars 1873. . Ce n'est qu'après le décès de sa mère en 1884 que Jean Larteguy, âgé de plus de soixante ans, dédommage ses six autres cohéritiers. La part de chacun est fixée à 4 000 francs, mais presque tous déclarent avoir reçu "avant ce moment" une partie de leur dû, et se contentent d'une somme très inférieure : devant le notaire, Jean Larteguy ne verse que 7 200 francs Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18046 : vente du 3 février 1886. .
Il est probable que cette succession a été peu coûteuse, et en grande partie compensée par la dot de son épouse Marie Garra. Première d'une série d'alliances avec une maison de l'oligarchie foncière et politique de la commune, le mariage de Jean Larteguy avec Marie Garra en 1857 consacre la réussite de Sansoenea et lui ouvre en 1871 les portes du conseil municipal : son beau-père Jacques Garra, aubergiste sur la place du village, est aussi propriétaire de plus de 30 hectares, et maire depuis 1852 Voir biographie d'Irigoinia : chapitre 8. .
Jamais sans doute l'exploitation n'a été si prospère. Jean Larteguy s'oriente vers le commerce des bestiaux et possède un important cheptel, dont la valeur atteint près de 14 000 francs lorsqu'il marie son fils en 1891 Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18094 : contrat de mariage du 19 mars 1891. . Il nourrit alors à Sansoenea trois paires de boeufs, deux paires de vaches, deux veaux, trois juments et 170 moutons. Il a en outre placé chez plusieurs cultivateurs, sous forme de bail à cheptel Les baux ne sont pas toujours écrits. On n'en trouve dans les archives notariales que quelques traces tardives. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18047 : bail à cheptel du 23 mai 1891 (165 brebis et moutons et une jeune mule, d'une valeur de 2 783 francs, placés à Hasparren); bail à cheptel du 7 novembre 1891 (un petit troupeau de trente brebis d'une valeur de 300 francs placé à Cambo). , une douzaine de bovins et 330 brebis. Les bénéfices de l'exploitation sont considérables, et en partie transformés en créances. En 1875, Jean Larteguy fait signer à un propriétaire d'Armendarits une reconnaissance de dette de 10 000 francs, pour "prêt antérieur" Les prêts de cette importance sont rarement verbaux et se font habituellement devant notaire, sous forme de crédit hypothécaire. Cette reconnaissance de dette, qui suit de peu la mort de Pierre Larre, laisse à nouveau penser qu'il existait à Hélette un puissant circuit parallèle de l'argent. . En 1893, il partage avec son fils 41 500 francs de créances, dont plus de la moitié sont verbales Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18047 : partage du 22 avril 1893. . Mais si cette génération développe plus que la précédente les investissements mobiliers, elle ne se montre pas inactive sur le marché foncier où Jean Larteguy tente de poursuivre la politique de remembrement de son père.
