Résumés |
fr |
En quoi et de quelle manière les savoirs enseignés et le système didactique propres à la pratique de l’aikidô de l’école du Kokusai Aikidô Kenshukai Kobayashi Hirokazu Ha répondent-ils à une demande de développement personnel qui motive ses pratiquants ? Pour nous permettre de traiter de cette question, c’est la didactique de l’aikidô, telle qu’elle est conçue dans la mouvance du Maître Kobayashi Hirokazu (1929-1998), que nous interrogeons au travers de cinq examens de passage de grade de cinquième dan. Nous nous pencherons particulièrement sur l’étude du système didactique, notion que nous empruntons à la didactique des Mathématiques en nous référant à Jean Brun et François Conne (1990, p. 261) et définie comme : « système de relations entre le maître, les élèves et le savoir enseigné, système constitué, orienté et finalisé par la volonté d’enseigner. », ainsi que sur celle du cadre didactique, que nous entendons comme l’ensemble des valeurs, des règles, des conceptions et des objectifs pédagogiques qui rendent possible au niveau concret l’émergence du système didactique de référence. L’étude conjointe du système et du cadre didactique nous permettra de mettre en avant les dimensions rituelle, psychosomatique et langagière qui s’y interpénètrent.Le passage de grade possède une portée symbolique et emblématique ; il représente l’évolution dans une pratique, ce qu’on a acquis mais aussi ce que l’on cherche encore à acquérir. La relation enseignement / apprentissage / développement, y étant particulièrement susceptible d’être apparente et saillante, l’examen de passage constitue un espace d’observation délimité permettant de mettre en évidence l’ensemble des caractéristiques les plus marquantes du système didactique à étudier en l’inscrivant au centre d’un point nodal ayant valeur d’étape décisive et repérée dans un parcours de formation. Enfin et surtout, au-delà de l’aspect évaluatif, le passage de grade est un « passage », c’est-à-dire, d’une part comme nous venons de le souligner un espace et un temps circonscrits a minima, à l’intérieur desquels les apprentissages visés deviennent plus repérables puisque davantage localisés et d’autre part, en raison de la réelle solennité qui l’accompagne, exacerbant quelque peu les réactions émotionnelles, une véritable situation problème qui rend également plus apparente la dimension interne de l’individu confronté à une épreuve. La relative brièveté de l’examen impose des réponses comportementales et cognitives très rapides où l’artifice a peu de place pour se déployer. Car l’apprentissage décisif doit avoir lieu « ici et maintenant », même s’il n’est rendu possible que parce qu’ont été intériorisés les schèmes qui permettent son émergence, eux-mêmes objets d’apprentissage antérieurs plus espacés dans le temps.Bruner, se référant aux travaux de Goodman, insiste sur une certaine idée du constructivisme qui ne conçoit pas une réalité unique mais reconnaît une pluralité de « réalités psychologiques », fruits de l’interaction entre chaque esprit et le monde qui l’entoure. Pour Vygotski, la communication entre sujets constitue le fondement primordial de l’émergence de leur pensée. En nous inscrivant dans les cadres théoriques issus du sillage des travaux de ces deux chercheurs, nous cherchons à décrire l’examen de passage de grade non pas uniquement comme peut le percevoir et le comprendre l’observateur mais en nous intéressant à la manière dont chaque participant a vécu l’échange créateur et s’en est nourri. Pour cela, nous utilisons un outil méthodologique particulier, le métarécit, où la description ethnologique se fonde sur des entretiens d’explicitation au sens de Vermersch. Nous vérifions de cette manière que le sujet apprenant aikidoka pénètre au cœur d’un système didactique qui encourage, au travers des situations d’apprentissage proposées par l’enseignant, une réflexion personnelle et des comportements individuels afférents qui ne se limitent pas au cadre de la discipline au sens strict, mais recouvrent singulièrement l’ensemble des contextes familial, social et professionnel au sein desquels l’apprenant se meut. Si nous devions alors résumer en quelques mots notre thèse, nous dirions que les savoirs enseignés et le système didactique propres à l’aikidô du Kokusai Aikidô Kenshukai Kobayashi Hirokazu Ha permettent au pratiquant l’apprentissage d’un langage autorisant, d’une manière bien sûr relative au niveau d’acquisition, l’expression de son être en sa totalité et sa complexité. Or, cette expression correspond précisément à une quête existentielle qui paraît omniprésente chez les aikidoka. Si la relation causale apparaît clairement, les interactions multiples entre les très nombreux éléments en action font eux état d’un degré de sophistication extrême pour dénouer toutes les interactions en jeu. Le fait que soient imbriquées dans les processus entrecroisés qui soutiennent l’ensemble, des dimensions aussi différentes dans leurs phénoménalités que le geste, la pensée et l’émotion, pare l’exploration de la thématique d’un insigne intérêt pour le chercheur en sciences humaines. Si l’on considère de plus que l’utilisation du langage de la technique d’aikidô requiert un très long et apparemment sans fin apprentissage, que celui-ci est guidé par un enseignement particulier, c’est plus spécifiquement le chercheur en sciences de l’éducation qui voit son intérêt grandir pour la question à laquelle nous avons tenté de répondre. Reconsidérer, en effet, le processus éducatif en général selon la méthodologie vygotskienne, c’est-à-dire en en dégageant des unités de base où ne sauraient être scindées cognition, émotion et action, constitue un programme que nous pensons porteur et applicable dans nombre de disciplines. La méthode du métarécit que nous avons expérimentée pour ce faire peut également apporter sa modeste contribution à d’autres recherches allant en ce sens. |
en |
The didactics of Aikidô as it is taught in the line of Master Kobashi Hirokazu (1929-1998 ) is analysed through the five examinations taking place for each dan grade. The ritualistic, psychosomatic and linguistic aspects at work are brought to the fore when studying the didactical setting and progression of the examinations. Bruner, referring to Goodman, lays emphasis on a constructivist approach that does not consider reality as unique but that rather promotes the notion of a plurality of “psychological realities” resulting from the interrelations between every individual and their surrounding world. According to Vygotski, communication between subjects is the necessary basis for their own thinking to emerge. Using the theoretical framework of these researches the examination of grades are described not merely in the way the observer can see and understand them but also by focusing on how the different persons involved have lived these enriching moments of creative exchange. A particular methodological tool is then used : meta-account, in which ethnological descriptions are based on explanatory interviews as Vermersch has developed them. It is thus shown how the student in Aikidô, or aikidoka, enters a didactical system that fosters, through learning stages provided by the teacher, the elaboration of personal thinking and of its related behaviours that extend beyond the discipline of Aikidô and have implications in his or her familial, social and professional background. The students in Aikido, as they are motivated by their wish for personal development, find in their practice a way that renders their quest possible. |
|