Il parvient d'abord, par l'intermédiaire du crédit, à s'approprier quelques ares supplémentaires de Mougnoteguia. Son voisin Pierre Acheritogaray, dont son père était créancier, lui vend pour rembourser sa dette un petit labour et une vasière qui jouxtent les terres de Sansoenea. Mais on n'affame pas ses voisins : Jean Larteguy afferme la pièce de terre vendue à ses anciens propriétaires Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8883 et 8884 : obligation du 6 mars 1855; vente, bail et quittance du 23 janvier 1857. . Il peut attendre, les tisserands disparaissent peu à peu de la commune. Neuf années encore, et il peut acheter pour 950 francs les droits du fils aîné de Pierre Acheritogaray, parti s'embaucher dans une des cordonneries du bourg industriel d'Hasparren Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8887 : vente du 26 août 1866. . Son cadet établi comme cantonnier, sa fille mariée à un douanier, Pierre Acheritogaray vend à son tour sa part, quinze années de patience plus tard, à l'âge de 72 ans Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18044 : vente du 7 septembre 1881. Arch. com. Hélette : registres des mariages et listes nominatives de recensement. . Jean Larteguy a désormais la propriété de la moitié de Mougnoteguia : l'autre moitié est toujours occupée par un vieux tisserand, Arnaud Dumon En 1868, le charpentier Pierre Dumon afferme à son cousin Arnaud Dumon la part de la maison, du jardin et du pré qu'il a achetée en 1854. Arnaud se chargera des "réparations nécessaires pour y établir une étable, un atelier de tissage, et une fenêtre pour éclairer ce dernier lieu". Il s'engage à donner à son cousin, qui se réserve une chambre et un espace pour son atelier dans le vestibule, "une assiettée de soupe par jour [...] quand ce dernier travaillera ou sera autrement à la maison, et de lui réserver toujours une place à son foyer". En 1870, Arnaud achète leurs parts aux trois héritiers de Pierre : Marie, domestique à Hélette, Gracianne, religieuse à Ossès, et Pierre, ouvrier à Montevideo. Il poursuit jusqu'à sa mort en 1894 son activité de tisserand et l'exploitation de Mougnoteguia. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8887 : bail à loyer du 14 février 1868. III-E 18042 : quittance du 3 juillet 1875. 269-Q-1 à 46 : mutations par décès des 19 février 1869 et 30 novembre 1894. Arch. com. Hélette : listes nominatives de recensement. .
L'occasion suivante est offerte par le démantèlement de la métairie d'Erraya, proche de ses pâtures Voir chapitre 2 : Erraya, une métairie démantelée. . Jean Larteguy semble hésiter : Erraya ne touche pas à ses terres, peut-être aussi ses propriétaires, qui profitent d'une forte demande pour la vendre par portions de parcelles, en demandent-ils un prix trop élevé. Le premier acquéreur est un fabricant d'espadrilles, en 1859, suivi en 1861 par un maçon et un aubergiste, puis un épicier. Le plus beau pré est vendu à un voisin près de 4 000 francs l'hectare, un prix exorbitant. Jean Larteguy est parmi les derniers à se décider : pour 1 750 francs, il achète en 1862 la maison et 62 ares de pré et de labours attenant, enclavés au milieu des terres des autres acquéreurs, ainsi qu'une grande pâture. La logique de cet achat n'est pas évidente, et tient sans doute davantage du pari que de l'opération spéculative : Jean Larteguy pouvait nourrir l'espoir, en rachetant peu à peu les trop petites parcelles des artisans, de réunir un jour Erraya à ses pâtures pour poursuivre le remembrement de son exploitation. Espoir déçu : les parcelles convoitées circulent dans le marché clos du groupe des artisans, et se concentrent entre les mains d'un boucher et d'un forgeron. Jean Larteguy renonce et revend Erraya à un tanneur en 1876, avec une considérable plus-value La maison et les parcelles cultivées sont vendues 3 800 francs, mais Larteguy se réserve la pâture. La plus-value est donc de l'ordre de 140 %. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18042 : vente du 22 avril 1876. .
Dans le même temps, Jean Larteguy cherche à s'étendre au détriment de Cemelaria, dont les terres bordent sa propriété au nord et se poursuivent vers le sud en direction d'Erraya : cette tentative n'est guère plus fructueuse, et sans doute faut-il lier ces deux échecs simultanés. Cemelaria est comme Errecartia une ancienne maison, riche de plus de 30 hectares, mais lourdement endettée. Les décès successifs du propriétaire et de son gendre en 1859 et 1860 laissent dans une situation très critique Marianne Durrels, jeune veuve chargée de cinq enfants qui doit contracter de lourds emprunts pour indemniser ses co-héritiers. Elle vend plus de quatre hectares de pâtures en 1861, puis un pré l'année suivante Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutations par décès des 9 mars 1860 et 23 mai 1861. III-E 8881 : obligation du 1er juillet 1848. III-E 8883 : quittances du 22 mars 1853. III-E 8884 : obligation du 25 novembre 1857. III-E 8885 : vente du 23 janvier 1861; obligation, vente et quittances du 29 juin 1861; quittance du 19 juillet 1861. III-E 8886 : obligation du 7 octobre 1864. . En 1865, Jean Larteguy accorde d'abord à sa voisine un important crédit hypothécaire de 4 500 francs Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8955 : quittance du 30 avril 1870. . Puis il lui achète quelques terres : une pâture, une grange et un petit pré situés sur les hauteurs, une portion de parcelle qui vient agrandir son labour, un droit de jouissance sur un chemin pour "y étendre du soustrage, y ramasser des boues" Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8887 : vente du 15 octobre 1866. . A nouveau, la vente se fait sous faculté de rachat, limitée à deux ans, et est assortie d'un bail en faveur de la venderesse. Mais celle-ci est rapidement acculée à la faillite, et trouve un acquéreur prêt à acheter la totalité de ses propriétés, mobilier compris Marianne Durrels ne garde que la jouissance viagère d'une maisonnette et de son jardin, avec "le droit de tenir huit poules et un coq [...] un cochon avec la paille pour faire sa litière" et "de cuire ses comestibles au four de Cemelarria avec l'acquéreur dont le combustible sera fourni par lui". L'acquéreur s'engage en outre à lui fournir chaque année deux hectolitres de froment, huit décalitres de maïs, et deux charretées de bois. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8955 : vente du 19 mars et vente mobilière du 26 mars 1870. : Jean Choutchourrou, cadet d'une maison d'Ossès, "nouvellement rentré de Buenos Ayres" avec une petite fortune mobilière qui lui permet d'accéder à la propriété "Les frères Choutchourrou ont passé quelques années à Buenos Ayres. Jean dit Manès Haurra en est rentré avec sa femme il y a environ deux ans et s'est établi dans sa maison natale [...] Jean son frère en est rentré il y a environ deux mois." A son décès l'année suivante, Jean Choutchourrou est encore en possession d'une inscription de rente d'une valeur de 6 100 francs, d'une lettre de change de 6 000 francs, et de quatre obligations de 500 francs de la Société algérienne. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8955 : échange du 5 avril 1870. III-E 18149 : inventaire du 7 août 1871. . Cemelaria est semble-t-il bradée : les 30 hectares se vendent 22 000 francs, très au-dessous du prix du marché Voir tableaux 20 à 24 en annexe : le prix de la terre. , juste de quoi rembourser des créances dont le montant atteint 20 273 francs La gestion de Marianne Durrels a semble-t-il été catastrophique. Faute d'avoir fait établir un inventaire après le décès de son mari, elle a perdu tous ses droits de jouissance et de propriété et doit à ses enfants 7 892 francs dont elle ne dispose pas. Son beau-frère, nommé tuteur des enfants encore mineurs en 1871, négocie un arrangement avec les Choutchourrou qui versent officiellement 4 000 francs en 1872. Mais sans doute une partie de la transaction est-elle officieuse : trois ans plus tard, la fille aînée de Marianne Durrels apporte en mariage une dot de 25 000 francs "en deniers comptants". Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8955 : vente du 19 mars 1870 et quittances du 30 avril 1870. III-E 18149 : liquidation du 1er décembre 1871. III-E 18042 : transaction du 19 décembre 1872. III-E 18441 : contrat de mariage du 17 mai 1875. 4U12/28 : conseil de famille du 15 mai 1871. .
La forte demande des émigrés, qui achètent en bloc les exploitations en difficulté, pèse manifestement sur le marché. En 1879, c'est Caminoa, également limitrophe de Sansoenea, qui est achetée par Pierre Salaberry, "charretier demeurant autrefois à Buenos Ayres" : il épouse la fille de la maison, et paie les dettes de ses beaux-parents Après cet achat, d'un montant de 13 000 francs, Pierre Salaberry possède encore lors de son mariage 16 000 francs en "créances, sommes et valeurs en portefeuille". Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18044 : ratification du 21 juin, vente du 18 décembre et contrat de mariage du 22 décembre 1879. . Il devient difficile pour les propriétaires d'agrandir leur domaine de quelques parcelles, et la concurrence est rude. En 1871, Jean Larteguy est contraint d'acheter un pré éloigné de son exploitation Arch. com. Hélette : matrices cadastrales. . En 1885, il prend par le biais du crédit une option sur Istillartia. Depuis longtemps déjà ses voisins et créanciers attendent la vente de cette micro-exploitation de trois hectares, propriété indivise de trois soeurs journalières et fileuses, dont les jours sont comptés Dès 1855 Jean Acheritogaray, propriétaire d'Etchegoyenea, a pris en échange d'un prêt de 700 francs une option sur la vente d'Istillartia : "Si les soeurs Aguerre prenaient la détermination de vendre [...] elles prennent l'engagement de donner préférence audit Acheritogaray à prix égal". Mais les soeurs sont parvenues à rembourser leur créancier, puis se sont brouillées avec lui pour deux branches de frêne qui les ont menées en justice. Gratianne Aguerre décède en 1878, sa soeur Dominica en 1888. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 8883 : obligation du 27 décembre 1855. III-E 8886 : quittance du 9 janvier 1864. 4U12/26 : affaire du 24 septembre 1868. 269-Q-1 à 46 : mutations par décès des 25 avril 1885 et 9 juillet 1888. . Jean Larteguy leur prête 1 700 francs en 1885, puis 1 100 francs en 1888 Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18045 et 18046 : obligations des 12 décembre 1885 et 7 juillet 1888. . Istillartia est pourtant assez éloignée de Sansoenea, et son achat ne présenterait à première vue guère d'intérêt pour Jean Larteguy. Mais il a pu nourrir le projet de réunir ses terres à celles d'Acaboteguia, exploitation limitrophe dont les propriétaires viennent de disparaître sans descendance Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutations par décès des 30 décembre 1870 et 5 août 1882. . Opération foncière ou simple crédit ? L'issue de l'opération ne permet pas d'en décider : c'est une fois encore un émigré, tout juste rentré de Buenos Aires avec sa famille, qui prend possession d'Acaboteguia L'acquéreur, Bertrand Salaberry, est le frère de Jean Salaberry, qui a fait l'achat de Caminoa à son retour de Buenos Aires en 1879. La liste nominative de 1906 indique que quatre enfants de Bertrand sont nés à Buenos Aires entre 1877 et 1888. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18046 : vente du 24 décembre 1888. Arch. com. Hélette : listes nominatives de recensement. , et Jean Larteguy renonce à son possible projet au profit de son concurrent d'Etchegoyenea Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18046 : vente du 27 janvier et quittance du 2 février 1889. Voir biographie d'Etchegoyenea : chapitre 7. .
D'anticipations déjouées en tentatives avortées, cette génération est finalement parvenue, au terme d'une politique foncière aux méandres incertains, à agrandir Sansoenea de quelques cinq hectares. Au regard des vingt hectares achetés par la génération précédente, le bilan paraîtrait maigre si l'on ne prenait en compte l'ensemble de la propriété familiale. Aux acquisitions de Jean Larteguy s'ajoutent en effet celles de sa soeur aînée Marie, rentière à Bayonne Le sort de Marie Larteguy est assez mystérieux. Epouse de Laurent Barnetche selon le cadastre, elle apparaît toujours comme célibataire dans les actes notariés comme dans sa déclaration de succession. D'après un testament olographe déposé après sa mort en 1896, elle lègue ses biens à sa nièce Marianne, fille cadette de Jean Larteguy. Mais la mutation n'est pas enregistrée au cadastre, et un Laurent Barnetche devient en 1923 propriétaire des dix hectares d'Ipharraguerria : la succession est douteuse, et le partage de 1923 le fruit probable d'un arrangement de famille. .
Le 6 mars 1877, Mademoiselle Marie Larteguy, rentière à Bayonne, achète à Magdeleine Sophie d'Urtubie de Garro, héritière du baron de Garro et de Colisandre de Caupenne, veuve de Henry Lombard marquis du Castelet et rentière à Dax, quatre de ses métairies des communes de Hélette et de Mendionde, soit 75 hectares, pour le modeste prix de 45 300 francs Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18042 et 18043 : vente du 6 mars et quittance du 24 septembre 1877. . Il est étrange que Marie Larteguy, qui n'a quitté Sansoenea qu'à près de quarante ans, après le mariage de son frère, et n'a toujours pas perçu le montant de ses droits, ait pu accumuler une telle somme. Tout invite à considérer cet achat comme un placement familial. C'est à Sansoenea qu'est signé l'acte de vente, et c'est Jean Larteguy qui gère les biens de sa soeur. En 1880, il échange en son nom deux parcelles excentrées, veillant à l'irrigation d'un pré et à l'entretien des haies Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18044 : échange du 31 janvier 1880. . C'est aussi Jean Larteguy qui reçoit en 1896 l'usufruit des biens de sa soeur, dont la propriété revient à sa fille Marianne, célibataire comme sa tante qu'elle a rejointe à Bayonne. La propriété échappe ainsi au partage, et peut-être est-ce là le secret de cet arrangement inhabituel. Par le truchement de cette lignée de célibataires, le petit empire foncier des Larteguy (115 hectares) s'étend en fait bien au-delà de Sansoenea.
Avec trois hectares de labours et sept hectares de prés, l'exploitation a sans doute atteint le seuil difficilement dépassable de l'agriculture familiale : sa superficie est en adéquation avec les capacités de travail et les besoins de consommation d'un groupe domestique de huit personnes Elle n'emploie un jeune domestique qu'en début et en fin de cycle familial, lorsque les enfants sont encore trop jeunes, puis lorsqu'ils commencent à partir. Arch. com. Hélette : listes nominatives de recensement (1861-1891). . Le remembrement de parcelles parfois trop dispersées apparaît comme le principal objectif d'une politique foncière dont l'analyse spatiale dément l'apparente incohérence. Mais les petits exploitants de Sansoenea sont aussi de grands propriétaires : ils sont en passe de devenir les nouveaux rentiers.
Jean-Baptiste Larteguy (1891-1914) : un marché moins actif
L'histoire de Jean-Baptiste Larteguy est celle d'une génération qui doit plus à l'héritage qu'aux opportunités du marché. C'est aussi celle de la fin d'une dynastie de petits exploitants.
Deuxième né, Jean-Baptiste a été préféré à son frère pour prendre la succession de son père. L'aîné, destiné à la prêtrise, n'a pas touché longtemps la rente viagère promise par ses parents Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18044 et 180445 : procuration du 3 décembre 1883 et titre clérical du 8 décembre 1883. : il meurt à peine sorti du séminaire, en 1884 Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1R / 415 à 865 : registres matricules de recrutement. . Seule l'aînée des filles est mariée : elle épouse en 1888 son cousin germain Bernard Garra, héritier du domaine de Garatia (72 hectares, dont quatre métairies et un moulin), et reçoit une dot de 6 000 francs Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18046 : contrat de mariage du 7 janvier 1888. . Comme à la génération précédente, les cadettes restent célibataires, l'une auprès de ses parents, l'autre auprès de sa tante à Bayonne. Aucune n'exige sa part d'héritage, et la propriété reste dans l'indivision.
Le mariage de Jean-Baptiste avec sa cousine au second degré redouble les liens noués à la génération précédente avec la maison Garra (217 hectares, dont onze métairies et un moulin). Gracieuse Garra apporte un trousseau à la hauteur de sa condition, d'une valeur de 2 000 francs, et 10 000 francs en numéraire Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18094 : contrat de mariage du 19 mars 1891. . Surtout, la propriété s'agrandit à la faveur de ces alliances consanguines, accompagnées d'une série de partages, d'un domaine de 35 hectares, propriété d'un oncle maternel de Jean-Baptiste, puis d'une métairie de 20 hectares, propriété de son beau-père Arch. com. Hélette : matrice cadastrale. .
Mais alors que la fortune semble plus que jamais sourire aux heureux propriétaires, le déclin de la maison est déjà entamé. La mésentente s'installe entre Jean-Baptiste et ses parents qui mettent fin à leur cohabitation. L'exploitation et les créances sont partagées par moitié en 1893 Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18047 : partages des 22 avril et 27 septembre 1893. . Les parents s'installent à Ipharraguerria, dont ils exploitent les terres jusqu'à la guerre avec leur fille Jeanne-Marie et Bertrand, qui rentre de Buenos Aires à l'âge de soixante ans Arch. com. Hélette : listes nominatives de recensement. . Restent en commun le four à chaux, l'aire de battage, et le four de la maison dont les parents ont l'usage trois jours par semaine.
Jusqu'en 1909, Jean-Baptiste Larteguy reste attentif aux occasions d'agrandir son exploitation de quelques parcelles et surveille le marché, anticipant des ventes qui ne se réalisent pas toujours. En commun avec son père, il achète à prix d'or aux héritiers de Pierre Larre la maison Charaosteguia, son pré et ses jardins, enclavés entre ses terres et Mougnoteguia Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18047 : vente du 26 mai 1891. Voir ci-dessus : le domaine de Pierre Larre, médecin à Hélette. : sans doute ont-ils alors des vues non seulement sur Mougnoteguia, mais sur sa voisine Barberteguia, où vient de s'éteindre une lignée de tisserands et de journalières dont tous les descendants ont quitté le village. Mais elle tarde à se vendre, et leur échappe finalement en 1901 au profit de leur concurrent d'Etchegoyenea A partir de 1900, seules les matrices cadastrales permettent de reconstituer les transactions foncières. .
Les transactions se font rares pendant une quinzaine d'années : comme en 1848, la récession de la fin du siècle semble paralyser le marché foncier qui ne se ranime qu'après 1905. Les années 1908-1910 sont celles du rattrapage, et celles d'une ultime tentative de remembrement. Jean-Baptiste Larteguy renonce à Charaosteguia, qu'il revend à un épicier. Il rachète Erraya, abandonnée depuis longtemps par le tanneur auquel son père l'avait vendue en 1876 Tanneur à Erraya en 1881, Salvat Durruty s'endette lourdement. En 1886, il est parti pour Buenos Aires sans rembourser ses créanciers. Mais, jusqu'en 1908, il reste propriétaire de la maison qui est a été mise en location. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques III-E 18047 : quittance et subrogation du 23 mai 1891. Arch. com. Hélette : listes nominatives de recensement et matrice cadastrale. , en même temps que Saldumbidia dont le propriétaire vient de prendre avec toute sa famille la direction de la Californie A partir de 1902, Jean Arrabit et ses quatre fils partent les uns après les autres pour San Francisco. Seule la mère et sa fille restent à Hélette. La maison est vendue à Jean-Baptiste Larteguy en 1908. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1R / 415 à 865 : registres matricules de recrutement. Arch. com. Hélette : listes nominatives de recensement et matrice cadastrale. . La même année, sa soeur Marianne parvient enfin à mettre le point final à l'achat programmé de Mougnoteguia, dont tous les artisans ont peu à peu disparu Arnaud Dumon, son dernier propriétaire, est mort depuis 1894 en laissant trois petits-enfants pour héritiers. Tous sont installés à Hasparren, comme laboureurs et couturière. Ils attendent pourtant 1908 pour mettre en vente la maison et les quelques parcelles de leur grand-père. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 269-Q-1 à 46 : mutation par décès du 30 novembre 1894. Arch. com. Hélette : listes nominatives de recensement et matrice cadastrale. . L'ensemble des trois exploitations forme un ensemble presque cohérent, et Jean-Baptiste Larteguy est sur le point d'achever l'oeuvre de son père et de son grand-père. Seules quelques parcelles issues d'Erraya, toujours entre les mains d'artisans du bourg, s'opposent encore au remembrement des terres patiemment rassemblées.
Là s'interrompt pourtant la politique d'acquisitions foncières de Sansoenea. En 1911, Jean-Baptiste Larteguy vend Saldumbidia, met Sansoenea en métayage et s'installe sur la place du village dans une maison de l'héritage de sa femme. Derrière l'apparente réussite du petit exploitant devenu rentier se cache un drame familial : Sansoenea n'a plus de successeur. Jean-Baptiste Larteguy et Gracieuse Garra, qui n'ont que deux enfants, viennent de perdre leur cadet et l'état de leur fils aîné ne lui permet pas de reprendre l'exploitation Affligé selon les registres militaires d'une "débilité mentale très prononcée", il disparaît à son tour en 1917. Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1R / 415 à 865 : registres matricules de recrutement. . La propriété de 160 hectares, encore indivise en 1940, s'effrite dès lors peu à peu.
Propriétés des Larteguy à Hélette (1834-1942)
L'exploitation quant à elle a atteint un seuil dès les années 1870 : vendue à un métayer, elle cultive en 1942 comme en 1914 deux hectares de labours et trois de prés Arch. dép. Pyrénées Atlantiques 1204-W/10 : enquête agricole de 1942. Commune de Hélette. . Près du tiers de ses terres ont été acquises au détriment de la grande propriété bourgeoise et nobiliaire et de la micro-propriété des artisans ruraux. Révélateur des reclassements sociaux à l'oeuvre au sein du monde rural, le bilan de ces transferts fonciers ne rend toutefois que partiellement compte de la complexité du marché de la terre, de ses rythmes sensibles aux conjonctures économiques, de ses mouvements contradictoires. Largement confondu avec le marché de l'argent et le marché matrimonial, le marché foncier voit s'affronter en des jeux subtils les stratégies concurrentes des propriétaires, des métayers, des artisans. L'hétérogénéité des prix qui le caractérise relève d'une économie familiale et d'une économie morale, plus favorables à des logiques de remembrement et d'accès à la propriété qu'à une accumulation sans limite.
Hélette : l'érosion de la propriété bourgeoise Voir tableau 17 en annexe : ventes et achats d'exploitation (1834-1914). Hélette.
Ascain
3. La vente des communaux
4. Marihaurrenea : le reclassement d'une dynastie de cordonniers
Une exploitation pluriactive
1800-1860 : peu d'investissements fonciers
1860-1891 : des acquisitions dispersées
5. Hiriburua : une petite exploitation en difficulté
Une exploitation endettée Voir arbre généalogique en annexe (14).
Les ventes d'Hiriburua (1849-1895)
Les achats de Dominique Berho
Ascain : une forte pression foncière Voir tableau 18 en annexe : ventes et achats d'exploitation (1834-1914). Ascain.
Conclusions : la petite exploitation et le marché de la terre
Un accès élargi à la propriété
Un marché régulé
Le maintien de la grande et moyenne propriété
CHAPITRE 6. la longue persistance du metayage
1. Approche du métayage en Pays basque
Approche juridique
Des baux précaires
Partage des fruits et redevances
Le droit de direction
Approche statistique : métayage et fermage
2. Les métairies de Vignemont, domaine des vicomtes d'Urtubie (Ascain)
Une grande propriété nobiliaire
Un propriétaire négligent
Métayers et fermiers
Exploitants et propriétaires : des dynamismes
3. Etcheverria (Hélette) : une propriété paysanne
Un grand domaine paysan
Deux exploitations affermées : Attachenia et Landaburua
Le bail à ferme d'Ipharria (1856)
Le bail à ferme d'Etcheverria (1866)
4. Ingoytia (Ascain) : du fermage au métayage
Propriétaire et fermier : un double statut
Propriétaire et locataires : des modes de faire-valoir multiples
Une métairie modèle
5. Du côté des métayers : Harismendia (Hélette)
Vicissitudes de la propriété
Jean Duhalde : l'inventaire de 1856
Guillaume Delgue et Salvat Lacouague : le bail mobilier de 1875
Guillaume Delgue
Salvat Lacouague
6. Larteguia (Hélette) : propriétaires et locataires
Larteguia et Lecumberria : propriétaire et fermier (1851)
Larteguia et Larteguiberria : propriétaire et métayer (1888-1890)
Conclusion : diversité du métayage
Du côté des métayers
Du côté des propriétaires
Métayage et petite exploitation
Conclusion de la deuxième partie. la petite exploitation et l'accès à la terre
TROISIEME PARTIE. LE CHAMP DES POSSIBLES : STRATEGIES PRODUCTIVES
CHAPITRE 7. LES VOIES DU CHANGEMENT AGRICOLE
1. Portrait de groupe avec machines
Débuts de mécanisation
Intensification
Orientation herbagère
2. Portrait de groupe avec boeufs (Hélette)
Des prés et des bœufs : Chouhiteguia
Les rigoles et l'étable : le quartier de Chistela Voir plan 11 en annexe : Le quartier de Chistela en 1834.
Vers l'excellence agricole : Etchegoyenea
3. Portrait de groupe avec poules (Ascain)
4. La petite exploitation et le changement agricole
Une orientation vers l'élevage
Une accumulation de petits progrès
Un mouvement collectif
De la commune au mouvement coopératif
CHAPITRE 8. DE NOUVELLES FORMES DE PLURIACTIVITE
Une pluriactivité en recomposition
1. Des activités industrielles et maritimes en déclin
Des industries rurales en voie de disparition
Des activités maritimes en pleine décadence
2. Tourisme et contrebande : des activités florissantes
L'essor du tourisme balnéaire
Une contrebande active
3. Les migrations, composante de la pluriactivité
Des exploitations pluriactives
4. Une pluriactivité multiforme
Herassoa (Ascain) Voir l'arbre généalogique en annexe (6) : Herassoa, 1806-1914.
Iribarnia (Hélette) Voir arbre généalogique en annexe (7).
Tuttumbaïta (Ascain) Voir arbre généalogique en annexe (8) : Tuttumbaïta (1830-1920).
5. Artisans pluriactifs : une agriculture seconde
Les marins de Mendisca (Ascain) Voir arbre généalogique en annexe (9) : Mendisca, 1829-1906.
Les forgerons de Carricaburua (Hélette)
Les aubergistes d'Irigoinia (Hélette) Voir arbre généalogique en annexe (11) : Irigoinia, 1814-1914.
6. Harguibelea ou la rente de l'émigration (Ascain)
Une aventure collective Voir arbre généalogique en annexe (13) : Harguibelea, 1799-1914.
Des retours d'hommes et d'argent
La redistribution Voir tableau 15 en annexe : Harguibelea. Généalogie foncière (1832-1920).
Conclusion : petite exploitation et pluriactivité
Conclusion de la troisième partie. L'exploitation paysanne et le changement économique
CONCLUSION
1. La résistance de la petite exploitation
2. Les dynamiques de la petite exploitation
3. Une société rurale en mutation
4. Société locale, société globale : bilan et perspectives